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samedi, 13 mars 2010

Traité de Turin

750px-Chambre_jaune_(retouchée).jpgC'est dans ce salon, à Turin, que fut signé le Traité de l'annexion de la Savoie à la France, le 24 mars 1860. Il y a juste 150 ans...

Annexion et non rattachement comme on a tendance à le dire aujourd'hui.

Annexion est le terme officiel.

Les mots ne sont pas neutres et on peut s'interroger sur ce mot, annexion, qui porte un caractère autoritaire.

Pourtant l'Histoire officielle nous enseigne qu'il y eut un large plébiscite en faveur du rattachement.

C'est passer à la trappe toutes les négociations laborieuses de l'année 1859, entre Napoléon III et Cavour, soucieux d'aboutir à la construction de la Nation italienne.

"Ainsi le plébiscite doit être replacé dans sa signification réelle. Il ne fut pas un exercice de la souveraineté populaire, choisissant son destin entre plusieurs options, mais la ratification, de type bonapartiste, d'une cession territorriale constituant un élément de troc dans un jeu diplomatique serré, entre Paris et Turin".

(Histoire de la Savoie de Paul Guichonnet)

Dominique, a-t-il existé à Nice un mouvement en faveur de l'Italie ?

C'est ainsi que le Chablais et le Faucigny avaient auparavant signé des pétitions demandant d'être rattachés à la Suisse. J'ai retrouvé les noms de mes aïeux sur l'une d'elles.

378px-Petition_chablais_annexion_suisse_savoie.jpg

"Malgré les sympathies que peut éveiller un grand et glorieux Empire, ils témoignent, disent les signataires, expressément leur désir d'être réunis à la Confédération Suisse, de laquelle les rapprochent dès longtemps la communauté des intérêts et des sentiments, ainsi que les relations de bonne amitié dont ils ont reçu tant de preuves."

Des courants s'affrontent durant tout l'hiver 1859 : les anti-annexionnistes ( plutôt de gauche, n'ayant pas envie d'entrer dans une dictature) contre le parti français qui réunissait des conservateurs.

Une solution de compromis est trouvée avec l'extension d'une zone franche et la neutralité en cas de conflits.

Les promesses de Napoléon III n'ont pas été tenues et le Second Empire n'apporta pas aux nouveaux départements français l'élan économique souhaité.

Ce qui est amusant c'est que, hier,  le journal 20 Minutes, version suisse, publiait un sondage : 55% des Savoyards actuels souhaiteraient que leurs départements redeviennent suisses, constituant un nouveau canton. Le séparatisme est aujourd'hui porté par le parti savoisien de Patrice Abeille, candidat aux élections régionales de ce dimanche 14 mars.

Dans une interview il déclare :

"S'il doit y avoir un véritable 150e anniversaire, ce serait celui de 1858. Il a été commémoré en juillet 2008 à Plombières dans les Vosges, où  l'avenir de la Savoie a été décidé en secret entre Napoléon III et Cavour. C'est là que tout s'est joué. L'année dernière, une quarantaine de Savoisiens étaient présents lors des cérémonies pour rappeler le caractère scandaleux de cet échange entre un peuple et un soutien militaire. Les présidents des deux conseils généraux n'ont eux pas osé répondre à l'invitation...
Il ne faut donc pas oublier la date de 1858 qui est fondamentale dans le fait que nous soyons aujourd'hui français.»

C'est leur affaire !

J'avoue ne plus me sentir concernée... Je ne suis plus savoyarde sans être devenue lyonnaise : juste rhône-alpine !

En revanche l'identité nationale version Besson, pour moi, ne va pas vraiment de soi !

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mercredi, 10 mars 2010

La Savoyana

180px-1688_Louise.JPGQuand j'étais à l'école primaire, je me souviens très bien que j'étais parfois exaspérée par les cours d'Histoire : on ne parlait jamais de ce qui s'était passé chez moi, en Savoie, à tel point que j'étais convaincue qu'il ne s'y était rien passé.

Nos instituteurs nous racontaient les hauts-faits de l'Histoire de France, bien fossilisés par le temps.

C'était l'époque où les enfants ne posaient pas de questions aux adultes : parents ou enseignants, on ingurgitait sagement.

Plus tard j'ai compris que mon Histoire, celle de la Savoie n'était pas l'Histoire de France.

Pour nous l'Histoire commune commence il y a 150 ans. Deux de mes arrières grands-parents sont nés Savoisiens.

Voilà pourquoi je me suis régalée d'un chapitre du roman historique dont nous parlerons aux Xanthines le 22 mars, "La nuit la neige" de Claude Pujade-Renaud.

L'un des personnages principaux est une femme morte.

