La stratégie des antilopes. (vendredi, 26 octobre 2007)

Dans la déferlante des livres de la rentrée, j'ai retenu et lu

"La stratégie des antilopes" de Jean Hatzfeld.

Impossible de parler de ce livre, classé récit, sans évoquer les précédents conscrés au même sujet : le génocide du Rwanda.

Jean Hatzfeld a été grand reporter et correspondant de guerre. Il a été gravement blessé à Sarajevo. Il est allé au Rwanda après le génocide de 1994. Dans la ville de Nyamata, il a d'abord recueiili les témoignages des rescapés Tutsis qui sont depuis devenus ses amis. Il a consigné leurs récits bouleversants dans un livre :

"Dans le nu de la vie".

Puis il a essayé de comprendre le pourquoi du génocide en allant écouter les tueurs dans leur prison. Autres récits tout aussi bouleversants :

"Une saison de machettes".

Jean Hatzfeld partage, depuis, son temps entre la France et le Rwanda. Les rescapés de Nyamata sont devenus des amis qui lui écrivent ou lui téléphonent quand il est en France. En 2003, les tueurs ont été libérés, tous ensemble. Leur retour à Nyamata et leur réintégration parmi ceux dont ils avaient massacré les familles est l'objet de ce nouveau récit, "La stratégie des antilopes".

Dans ses ouvrages précédents, Jean Hazfeld avait essayé de comprendre comment des gens qui avaient été ensemble sur les bancs de l'école, joué au foot ensemble et ensemble chanté à l'église avaient pu en arriver là. Les tueurs Hutus ? Des gens ordinaires. Cultivateurs pour la plupart mais aussi des enseignants et même des prêtres catholiques.

Expliquer est impossible.

Au début de ce récit, Claudine, une rescapée Tutsi tente pourtant de le faire :

"La convoitise souffle sur l'Afrique plus de chamailles et de guerres que la sécheresse ou l'ignorance. Et dans le brouhaha elle a réussi à souffler un génocide sur nos mille collines."

Les tueurs sont revenus à Nyamata, en fait une nécessité économique. Impossible pour l'Etat rwandais de continuer à entretenir en prison ces milliers de Hutus. Leur emprisonnement et le  massacre des 50 000 Tutsis avaient laissé à l'abandon des parcelles de terre qu'il fallait cultiver.

Les prisonniers arrivent en colonnes à Nyamata. Il faudra malgré tout vivre ensemble.

Du côté des tueurs, pas de remords, on le savait déjà depuis "Une saison de machettes". Seuls des regrets d'avoir été emprisonnés et d'avoir perdu des biens ou une femme. Incapacité de demander pardon.

Du côté des rescapés, peur et évitement. La vie ne peut reprendre comme avant, on est obligé de faire avec. Pas de pardon puisqu'il n'est pas demandé.

Des deux côtés, persistance de la haine. A tel point qu'on se demande si cela ne pourrait pas recommencer. D'autant que, bien que le gouvernement actuel soit Tutsi, les hutus semblent être ceux qui ont le moins perdu.

Malgré tout, seul signe d'espoir, une histoire à la Roméo et Juliette. Un Hutu épouse une Tutsi contre l'avis des deux familles. Ils étaient ensemble à l'école. Lui a participé aux massacres mais a pris des risques pour la sauver et la mettre à l'abri. Il s'est retrouvé en prison où elle est allée à le voir. Elle l'a attendu sept ans et ils se sont mariés. Histoire que l'auteur souligne comme exceptionnelle.

Jean Hatzfeld essaie toujours de comprendre le phénomène génocidaire qui n'a rien à voir avec une guerre civile. Pour lui tous les génocides sont de même nature et il multiplie les analogies entre la Shoah et le génocide rwandais. Il lui consacre sa vie.

"Tant que je vivrai, je retournerai à Nyamata. Même si je ne comprendrai jamais".

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