Georges (lundi, 19 novembre 2007)

à ulm Pierre
qui parle occasionnellement sur nos blogues de ses parents Résistants
et qui le fera peut-être plus longuement un jour.

Samedi soir j'ai retrouvé chez une amie et ancienne collègue, un "jeune homme" de 89 ans.
Georges B. régulièrement invité dans mon lycée par mes collègues d'Histoire pour témoigner de son passé de Résistant mais surtout de son incarcération au camp de concentration de Monthausen.
Je dis "jeune homme" car rarement l'expression "le temps n' a pas eu de prise" a été autant justifiée. Georges à 89 ans est droit, élégant sans aucune ride et, coquetterie supplémentaire, il colore ses cheveux : vous lui donneriez 20 ans de moins. C'est un bavard au langage précis et à la réflexion profonde, sauf quand il plaisante sur les "jeunes femmes" de 60 ans qui le draguent dans la rue. Il a le malheur d'être veuf et nous a dit à ce propos

"Le camp de concentration a été une péripétie de mon existence mais le veuvage une catastrophe."

Georges est très sollicité à Lyon dans de nombreux établissements scolaires mais aussi au musée de la Résistance et je ne saurais énumérer le nombre d'associations auxquelles il appartient. Sa mémoire étant exceptionnelle, il raconte chaque fois qu'on le rencontre des faits nouveaux. Ainsi ce samedi soir dans la voiture -mon mari et moi nous nous étions chargés de le conduire- il nous a parlé d'un ami de la Résistance.
C'était un jeune médecin, juif, d'origine allemande qui avait compris dès 1933, à l'élection d'Hitler, ce qui l'attendait. Il s'était réfugié en France et engagé dans la Résistance où Georges a fait sa connaissance. L'amitié a été tout de suite très forte entre eux. Ils ont été arrêtés ensermble puis envoyés ensemble à Monthausen.Le lendemain de son arrivée, Georges a cherché dans le camp le baraquement dans lequel il pourrait le trouver mais un plus ancien, mieux informé, lui a dit " il a été gazé ".
C'est ainsi que Georges a appris que son camp était aussi un camp d'extermination et comment on éliminait les juifs.
Réfléchissant à voix haute sur cette expérience, il nous a ensuite confié :
"cette tragédie, c'est finalement l'oeuvre de la foule : quand des masses se mettent en mouvement sans réfléchir voilà à quoi on arrive".
C'est exactement ce que je suis en train de découvrir avec le roman de Philippe Claudel " Le rapport de Brodeck".

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