Souvenir d'un poète (mardi, 04 novembre 2008)
Louis-Paul, en citant Lamartine sur son blogue, m'a donné envie de relire ce poète. Je l'avais vénéré à une époque puis renié et peut-être retrouvé. Signe de vieillissement ?
Milly, la maison d'enfance que le poète a dû vendre.
Milly ou la terre natale
Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,
Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,
Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...
Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,
Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,
Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...
(...)
Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme,
Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux
Submergeaient lentement nos barques de roseaux,
Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne,
Je venais sur la pierre, assis près des vieillards,
Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards !
Tout est encor debout; tout renaît à sa place :
De nos pas sur le sable on suit encor la trace;
Rien ne manque à ces lieux qu'un cœur pour en jouir,
Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir.
Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux
Submergeaient lentement nos barques de roseaux,
Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne,
Je venais sur la pierre, assis près des vieillards,
Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards !
Tout est encor debout; tout renaît à sa place :
De nos pas sur le sable on suit encor la trace;
Rien ne manque à ces lieux qu'un cœur pour en jouir,
Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir.
Alphonse de Lamartine
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Commentaires
De Blog en Blog et d'un Poème à l'autre...
Sagesse Rosa, c'est mieux!
Écrit par : LP | mardi, 04 novembre 2008
Louis-Paul, si il y a une saison, comme le suggère Solko, pour faire certaines lectures
peut-être y-a-t-il aussi une saison de la vie.
L'automne, la saison des romantiques qui l'ont tant célébré.
Quant à l'âge de la vis il me semble que cette lecture correspond plutôt à l'adolescence.
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
Merci Rosa
Après" Les folles de la Salpêtrière " peut être en reste-il dans quelques endroits du monde...
merci de retrouver "Lamartine"
Écrit par : noelle | mardi, 04 novembre 2008
Moi aussi je préfère sagesse !!!
Écrit par : Yves | mardi, 04 novembre 2008
Oui, Lamartine est un "moment véritable" de la littérature. Il y a un extrait de Jocelyn qui s'appelle "les Laboureurs". Je me permets de vous le laisser en couper/coller. Certains trouveront ça scolaire, maniéré, abusif sur le plan des répétitions, des sonorités. Mais justement. C'est l'un des plus bel exemple "d'harmonie imitative" que je connaisse.
La terre, qui se fend sous le soc qu'elle aiguise,
En tronçons palpitants s'amoncelle et se brise,
Et, tout en s'entr'ouvrant, fume comme une chair
Qui se fend et palpite et fume sous le fer.
En deux monceaux poudreux les ailes la renversent ;
Ses racines à nu, ses herbes se dispersent ;
Ses reptiles, ses vers, par le soc déterrés,
Se tordent sur son sein en tronçons torturés.
L'homme les foule aux pieds, et, secouant le manche,
Enfonce plus avant le glaive qui les tranche ;
Le timon plonge et tremble, et déchire ses doigts ;
La femme parle,aux boeufs du geste et de la voix ;
Les animaux, courbés sur leur jarret qui plie,
Pèsent de tout leur front sur le joug qui les lie ;
Comme un coeur généreux leurs flancs battent d'ardeur ;
Ils font bondir le sol jusqu'en sa profondeur.
L'homme presse ses pas, la femme suit à peine ;
Tous au bout du sillon arrivent hors d'haleine ;
Ils s'arrêtent : le boeuf rumine, et les enfants
Chassent avec la main les mouches de leurs flancs.
Merci pour vos éclaircissements et à bientôt.
Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008
Comme je l'ai dit, j'ai eu ma période de rejet de cette poésie.
Mais depuis j'ai été lassée, et même écoeurée, de la poésie aux métaphores creuses issue de l'écriture automatique.
Mais je retrouve sur certains blogues de la poésie qui a du sens comme celle d'Aliscan ou de Fabrice.
Le problème avec Lamartine c'est que le contexte culturel ou social n'est plus connu.
Si on s'en tient à Milly que j'ai relu entièrement hier soir, certains passages feraient hurler comme ceux où les parents du poète se penchent avec paternalisme sur "leurs" paysans.
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
En leçon d'orthographe on apprenait :
"le chapeau de la cime est tombé dans l'abîme".
Issu des deux rimes de ce passage ?
Écrit par : Rosa à Choubine | mardi, 04 novembre 2008
@ Rosa : Feraient hurler qui ? Des sots et des ignorants !Comme dit Molière, "Les Anciens sont les anciens et nous sommes les gens de maintenant". C'est quoi, cette idée bizarre, qui voudrait que toujours, les hommes aient raisonné comme les vivants d'aujourd'hui. Le contraire de la tolérance, non ? Appliqué"e à des morts, je crois que cette idée moderne et malveillante est même le contraire de la culture.
Rosa, je crois que nous nous comprenons...
Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008
Solko, oui nous nous comprenons mais je suis indulgente avec les "hurlements" car je pense qu'il y a plus d'ignorance que de mauvaise volonté ou de sottise dans ces hurlements.
En fait c'est peut-être moi qui aie des problèmes car je suis assez réticente à retrouver mes lectures du passé.
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
@ Rosa : comme je suis encore "en exercice", je ne puis me payer le luxe de l'indulgence ! Cela dit, chacun fait bien ce qu'il veut. J'ai beaucoup de reconnaissance pour certains auteurs que j'ai lus ou que je lis, parce que justement, ils me sortent de ce temps présent, hors idéologie, complètement.
Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008
Souvenirs de jours heureux ... d'un favorisé de la fortune comme on disait à l'époque.
Écrit par : pierre | mardi, 04 novembre 2008
Solko le temps présent ?
Il contient aussi des pépites.
Transformons-nous en chercheurs d'or.
Pierre, d'un favorisé de la fortune, sans doute.
Il n'empêche que Lamartine a dû vendre cette demeure ce qui prouve que la fortune n'est pas toujours là.
Écrit par : Rosa | mercredi, 05 novembre 2008
et ceci m'est revenu à l'esprit... "Efface ce séjour, ô Dieu ! de ma paupière, - Ou rends-le moi semblable à celui d'autrefois, - Quand la maison vibrait comme un grand coeur de pierre - De tous ces coeurs joyeux qui battaient sous ses toits ! - A l'heure où la rosée au soleil s'évapore, -Tous ces volets fermés s'ouvraient à sa chaleur, - Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore, - Les nocturenes parfums de nos vignes en fleur."
Combien j'ai eu du mal, moi aussi, à faire le deuil de ma maison natale maintenant maquillée outrageusement d'ocre, avec des paupières de bois sombre, toute rétrécie dans sa cour ombragée d'arbustes d'ornement, surveillée par une villa devant, deux derrières à la place de la vigne, deux dans le jardin, et un nombre incalculable dans le terrain attenant...
A l'adolescence, comme j'ai pleuré lorsque ces vers me revenaient à l'esprit, rappel d'un temps révolu, d'une enfance qu'il faut quitter, d'une vie dans laquelle il faut bien finir par rentrer sitôt après le certificat d'études !
Écrit par : Danielle Mangeot | mercredi, 05 novembre 2008
J'ai dû faire ce deuil mais beaucoup plus tard, très récemment en fait.
Écrit par : Rosa | mercredi, 05 novembre 2008
Que de souvenirs tu réveilles, là. J'ai vu cette maison, et aussi le château de Saint Point (avec le caveau familial et la petite chapelle), et aussi une grotte où, jeune, il se cachait... C'était à une période difficile de ma vie... Pourquoi là ? sinon par hasard...
Écrit par : rony | jeudi, 06 novembre 2008