Quand les objets du passé tendent la main au présent (mardi, 13 janvier 2009)

à Michel Jeannès

IMGP0876.JPG Coincée dans un embouteillage du vendredi soir, j'ai entendu à la radio des préconisations pour éviter les deux épidémies du moment, la grippe et la gastro-entérite dispensées par l'hygiéniste de service sur France-Info.

Les hygiénistes ont  remplacé les religieux d'antan : comme avec les bonnes soeurs de ma jeunesse, il faut toujours suivre la pente qui monte pour assurer son Salut, ne pas boire, se fatiguer à courir, se priver de tout ce qu'on aime et j'en passe.

Pour éviter les contagions, il faut donc, et c'est entré dans nos moeurs, utiliser un mouchoir à "usage unique." Je ne sais pas pourquoi, ont défilé dans ma tête, les images des paysans de mon enfance. Je les revois, avant de se moucher, en un geste lent et solennel, ils dépliaient leur grand mouchoir à carreaux copieusement maculé, et cherchaient un coin un peu moins sale pour soulager leurs narines en soufflant bruyamment. Avec le même calme, ils le repliaient et le fourraient dans leur poche. L'opération durait un certain temps même si je l'allonge un peu par le souvenir. Avaient-ils plus la grippe qu'aujourd'hui ?

Récemment, je me suis trouvée dans ma chambre avec ma petite-fille qui a éprouvé une envie urgente de se moucher.

J'ai pris un mouchoir sur une pile que je conserve dans un placard. Pile de mouchoirs récupérés, ceux de mon enfance, ceux de mon père qui n'a jamais pu s'habituer au mouchoir en papier-c'était un cadeau traditionnel le mouchoir brodé à nos initiales et on ne peut dire qu'il nous ravissait. Celui-ci, en photo, est d'une arrière grand-tante. Elle l'a brodé elle-même et il a plus de cent ans. L'ourlet, un très fin roulotté dont on ne voit pas les points, est une merveille.

Je tends donc un mouchoir à ma petite-fille, un joli avec une dentelle au bord, et voilà qu'elle m'interroge :

- Qu'est-ce que c'est ça mamie ?

Moi interloquée.

- C'est un mouchoir ma chérie, tu peux te moucher dedans.

Elle s'exécute puis, l'ayant replié, se dirige vers la poubelle de la salle de bains avec l'intention de l'y jeter. Je rectifie le geste à temps pour l'orienter vers la corbeille à linge sale.

Ouf ! "l'usage unique" a été respecté et ma petite-fille a découvert un objet de patrimoine.

10:37 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : lyon, vive la vie |  Facebook |  Imprimer