Le chant des regrets éternels (jeudi, 24 mai 2007)

Il y a longtemps que je n'avais pas parlé de littérature chinoise. Je viens de terminer le roman de Wang Anyi,
"Le Chant des regrets éternels".
L'auteur, née en 1954, est la fille de deux écrivains chinois qui ont eu à souffrir de la révolution culturelle. Ce roman n'en porte pourtant aucune trace.
Il faut dire que Wang Anyi est shanghaienne et je dirais même plus shanghaienne que chinoise. Le roman est d'abord un hymne à Shanghai.
En tant que romancière, Wang Anyi se réclame de Balzac. Elle en a retenu la nécessité de décrire, essentiellement pour planter le décor. Rien à voir pourtant avec les quelque cinquante pages de présentation de la pension Vauquer dans "Le Père Goriot". Ici les premiers chapitres sont consacrés à une visite de Shanghai. La ville mythique des années 40, la ville du cinéma et de l'occidentalisation à outrance sur laquelle flotte un air de belle époque.
Promenade superbe dans Shanghai , ville de ruelles animées, les "lontangs", où, curieusement, les jeunes filles mènent leur vie dans une liberté étonnante.
Débute ensuite l'histoire d'une héroïne qui sera à la fois produit et victime de cette ville. Ts'iyao, prise dans une toile d'araignée, éblouie par la mode, l'apparence, le succès, la beauté... Plutôt qu'au rêve de célébrité c'est au piège de la richesse que sera le rendez-vous.
Elle devient ce qu'on appelle en France une "demi-mondaine".
Les Chinois ont un vocable plus poétique et parlent de "fleur de la société".
"Ces fleurs se situaient à mi-chemin entre honnête femme et prostituée, entre première épouse et concubine."
Toutefois Ts'iyao n'est pas Nana : instruite, intelligente, lucide elle saura faire face à l'adversité et se protéger en se glissant dans une niche, encore une ruelle, pendant les années maoistes auxquelles elle échappe, peu évoquées d'ailleurs par la narratrice, attachée exclusivement au destin individuel de son personnage. Sa passion des vêtements, fil conducteur du récit, devient une vertu, sa manière de se réaliser.
L'histoire se termine dans les années 80. Shanghai n'est pas encore la mégapole actuelle. Les jeunes, nostalgiques, essaient de restaurer modes et art de vivre des années fastes.
Pour Ts' iyao c'est l'occasion de revenir en pleine lumière : trop tard.

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