Sur les quais (dimanche, 23 novembre 2008)
Mon dernier séjour au Havre m'a permis de découvrir une exposition particulièrement intéressante, dédiée aux
Ports, docks et dockers
de Boudin à Marquet.
Cette exposition étant réalisée en collaboration anec le musée des Beaux-Arts de Bordeaux
je signale à mes amis girondins
qu'ils pourront l'admirer à Bordeaux
du 26 février au 14 juin 2009.
Les peintures marines ont toujours occupé une large place dans la tradition artistique européenne.
La particularité de cette magnifique exposition est qu'elle est centrée sur la métamorphose des ports à l'ère industrielle, donc très orientée sur l'activité économique des ports aux XIXème et XXème siècles.
Le développement industriel des ports a inspiré les impressionnistes.
C'est au tableau du port du Havre
"Impression au soleil levant", par Monet, que l'École impressionniste a trouvé son nom, à l'origine péjoratif d'ailleurs, un critique l'ayant tourné en dérision. Boudin, ami de Monet et natif de Honfleur a célébré la ville qui lui a permis de faire des études aux Beaux-Arts à Paris mais on retrouve sur ses toiles des ports de toute l'Europe. Marquet, né à Bordeaux un peu plus tard et proche des peintres dits "Fauves", a également voyagé avec son pinceau de port en port.
"Et on voyait d'autres navires, coiffés aussi de fumée, accourant de tous les points de l'horizon vers la jetée courte et blanche qui les avalait comme une bouche, l'un après l'autre. Et les barques de pêche et les grands voiliers aux mâtures légères glissant sur le ciel, traînés par d'imperceptibles remorqueurs, arrivaient tous, vite ou lentement, vers cet ogre dévorant, qui, de temps en temps, semblait repu, et rejetait vers la pleine mer une autre flotte de paquebots, de bricks, de goélettes, de trois-mâts chargés de ramures emmêlées. Les steamers hâtifs s'enfuyaient à droite, à gauche, sur le ventre plat de l'Océan, tandis que les bâtiments à voile, abandonnés par les mouches qui les avaient halés, demeuraient immobiles, tout en s'habillant de la grande hune au petit perroquet, de toile blanche ou de toile brune qui semblait rouge au soleil couchant."
Maupassant "Pierre et Jean"
Mais l'intérêt de cette exposition est surtout dans la représentation du travail par la majorité des oeuvres retenues.
Cette époque qui a vu exploser le traffic maritime a fait émerger de nombreux métiers.
Au coeur du port était la manutention.
Les travailleurs des ports étaient des intermittents, employés sur des temps limités. Pauvres et indépendants.
Dockers mais aussi charbonniers, arrimeurs, débardeurs, grutiers, voiliers, charretiers... Tous journaliers. Embauchés le matin par des petits chefs qui évitaient les fortes têtes.
C'est la vie de tous ces travailleurs que retrace l'exposition, non seulement à travers des peintures mais aussi des sculptures, des photos, des films.
J'ai découvert un sculpteur belge que j'ai trouvé particulièrement intéressant.
Constantin Meunier. Peintre et sculpteur, il a consacré toute son oeuvre au monde ouvrier.
J'ai particulièrement aimé cette statue, "le débardeur". Le visage est dur mais le corps, souple, fin, nonchalant rappelle les éphèbes grecs. Curieux, non ?
Ce fut l'occasion d'une interrogation
Pourquoi le travail n'est-il plus, que ce soit pour le magnifier ou le dénoncer,
source d'inspiration
dans l'art contemporain comme dans la Littérature ?
Disparition du travail manuel
pénible mais spectaculaire ?
Travail trop abstrait ?
En devenant "emploi" le travail a-t-il été récupéré par les spécialistes des sciences dites humaines perdant son pouvoir d'attraction sur les artistes ?
Analyse : Peindre le travail ouvrier
22:47 | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : le havre, boudin, marquet, exposition | Facebook | Imprimer
Commentaires
Merci pour ce billet et ces magnifiques oeuvres. Je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis à propos du travail ! Et je crois que le touche un point sensible du "système" et des "problèmes" actuels.
Écrit par : stephane | lundi, 24 novembre 2008
Coucou Rosa. Cà va, doucement.
Ton illustration, c'est de la photo "plein pot" ! Elle a du mal à tenir sur mon écran...
Bises.
