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mercredi, 10 mars 2010

La Savoyana

180px-1688_Louise.JPGQuand j'étais à l'école primaire, je me souviens très bien que j'étais parfois exaspérée par les cours d'Histoire : on ne parlait jamais de ce qui s'était passé chez moi, en Savoie, à tel point que j'étais convaincue qu'il ne s'y était rien passé.

Nos instituteurs nous racontaient les hauts-faits de l'Histoire de France, bien fossilisés par le temps.

C'était l'époque où les enfants ne posaient pas de questions aux adultes : parents ou enseignants, on ingurgitait sagement.

Plus tard j'ai compris que mon Histoire, celle de la Savoie n'était pas l'Histoire de France.

Pour nous l'Histoire commune commence il y a 150 ans. Deux de mes arrières grands-parents sont nés Savoisiens.

Voilà pourquoi je me suis régalée d'un chapitre du roman historique dont nous parlerons aux Xanthines le 22 mars, "La nuit la neige" de Claude Pujade-Renaud.

L'un des personnages principaux est une femme morte.

C'est Marie-Louise Gabrielle de Savoie, devenue reine d'Espagne. À cette époque, en 1701, date à laquelle elle a épousé le roi Philippe V d'Espagne qui était français et petit-fils de Louis XIV, la Maison de Savoie était, en Europe, aussi importante et puissante  que le royaume de France avec lequel se multipliaient les alliances.

Histoire bouleversante que celle de cette reine-enfant. À treize ans seulement elle épouse Philippe V, roi d'Espagne imposé par la France à ce pays qui n'avait pas d'héritier. Philippe V a dix-sept ans et elle est impubère, d'après Claude Pujade-Renaud. Il n'empêche que ce jeune couple va s'aimer follement  et que tous deux seront adorés par les Espagnols. C'est le peuple qui l'appellera La Savoyana par affection.

"Lorsqu'elle fut grosse de Luisillo, elle s'est rendue en compagnie de la cour à Notre-Dame d'Atocha, pour une action de grâces. Sur son parcours, dans les rues de la capitale, ce fut du délire : pensez donc, depuis quarante-six ans, on n'avait pas vu de naissance royale ! L'Espagne cessait enfin d'être bréhaigne. Des hommes hurlaient ou pleuraient. Dans l'excès de leur joie ils cabriolaient, décrochaient des lazzis drôlatiques ou se livraient à des bouffoneries incoyables, obscènes souvent. Des femmes soulevaient leur enfant et le tendaient vers le carrosse. J'entends encore les acclamations, Viva la Savoyana ! et ces voix piaillantes : Savoyana, Savoyana, nous t'aimons plus que Dieu ! (les oreilles des familiers de l'Inquisition traînant par là devaient frémir de ce sacrilège mais bon, c'était jour de liesse). Des invocations comme à une sainte, un déferlement de passion."

Hélas ! Adorée par son mari, adulée de son peuple, la Savoyana est morte à vingt-sept ans des écrouelles laissant trois fils dont un futur roi d'Espagne.