C'est Marie-Louise Gabrielle de Savoie, devenue reine d'Espagne. À cette époque, en 1701, date à laquelle elle a épousé le roi Philippe V d'Espagne qui était français et petit-fils de Louis XIV, la Maison de Savoie était, en Europe, aussi importante et puissante  que le royaume de France avec lequel se multipliaient les alliances.

Histoire bouleversante que celle de cette reine-enfant. À treize ans seulement elle épouse Philippe V, roi d'Espagne imposé par la France à ce pays qui n'avait pas d'héritier. Philippe V a dix-sept ans et elle est impubère, d'après Claude Pujade-Renaud. Il n'empêche que ce jeune couple va s'aimer follement  et que tous deux seront adorés par les Espagnols. C'est le peuple qui l'appellera La Savoyana par affection.

"Lorsqu'elle fut grosse de Luisillo, elle s'est rendue en compagnie de la cour à Notre-Dame d'Atocha, pour une action de grâces. Sur son parcours, dans les rues de la capitale, ce fut du délire : pensez donc, depuis quarante-six ans, on n'avait pas vu de naissance royale ! L'Espagne cessait enfin d'être bréhaigne. Des hommes hurlaient ou pleuraient. Dans l'excès de leur joie ils cabriolaient, décrochaient des lazzis drôlatiques ou se livraient à des bouffoneries incoyables, obscènes souvent. Des femmes soulevaient leur enfant et le tendaient vers le carrosse. J'entends encore les acclamations, Viva la Savoyana ! et ces voix piaillantes : Savoyana, Savoyana, nous t'aimons plus que Dieu ! (les oreilles des familiers de l'Inquisition traînant par là devaient frémir de ce sacrilège mais bon, c'était jour de liesse). Des invocations comme à une sainte, un déferlement de passion."

Hélas ! Adorée par son mari, adulée de son peuple, la Savoyana est morte à vingt-sept ans des écrouelles laissant trois fils dont un futur roi d'Espagne.

jeudi, 06 août 2009

Le "Boulé" ou le "Soufflé" ?

Maison Arvillard.jpgRetour d'un court séjour de 48 heures chez une amie de jeunesse, en compagnie d'une autre amie commune.

Accueil dans une maison savoyarde, dans le massif de Belledonne. Une de ces maisons où restent inscrites les marques de chaque génération. Admirez monsieur Rosa qui s'est retrouvé en compagnie babillarde de trois ex soixanthuitardes posant  sans concession des regards critiques sur les années écoulées.

L'amie accueillante n'ayant pas encore ramassé ses groseilles, fort abondantes et fort appétissantes, ce fut l'occupation d'une bonne partie de l'après-midi.

Le lendemain, on se mit à la gelée.

Rituel long autant que solennel.

Installer la balance de pesée : un monument.

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Je vous laisse juger.

Mais c'est finalement plaisant de retrouver tous ces poids de cuivre et de fonte pour parvenir à l'équilibre.

Plus que l'aspect froidement technique d'un nombre  qui s'affiche, c'est bien de ce fragile équilibre entre les deux plateaux de cuivre qu'il s'agit.

Mais la pesée  ce n'était rien à côté de la fabrication ancestrale, soigneusement consignée dans un carnet et modifiée au fil des ans sur des bouts de papier volant. Tout le savoir-faire de plusieurs générations. Il fallut faire crever les groseille puis laisser le jus s'écouler à travers un tamis. Ne pas les presser pour que le jus reste clair. Le plus pectaculaire pour moi fut le travail du "boulé". En l'occurence du "souflé". Le jus de groseille étant cuit dans un sirop de sucre, il y a deux méthodes pour vérifier qu'on est parvenu au stade souhaitable de la cuisson.

"Quand le mélange sucre-eau entre en ébullition, le sirop devient clair et translucide.

Il est au perlé ou nappé quelques minutes après l'ébullition, quand des perles rondes, de plus en plus grandes, viennent éclater à la surface.

Il est au boulé quand quelques gouttes de sirop versées dans un bol d'eau froide peuvent être rassemblées en une boule molle sous les doigts. On appelle aussi ce stade le soufflé car si l'on souffle à travers l'écumoire trempée dans le sirop, il se forme des bulles."

Marie-Paule Bernardin "Confitures, gelées et chutneys"

C'était l'habitude de mon amie.IMGP1627.JPG

Technique délicate.

On éclabousse partout et il faut souffler fort.

En fait il existe une méthode plus simple... mesurer la température du sucre en ébullition avec un thermomètre adéquat.

Mais ce serait perdre la magie d'un geste venu de la nuit des temps. Et surtout on se serait privées de fou-rires inénarrables. "Si on nous avait dit en 68 (que nous n'avons pas vécu ensemble) que quarante ans plus tard on se retrouverait pour faire de la gelée de groseille !"

Le jus de groseille est enfin jeté et saisi dans le sucre brûlant : on repart pour un  bouillon, et on verse dans les pots une fabuleuse gelée, claire et chatoyante.