Écrit par : Louis-Paul | lundi, 24 novembre 2008
Merci beaucoup pour ce billet, j'apprécie la citation de Maupassant qui m'a toujours fait apprécier l'eau.
Écrit par : Léopold | lundi, 24 novembre 2008
Excuse-moi Louis-Paul par la taille de l'illustration mais je n'ai pu réduire car je suis passée par un copier/coller.
Si tu peux le faire.
Cela me permet d'appuyer mon propos final ressenti en sortant de l'expo.
Léoplod, moi aussi j'ai toujours aimé ce passage de Maupassant et je l'ai souvent évoqué dans ma tête, au cour de mes séjours au Havre, en regardant le travail des petits remorqueurs aidant tous les gros bateaux à manoeuvrer.
D'ailleurs "Pierre et Jean" se déroule au Havre.
Écrit par : Rosa | lundi, 24 novembre 2008
Hier soir Rosa, les coms ne passaient pas....
Merci, beau travail, magnifiques peintures
bisous
Bonne journée
Écrit par : noelle | lundi, 24 novembre 2008
Une très belle note, Rosa.
Oui, pourquoi le travail est-il si peu valorisé, aujourd'hui?
On ne travaille plus, on bosse et les bosseurs ne sont pas si bien vus que cela (du moins en Occient)! Donnant l'impression qu'ils mettent les bouchées doubles et accaparent... Et puis le travail évolue, lui aussi, de moins en moins de travailleurs dits "manuels". Ce qui n'empêche pas pour autant le recul de la misère. Bien au contraire.
Écrit par : pierre | lundi, 24 novembre 2008
Il y a des artistes contemporains qui abordent la question du travail (ou de la perte de travail)…
Mais comme l'art contemporain est méconnu…
L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de Liam Gillick qui a exposé au Palais de Tokyo (Paris) en 2005 :
http://www.creativtv.net/artistes/gillick.html
En littérature, il y a par exemple L'Excès-L'usine de Leslie Kaplan (éd. P.O.L., 1987)
http://www.pol-editeur.fr/catalogue/fichelivre.asp?Clef=203
(livre que je n'ai pas / pas encore ? / lu)
Ou Daewoo de François Bon (sur la fermeture d'une usine en Lorraine, livre paru chez Fayard en 2004)
http://www.tierslivre.net/livres/DW/lemonde.html
Il y a aussi un certain nombre de films.
Actuellement les artistes s'intéressent justement beaucoup au réel. Mais sous des formes très différentes d'autrefois.
Écrit par : kl loth | lundi, 24 novembre 2008
Doit sortir prochainement (janvier 2009) le livre de Paul Ardenne et Barbara Polla, Working Men. Art contemporain et travail, aux éditions QUE (en lien avec l'exposition du même nom, qui a eu lieu à Genève).
http://que.lucpire.be/article.php3?id_article=94
http://www.working-men.org/
Écrit par : kl loth | lundi, 24 novembre 2008
Très beau billet et interrogation intéressante. Signe des temps, après réflexion, je trouve surtout des oeuvres qui traitent de l'exploitation d'une main d'oeuvre immigrée ou de la déchéance de personnes sans emploi, notamment dans le cinéma engagé et dans la littérature étrangère. En peintre en sculpture ou même dans "les installations" je vois peu de correspondances avec les personnes défavorisées - oh l'euphémisme. Mais j'aime beaucoup la photographie et dans ce domaine on témoigne beaucoup de notre époque.
Écrit par : Elsa | lundi, 24 novembre 2008
Magnifique billet, Rosa. L'art a peut-être cessé d'être, non pas figuratif, mais réaliste. La question du travail, une association comme "l'esprit canut" à laquelle j'appartiens, se la pose aussi, celle de l'effort mais aussi de la dignité : et on retombe toujours sur les mêmes constats : dissociation de l'effort et du salaire, dilution du sens du collectif, difficulté à trouver le plaisir dans le travail. Mais bon,cela mérite une vraie reflexion, car on tombe facilement et à l'insu de soi-même comme dirait Frasby dans le lieu commun. Pour répondre à une question posée chez L. , oui, j'ai beaucoup manifesté, fut un temps, mais je crois qu'à présent, hélas, ces formes de combats de "paient plus".
