A Max Gallo (samedi, 02 juin 2007)

... nouvellement élu à l'Académie française.

"La peste soit de l'Académie et des Académiciens !
Aussi soumis à la voix de Richelieu que fille transie à son galant. Docte assemblée des plus prudents lettrés de France, réunis pour sa gloire et par sa volonté, ils ne le contredisent jamais. Le pouvoir et l'amour font également perdre le sens commun à cette sorte d'hommes. Fâcheux état qui prétend en dicter les termes et en régler la définition ! Il faut les voir façonner leur dictionnaire de la langue française à coups de serpe, déclarant hérétique l'usage des plus vieux mots de notre langue. Le cardinal leur souffle-t-il d'écorner le mot jadis, ou de démoder allégresse ? J'ai beau rager, vilipender, crier à la volerie, tout à trac ils s'acquittent, sans du tout barguigner. Et, ce faisant, biffent d'un trait de plume tyrannique la chose au coeur du mot, la souche des lettres, l'exultation d'écrire à pleine voix. (...)
Car il n'est, pour y entrer, que de déposer un vil blason de flatterie à gueules d'obéissance aux pieds du Cardinal. Quant à la qualité littéraire, l'étiquette mondaine y suffit. Le pot fait la confiture.
Disons-le tout net. La cène Académique rassemble un curieux dîner de têtes politiques. Sous couleur de régenter les soit-disant déportements des belles-lettres et de notre orthographe, Richelieu insinue par la force l'arme de ses édits dans nos us langagiers."

Bien sûr, c'était au temps de Richelieu, à une autre époque.

Propos prêtés à Marie de Gourmay, dernière amie de Montaigne et son éditrice, par Martine Mairal dans son roman, "L'Obèle", consacré à cette femme que l'Académie, récemment créée, avait rejetée.

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