Saint-Valentin, l'After (dimanche, 15 février 2009)

à Pierre Autin-Grenier

- J'ai vu un papillon jaune et vert, dit-elle, avec de petits yeux sur les ailes.

-Eh bien ?

-je ne sais pas. Tout à coup, je me suis sentie très triste.

- C'était un papillon mort ?

- Non, vivant, mais c'était comme si moi j'étais déjà morte.

- Symboliquement, les papillons sont liés à la mort. Est-ce cela que tu veux dire ?

- Non. Je ne connais rien à ces choses dont tu parles si souvent sans que je puisse vraiment les comprendre, mais de toute façon ce n'est pas de cela qu'il s'agissait.

- Il s'agissait d'un papillon jaune et vert, avec de petits yeux sur les ailes.

- Pas seulement.

 - De quoi, alors ?

- Du papillon, mais aussi de tout ce qui meurt autour de nous. De tout ce qui meurt et de tout ce qui souffre autour de nous, sans toujours que nous le sachions.

- Pas uniquement le papillon ?

- Non. Toi. Moi. Ou encore des choses qu'on a aimées et qui ne sont plus, quoi qu'on puisse imaginer pour les faire revivre.

- Si je comprends bien, la question revient pour toi à savoir si je t'aime ?

- Tu as bien compris, même si je n'ai jamais su exprimer ce que je ressens.

- Tu t'es bien exprimée, au contraire.

- Est-ce que nous sommes en train de mourir ?

- Nous sommes en train de mourir.

- Je voudrais que tu saches une chose.

- Quoi encore ?

- C'est que je n'ai jamais vu de papillon jaune et vert.

- Je le savais.

 

Louis Calaferte.

"Memento Mori"

 

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