Hommage à mon grand-père (lundi, 17 mars 2008)

En ce jour d'hommage au dernier poilu, je pense à mon grand-père, tué au début de la guerre avant la naissance de mon père.

Il était chez les Zouaves, la famille l'appelait Zouzou car il avait fait deux ans de service militaire dans ce régiment à Bizerte. 

Quand il est parti en août 1914, il était marié depuis trois mois et avait 23 ans.

J'ai relu ses deux dernières lettres, l'une à ma grand-mère, l'autre à une tante.

Extraits.

 

28 10 1914

Ma chère Marie

... Ne te fais pas de mauvais sang, jusqu'à présent, je n'ai pas eu froid et il n'a fait que de petites pluies qui du reste ne nous mouillent pas car depuis un mois nous sommes dans des tranchées couvertes, qui nous abritent de la pluie du ciel et de la pluie des obus. Avec ça nous avons des couvre pieds (petites couvertures grises) et nos manteaux et toile de tente que nous utilisons comme couverture. Nous sommes dans des bois et nous nous ennuyons ferme. Comme distraction un obus de temps en temps, une partie de cartes. La nuit, oh! pas toutes, réveil au coup de fusil. On tend l'oreille, le fusil chargé. Si ça vient à droite ou de gauche, rien à faire, ça se rapproche, les balles sifflent au-dessus de nous, feu !! et vas-y, on tue dans un noir d'encre. Cessez-le feu ! On n'entend plus rien, les sentinelles reprennent leur faction et on se recouche.

Voilà la vie.

Le matin, pas tous les jours, il y a les lettres et à ce moment-là je fais des envieux car moi j'en ai toujours grâce à ma chère petite femme que j'aime tous les jours davantage pour son courage à supporter les épreuves de la vie.

Pauvre chérie, quel souci tu as dû avoir jusqu'à maintenant avec la campagne.

(...) Nous pouvons encore être heureux que la guerre ne se passe pas chez nous.

Maintenant que le blé est semé tu seras plus tranquille et le repos t'est nécessaire."

 

L'autre extrait à une tante a été écrit la veille de sa mort.

6 11 1914

Chère tante,

"Je profite d'un moment où les boches ne nous envoient pas d'obus pour, du fond de mon trou, vous écrire 2 mots. Aujourd'hui, temps splendide, ça donnerait envie de regarder la campagne mais si on lève trop la tête, paf ! une balle, ça rend prudent. De notre côté, dès qu'un casque se montre on ne se prive pas de le percer et...ce qu'il ya dessous, les boches ont beau avoir le crâne épais, quand ils sont bien touchés, ça saute comme un couvercle de gamelle. J'en ai vu 2 ou 3 comme ça, c'était pas beau à voir.

(...) Y-a-t-il déjà des blessés à St-Didier ? J'espère que non. Tous les blés sont-ils semés ? Est-ce que mon mulet prenait des allures bourgeoises à la charrue ?

(...)Et vous comment allez-vous ? Bien, j'espère. Surtout pas de mauvaises idées Chère Tante, vous verrez qu'on reviendra. Voici trois mois qu'on est en campagne, et je pense bien que quand on en aura fait autant ça sera fini. Cette guerre à mon avis ne cessera pas par l'écrasement complet d'une armée mais par la misère et la faim dans la population civile. C'est une guerre d' usure et l'allemagne s'usera avant nous.

Après au retour, vous pouvez croire qu'on aura de la joie de revoir ses foyers. En attendant ce jour béni je vous embrasse affectueusement."

 

Il a été tué le 7 novembre 1914. 

 

 

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