Saler la soupe (vendredi, 02 janvier 2009)

IMG_3892.JPGAprès la poésie de l'inutile, éloge de l'utile.

Georges Navel, ouvrier baroudeur,  terrassier itinérant exprime les sensations vécues dans l'humble labeur  quotidien. Des sensations de femme, du quotidien de femme.

"Il ne m'en coûtait plus de préparer mon repas, de peler des pommes de terre. Au contraire, j'y trouvais une sorte de bonheur paisible, une satisfaction des mains. (...)

J'ouvrais avec une délicatesse mesurée la porte du placard pour prendre la salière ; la main sensible aux perceptions successives du bois du placard, du fer de son verrou, du verre de la salière et de la pincée qu'elle y puisait m'émerveillait. (...)

Pendant qu'elle tenait sa pincée de sel en petits cristaux, je savais ma main semblable à celle de toutes les grands-mères de la terre quand elles font le geste d'ouvrir la marmite pour saler la soupe, le geste que j'avais vu faire à ma mère, et je dialoguais avec elle dans la rapidité du songe : "Je sale ma soupe, ma main est la tienne, tu n'es pas morte."

C'était bien avant Philippe Delerm et bien plus profond.

Le pouvoir du geste est de nous libérer  des angoisses,  des souffrances. Quand on se  concentre sur un geste du quotidien, quand le geste occupe le cerveau complètement,  on ferme la porte aux papillons noirs des pensées désespérées et on retrouve la jubilation d'avoir "fait", même si ce n'est qu'une simple soupe.

 

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