PAG, les cafés et le voyage... (samedi, 04 avril 2009)
Ressusciter un défunt café lyonnais. Tel est le sujet du dernier récit de Pierre Autin-Grenier. À consommer sans modération. S'enivrer sans réserves de la truculence du verbe et fumer sans crainte la cigarette du souvenir. La seule qu'on puisse savourer sans répréhension.
Le livre s'appelle "Friterie-Bar Brunetti". C'est un café aujourd'hui disparu, situé dans les années 60 rue Moncey, soit dans le quartier de la Guille, notre quartier de la Goutte d'or. Pour PAG, le café de sa jeunesse. Une scène de théâtre ce café, fréquenté exclusivement par des clients réguliers qui tous, comme Pierre, y avaient leurs habitudes. Des vrais personnages et même réellement de théâtre comme Myriam Boyer. Tous plus pittoresques et attachants les uns que les autres. Pierre Autin-Grenier les fait revivre, leur empruntant leur langue mêlée de ses grains de poésie qui lui sont si personnels.
Parmi eux, il en est un qui occupe une place importante et qui m'a particulièrement touchée, et pour cause, c'est le grand Raymond car le grand Raymond, lui, il fait voyager... Il raconte son Indochine.
"Sûr, il ne faut pas le brancher bourlingue trop souvent le grand Raymond, avec son bagout et bien lancé
il peut vous tenir sous le charme une éternité. À ce moment, que se soit grisaille et gadoue partout, qu'il pleuve ou qu'il vente sur le pavé, dans notre palace de paumés, tout, soudain se met à briller. C'est bateaux chargés à débord de contrebande accostant nuitamment à d'incertaines calanques, boucaniers borgnes, grappins d'abordage, cargaisons mirobolantes !"
Ainsi, aventure comparable à celle des Olibrius de l'Utopie (sur ce blogue et sur d'autres) le grand Raymond embarque tout le monde dans ses voyages.
"L'un dans l'autre vous l'aurez compris, le plus beau de l'histoire c'est que tous les Brunetti se trouvent embarqués ensemble sur le même bateau les jours de gloire où Raymond larque les amarres ; des Byrrh aux sylvaner, des Dubonnet aux beaujolais et jusqu'aux Pschitt citron suceurs de glaçons qui font partie du décor, pas une tablée ne voyage autrement qu'en première. C'est "Connaissance du monde" en eastmancolor et sans décaniller de son tabouret, comme qui dirait les Sept Merveilles à portée du premier trinqueur venu. À quoi bon dès lors se transbahuter aux antipodes, je vous le demande, si c'est pour y retrouver ce que l'on a en somme sous la main ?" (et toc, pour Rosa).
PAG nous livre ensuite sa philosophie sur les voyages autour d'un verre. Philosophie que je ne suis pas loin de partager.
"Maintenant écoutez-moi, voici une vérité dont je puis vous assurer pour l'avoir de longtemps éprouvée : on ne voyage bien en fait qu'au café, en compagnie d'un panaché, d'une verte, d'un Cinzano ou d'un petit noir arrosé si vous préférez ; un modeste reginglard de charbonnier ferait d'ailleurs tout aussi bien l'affaire. (...) Qu'importe alors le temps qu'il fait sur les boulevards ; voyageur sans valise livré à la méditation et à de mulyiples découvertes, seul, vous explorez la profondeur du monde à l'abri des gesticulations insensées du dehors qui sans cesse l'efface au profit de mille grimaces."
En fin je partage complètement son coup de gueule contre les réglementations excessives de nos hygiénistes qui menacent ces lieux de vie indispensables : les bistrots.
"Quand il sera formellement interdit de fumer dans nos bars-tabacs et qu'on ne pourra s'y enivrer qu'à l'eau de javel du robinet ou au pepsi-cola, alors le complot des bourgeois, des beaufs, des banques et des charognards de l'immobilier aura bel et bien abouti et, à Dieu ne plaise !, les bourgeois, les beaufs, les banques et les charognards de l'immobilier auront finalement fait la peau à nos derniers bistrots."
Pas encore ! À Lyon le café de La Cloche a résisté aux charognards de l'immobilier grâce à la mobilisation de ses clients et continuera de servir le meilleur vin chaud de la ville.
Bon Anniversaire PAG
08:41 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lyon, littérature | Facebook | Imprimer
Commentaires
Mais oui transmets un "bon anniversaire" à PAG, qui a bien du talent!