Écrit par : solko | lundi, 24 novembre 2008
Bonjour,
et merci d'être venue sur mon site.ta réaction par rapport au Hérisson se respecte mais tu as vu qu'il y a aussi d'autres point de vue. Cela m'a en plus permis de découvrir ton blog trés bien présenté et dont le contenu ne peut que plaire à un ouvrier syndicaliste qui habite une ville tournée vers l'activité de son port et docks.
j'ai rangé ton adresse dans les quatre ou cinq blogs favoris afin de pouvoir poursuivre cette interessante lecture de l'histoire d'un monde en voie d'extinction qui mérite d'être protégé. Yves SCHWARTZ disait qu'il faut continuer de "sonder la question des rapports entre l'homme comme force productive dans le champ du travail et l'homme comme producteur de cet être énigmatique qu'est la culture". C'est un peu, me semble -t-il, ce que nous essayons de faire, dans nos blogs respectifs .
Bonne journée
amitié
Écrit par : alex | lundi, 24 novembre 2008
J'ai rendu ma copie !
Écrit par : stephane | mardi, 25 novembre 2008
Rosa, cette "image" me ramène au passé, la cristallerie de mon village était ravitaillée par voie ferrée et mon papa , fin des années 50 et début 60 avait la "lourde" charge d'assurer la distribution du charbon, livré en "sacs" par train, pour tout notre village... c'était un "petit boulot" comme on dit maintenant, qui se rajoutait à ses journéees laborieuses de 10 heures à l'usine, samedi compris !!
... et je me dis : de quoi pouvons nous nous plaindre finalement ?
de quoi ????
la bonne journée...
Écrit par : Doume | mardi, 25 novembre 2008
Très beau billet magnifiquement illustré. On ne se repose pas l'sprit, chez toi. On s'interroge. Le travail ?? ses conditions ??
"Le coltineur de charbon", très beau, me reppelle l'époque où on nous livrait le charbon de chauffage, sac sur le dos, dans nos cités minières...
Écrit par : rony | mardi, 25 novembre 2008
Réponses tardives... mais une retraitée peut-être aussi très occupée.
Noelle, comme tu fais partie des amis girondins j'espère que tu iras voir cette expo.
Pierre, c'est vrai que le travail actuel peut paraître plus difficile à saisir pour un peintre. Mais je pense que ce qui nous reste d'industrie mériterait encore d'être observé et représenté.
kl loth et Solko
en effet mon interrogation aurait dû préciser (merci Solko de l'avoir fait) :
c'est l'art réaliste que je regrette quand il s'agit d' évoquer le travail car il est accessible à tous.
Ce que je reproche à l'art contemporain
dont tu dis kl loth qu'il est méconnu
c'est qu'il nécessite une initiation.
Je ne vais plus à la biennale d'art contemporain à Lyon car je n'ai pas les clé pour comprendre.
Donc même si certains artistes actuels
-qui se disent d'ailleurs plasticiens et je me suis demandé pourquoi ce changement de nom-
traitent du travail, ils le font de manière tellement hermétique que les gens qui travaillent ont du mal à s'identifier et à se reconnaître.
Ce qui n'était pas le cas d'un Constantin Meunier
artiste et militant
soucieux de donner à l'homme au travail toute sa boblesse.
Voilà ce qui me désole profondément
ne nous étonnons pas si les gens ensuite cherchent à s'identifier aux participants à la Star Ac.
Elsa parler du travail n'est pas forcément liés à la question des défavorisés qui sont en effet peut-être davantage représentés d'un point de vue artistique : photos, chansons...
Écrit par : Rosa | mardi, 25 novembre 2008
Alex
merci de ne pas m'en vouloir d'avoir détesté "L'élégance du hérisson" et sa pseudo philosophie.
En fait l'auteure qui s'est enrichie sur le dos des concierges, illustre bien mon propos.
On veut bien parler du travail de concierge à condition que la concierge n'ait pas l'air d'une concierge : pauvre littérature française.
Rony
je ne pense que sur ton blogue on se repose beaucoup !
Écrit par : Rosa | mardi, 25 novembre 2008
Doume
c'est significatif que ces images créent une nostalgie, pour toi comme pour moi elles parlent d'un manque...
Écrit par : Rosa | mardi, 25 novembre 2008
Rosa
En 1, tu n'as pas à t'excuser, tu fais ce qu'il te plaît chez toi.
En 2, je n'ai pu le faire (réduire), c'est une image GIF.
Très belle journée à toi.
Écrit par : Louis-Paul | mercredi, 26 novembre 2008
Doume l'a fait.
Merci à lui...
Écrit par : Rosa | mercredi, 26 novembre 2008