Nous sommes tous gais. (mardi, 11 novembre 2008)

Ce sont plusieurs feuilles d'écolier quadrillées. Écrites au crayon à papier, il faudra bien que je m'équipe d'un scanner pour les sauvegarder, ces lignes qui s'effacent. Elles ont plus de 90 ans. Les lettres de mon grand-père mort à la guerre, en novembre 1914, presque au début.

J'en ai déjà publié mais aujourd'hui j'ai choisi la toute première car elle me paraît intéressante.

vendredi 7 août 1914

"Chère femme, chères soeurs

Je vous écris de Sathonay où nous sommes encore pour 5 ou 6 jours. Je pense qu'après nous serons dirigés sur le camp de Châlon et peut-être de là en Belgique. Ne vous faites pas de mauvais sang pour moi. Nous sommes tous gais et il faut que chacun fasse son devoir.(...) Vous avez dû apprendre que la Belgique est attaquée par les Allemands, je crois que nous irons en Belgique.

Et vous, comment arrangez-vous votre petite vie ? est-ce que tout commerce s'est arrêté ?

A-t-on pris le cheval à l'Oncle et a-t-il pris mon mulet ?

Que disent les gens de la guerre ? Quel est leur état d'esprit ?

Ne vous fiez pas trop aux nouvelles des journaux, une bonne moitié est fausse, néanmoins il semble bien que ça ne tourne pas à l'avantage de l'Allemagne, si on l'écrase, ça fera le bonheur du peuple allemand, lui-même il sera débarrassé de son autocratie militaire. C'est pourquoi les socialistes eux-mêmes marchent. Que voulez-vous la guerre fera des victimes mais du mal viendra le bien de l'Europe débarrassée de ce régime intolérable on pourra s'occuper d'organiser un régime meilleur.

Écrivez-moi vite. (...)

Ma chère Marie, a-t-on pris le mulet de ton père, si oui recommande bien à ton oncle qu'il lui prête le nôtre.

Je vous embrasse toutes de tout mon coeur.

Vite de vos nouvelles

J'ai le sentiment que derrière ses mots il y a beaucoup d'endoctrinement militaire. La préoccupation concernant son mulet est une constante de ses lettres. Je pense que ce devait être un bien précieux.

Finalement il n'est pas allé en Belgique et a été tué à Tracy-le-Val, en Picardie.

Il faudra qu'un jour j'aille sur sa tombe.

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