Écrit par : Laurencel | samedi, 04 avril 2009
Comme les guinguettes des bords de Marne où coulait le petit vin blanc
Ah ! Le petit vin blanc
Qu'on boit sous les tonnelles
Quand les filles sont belles
Du côté de Nogent
Et puis de temps de temps
Un air de vieille romance
Semble donner la cadence
Pour fauter, pour fauter
Dans les bois, dans les prés
Du côté, du côté de Nogent
Écrit par : jeandler | samedi, 04 avril 2009
Bon anniversaire PAG
et si j'ai tout compris, à bientôt aux Xanthines ou à Tabareau.
Écrit par : Pataouet | dimanche, 05 avril 2009
Il y a quelques mois, j'avais poussé un petit coup de gueule suite à la volonté ministérielle de mettre fin aux dégustations de vin... (et à propos de quelques autres trucs du même acabit).
http://boymottard.wordpress.com/2008/11/18/et-maintenant-quallons-nous-faire/
Écrit par : Dominique | dimanche, 05 avril 2009
Pierre et Dominique
une convivialité en voie de disparition.
Nous aurons des artères impeccables mais nous serons névrosés...ou adeptes de drogues encore plus dures.
Yves Tabareau ?
Merci Laurence.
Écrit par : Rosa | dimanche, 05 avril 2009
Voilà un très bel hommage qui me touche particulièrement, parce que ce livre est plein de "personnages"dont vous parlez très bien et transmet au lecteur une vigueur admirable et puis "la Moncey" est très chère à mon coeur, enfin elle le fût avant que l'on ne construise de volumineuses horreurs. Le beau bistro de PAG que je n'ai jamais vu, il n'y était sans doute déjà plus à cette époque, j'imagine... Un livre plus que jamais d'actualité... Déjà ne pas fumer dans un café c'est le comble de l'antipathie (de l'antipathie d'une époque,où chaque jour nous apporte son lot de petites brimades qu'on finit par trouver normales tandis que l'étau se resserre et que les samedis soirs de sortie de mac do et autres lieux infâmes,on voit se déployer, une façon de s'amuser et une violence de plus en plus inquiétantes) A Paris, j'avais vu de ces cafés branchés("tendance" on dit) absolument laids d'esprit comme "le café C..." du faux vieux café tout en toc avec la déco plus rétro qu'une "Manille" (mais en fausse déco)(gloire à la Manille !) et, peuplé de clients high tech/ mc do (vraiment euffrax! ;-), dans le genre, il y en a un dans le centre commercial de la part-Dieu "le café de la...(je balance !) libération"(!!!)( vraiment euffrax !) Par contre bien qu'ayant signé la pétition pour que vive la cloche je n'avais pas trop su et je suis absolument ravie de lire que les charognards ne l'ont pas eue ! Enfin nous irons même y boire, joyeusement, un peu de vin chaud en plein mois d'août pour oublier ce monde de bruts. Quant à l'anniversaire de Pag,je ne sais pas pourquoi je suis parfois intimidable mais si vous le croisez avant que je ne lui fasse signe, dites lui bien des choses de ma part... Comme bon anniversaire par exemple (pas joyeux = tous les "joyeux anniversaire" ont toujours sonné à mon sens comme une provocation ;-) Pour finir (pardon, c'est un peu long) je vous joins un lien bien agréable d'un amoureux des vieux bistros de Paris (je l'ai mis en lien dans mes pages) ça s'appelle "Le piéton de Charonne" c'est un blog balladeur avec de belles photos, un regard, je pense que vous apprécierez... (Madame Paulo du "petit Bar" de la rue Richard Lenoir,pourrait bien plaire à monsieur PAG...)
http://www.parisfaubourg.com/galerie/category.php?cat=4&expand=12,1
Merci à vous Rosa pour ce billet tout aussi gouleyant qu'un p'tit ballon de St Jo...
Écrit par : Frasby | lundi, 06 avril 2009
Frasby, merci à vous d'écrire si longuement.
La Cloche : Solko en avait parlé mais je n'ai pas retrouvé la note.
Oui, la Cloche a gagné son procès contre le fond d'investissements qui voulait tripler son loyer, le contraignant à fermer.
Merci pour le lien et bienvenue au club des amateurs ( amoureux ?) des bistrots.
à propos de PAG, information en primeur mais que j'afficherai
il fera une lecture aux Xanthines également le 30 avril.
Écrit par : Rosa | lundi, 06 avril 2009