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jeudi, 28 octobre 2010

RAMON

Voilà un livre qui m'a tenu compagnie pendant au moins deux mois.

"Ramon", de Dominique Fernandez... C'est un gros livre pour lequel il faut prendre son temps mais qui m'a passionnée.

Dominique Fernandez part à "la recherche" de son père, Ramon Fernandez, grand écrivain "oublié" pour avoir été collaborationniste.

Pour son fils, Ramon est d'abord une énigme : comment peut-on avoir été communiste en 1930 et collaborationniste en 1940 ?

C'est ensuite un inconnu. Bien que Dominique Fernandez, âgé de quinze  ans au moment de la mort de son père en 1944, en ait conduit le deuil, il n'avait pu le connaître vraiment en raison de l'interdit que faisait peser sur lui sa mère qui avait divorcé. Car la mère de l'auteur était Résistante.

C'est enfin l'objet d'un amour interdit. "J'aimais mon père, j'en étais amoureux, mais c'était un amour interdit, qu'il me fallait refouler, nier, piétiner dans mon coeur..."

C'est donc une quête dans laquelle s'engage l'écrivain, aiguillonné par la question du "pourquoi ". Mais il ne percera pas complètement le mystère de l' homme, son père. Même si, pandant 800 pages, il analyse minutieusement tous les écrits de Ramon, ainsi que tout ce qui a été écrit sur lui, son père garde son secret.

Ce ne sont pourtant pas les pistes qui manquent !

Ramon Fernandez avait une personnalité flamboyante mais instable et fragile. D'origine mexicaine, orphelin très jeune,  affligé d'une mère castratrice, d'une sensibilité extrême, il semble avoir été en recherche continuelle d'un impossible équilibre... Stabilité qu'il aurait pu trouver avec Liliane Chomette, normalienne mais trop différente de lui. "Elle se dévouait, en quelque sorte, en épousant, à contrecoeur et sans nourrir la moindre illusion, quelqu'un qui n'était pas fait pour elle, elle le savait, et pour qui elle n'était pas faite, elle le savait aussi."

Grand désarroi  de l'écrivain dans cette débâcle sentimentale dont Dominique Fernandez pense que c'est une des clés pour comprendre son père...

Et les idées ?

C'est là qu'on découvre (si ce n'est déjà fait !) que nos idées, convictions, prises de position sont en fait bien davantage d'origine affective que rationnelle même si nous utilisons la raison pour les justifier. Notre histoire, nos joies où notre pathos décident pour nous ce que nous devons penser.

Voilà un brillant écrivain, extrêmement cultivé, de gauche qui se retrouve à écrire dans des journaux collaborationnistes et des torchons intellectuels. À la décharge de Ramon Fernandez, il faut savoir qu'il n'a jamais collaboré sous une forme politique active, ni été antisémite. Mais il a adhéré au PPF, le parti de Doriot, lui-même passé du communisme à la collaboration active...

Du point de vue politique, l'entre-deux guerres a été une période compliquée : extrême-gauche comme extrême-droite se rejoignaient pour condamner une démocratie corrompue et décadente. Les deux camps se retrouvaient dans l'anti-parlementarisme. Par ailleurs, nombreux à gauche commençaient déjà à douter du paradis soviétique décrit par les communistes. Gide a été l'un des premiers (et longtemps le seul !) à dénoncer la dictature soviétique au retour d'un voyage en Russie.

Dominique Fernandez ne comprend pas pour autant la dérive de ce père dans lequel il admire un grand écrivain qui s'est laissé abuser par une idéologie populiste et grossière.

Sa recherche est  profondément touchante car l'émotion affleure  quand il évoque la très grande souffrance de celui qui s'est perdu, égaré dans une vie qu'il ne supportait plus.

Indépendamment de l' histoire familiale exceptionnelle, cette biographie est intéressante par la page d'Histoire littéraire et d'Histoire des idées qu'elle nous offre. Ramon Fernandez a connu tous les grands écrivains, critiques littéraires, philosophes de cette première moitié de XXème siècle. Critique litéraire lui-même dans plusieurs revues, il a toujours su faire abstraction de ses idées pour saluer le talent d'adversaires politiques tant  primait pour lui la Littérature.

Il a fait connaître Proust, écrit des essais reconnus aujourd'hui encore sur Gide, Molière Balzac.

Lucide et désespéré il aura une mort aux allures de suicide : devenu gravement alcoolique, la boisson fut l' arme avec laquelle il mit fin à ses jours, quelques mois avant la Libération.

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Commentaires

Quelle horreur ce PPF !
On dit que les extrèmes se rejoignent dans l'entre-deux-guerres et puis on le répète à l'unisson alors que ce n'est plus le cas maintenant.
Comment peut-on virer de bord à ce point?
Oui, cette période garde toujours "ses" mystères...

Pierre

Écrit par : Ulm Pierre | vendredi, 29 octobre 2010

Pierre, c'était l'équivalent du FN...
Quant aux extrêmes qui se rejoignent c'est peut-être encore vrai. Gardons-nous de ces démocraties pourrissantes qui font le lit des extrêmes.

Écrit par : Rosa | vendredi, 29 octobre 2010

Je me souviens que dans un livre dont j'ai oublié le titre et das lequel elle évoquait des souvenirs, Françoise Verny avait consacré quelques pages à Ramon Fernandez, qu'elle avait côtoyé un peu, étant amie de jeunesse de la soeur de Dominique. Elle donnait envie d'en savoir plus. Et comme tu es toujours de bon conseil, Rosa, je vais peut-être acheter ce livre...même si Dominique Fernandez m'agace un peu...

Écrit par : Edith | vendredi, 29 octobre 2010

Oui, il parle de cette amitié également. Je suis étonnée que Dominique Fernandez t'agace Edith... Je le trouve au contraire humble, sensible et discret...C'est un écrivain d'un grand talent et d'une immense culture. Le seul reproche que je pourrais lui faire est de tout rapporter à l'homosexualité, contrairement d'ailleurs à beaucoup d' écrivains homosexuels...

Écrit par : Rosa | mardi, 02 novembre 2010

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