Des femmes pour la paix (vendredi, 08 juin 2007)

Madina MAGOMADOVA, Présidente de l'association "Mères de Tchétchènie" était à Lyon, ce mardi 5 juin, invitée par le Comité Tchétchénie de Lyon, animé par Bleuenn Isambard.
C'est une femme d'exception que nous avons eu le privilège de rencontrer. Madina Magomadova est née en exil au Kazakhstan en 1954. Après des études d'agriculture elle a occupé différentes fonctions à la direction de l'Agriculture en Tchétchènie jusqu'à la guerre de 1994 qui a changé son existence.
Depuis, en tant que présidente des "Mères de Tchétchènie", elle consacre sa vie à la recherche des citoyens tchétchènes disparus. Membre à l'ONU de différentes commissions des Droits de l'Homme, de groupes inter-parlementaires à Strasbourg et membre d'd'honneur du bureau international de la Paix à Genève, elle parcourt le monde pour faire entendre la voix des femmes de Tchétchènie et pour que leur combat ne soit pas oublié.

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Photo de Anne-Sophie Zika
Photographe de presse


Devant les lyonnais, Madina Magomadova a commencé par un rappel historique des conflits endurés par la Tchétchènie. Ce petit peuple du Caucase souffre depuis la nuit des temps de son voisinage avec la Russie. Il a connu douze guerres en trois siècles et six déportations. Tous les 40/50 ans il subit une agression de ses voisins russes.
Pourquoi ?
D'après Madina Magomadova c'est un peuple libre, qui a toujours refusé l'esclavage. En langue tchétchène le mot d'accueil de bienvenue est "entre avec la paix".
En 1944 le peuple tchétchène a été déporté par Staline, cinquante ans plus tard, en 1994, éclate la guerre provoquée par Eltsine puis en 1999 une seconde guerre. Entre ces deux guerres, 35% de la population a été tuée. Mais aussi les livres ont été détruits, la mémoire du peuple tchétchène éradiquée.
Or toutes les difficultés de ces guerres ont été portées par les femmes : sauver la vie des hommes, trouver la nourriture et surtout rechercher les disparus.
Madina Magomadova consacre sa vie à cette recherche, aide et encourage les femmes à faire de même.
Elle a dû commencer par sa propre famille. L'un de ses deux frères a été tué par les Russes mais elle cherche toujours le second.
Dès qu'elle apprend la mise à jour de charnier, de cadavre ou même de cendres retrouvées, elle se précipite pour tenter de procéder à une identification.
Ces disparitions et l'ignorance qui s'ensuit provoque chez les femmes tchétchènes des blessures profondes. C'est une torture lente, affirme Madina Magomadova. D'autant que arrestations et les enlèvements se poursuivent aujourd'hui. Elle-même doit prendre des précautions, surtout depuis l'assassinat de la journaliste russe, Anna Politkosvskaya. Elle n'a plus d'appartement et ne dort jamais deux nuits de suite au même endroit.
Les disparus ne sont jamais retrouvés vivants. Pour récupérer leurs corps, l'association doit acheter les renseignements aux soldats russes qui les monnayent très cher.
En Tchétchénie, les femmes souffrent, développent des maladies, deviennent folles ou meurent de chagrin.
Partout où il y a la guerre décidée par les hommes, les femmes consolent, réparent, guérissent, enterrent les morts et maintiennent la vie.

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Madina Magomadova avec Bleuenn et Catherine du Comité Tchétchénie.

"Lysistrata :
Je vais parler, car il ne faut pas que la chose reste secrète. Nous avons, ô femmes, si nous voulons contraindre nos maris à faire la paix, à nous abstenir....

- Cléonice :
De quoi ? Dis.

- Lysistrata :
Le ferez-vous ?

-Cléonice :
Nous le ferons, dussions-nous mourir.

-Lysistrata :
Eh bien, il faut nous abstenir... du membre."


Aristophane
(450 avant JC)

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