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samedi, 10 janvier 2009

Aux Olibrius

à Noelle, Louis-Paul, Alsacop qui ont embarqué sur le bateau de Yves et naviguent entre Vendée-Globe, Histoire cubaine et Utopie.

Bon voyage...il y a encore des places...

 

Le Bateau Ivre


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Arthur Rimbaud

 


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Commentaires

Comme quoi Verne peut inspirer des génies.

Écrit par : Léopold | samedi, 10 janvier 2009

Je confirme avoir le mal de mer...sur le canal ou le fleuve, je préfère les haleurs au vent.

Écrit par : AlsaCop | samedi, 10 janvier 2009

Accrochez vous les copains depuis 3 jours, je file, je file...
A cette vitesse Rosa et Alsa ont tellement peur qu'ils n'ont même plus le mal de mer.
Avant Cuba et après le Horn nous allons passer par les Malouines nous pourrions peut-être faire une petite répétition de débarquement puisque vous ne voulez pas de l'Île de la Cité....

Écrit par : Yves | samedi, 10 janvier 2009

...et Ushaïa, c'est pour quand ?

Écrit par : AlsaCop | samedi, 10 janvier 2009

merci Rosa

Rosa et Alsa vous avez peur?

Écrit par : noelle | samedi, 10 janvier 2009

Non pas vraiment mais j'ai le mal de mer plusieurs jours....

Écrit par : AlsaCop | samedi, 10 janvier 2009

j'espére que l'on n' arrive pas encore à Utopie

Écrit par : noelle | samedi, 10 janvier 2009

A ton avis, c'est plus facile d'apprendre par coeur le Cimetière marin ou le Bateau Ivre ?

Écrit par : Nénette | samedi, 10 janvier 2009

Utopia n'était pas là, j'y étais deux fois...

Écrit par : AlsaCop | samedi, 10 janvier 2009

c'est mon pays préféré

Écrit par : noelle | samedi, 10 janvier 2009

Nénette j'ai passé l'âge de ce genre de défi.

Léopold; Rimbaud aurait été inspiré par Jules Verne ?

Écrit par : Rosa | samedi, 10 janvier 2009

Rosa

Hors sujet

As tu lu "l'homme aux cercle bleus"?

José Dayan va adapter fred Vargas avec Anglade charlotte rampling et Jean Pierre Leaud

Écrit par : noelle | samedi, 10 janvier 2009

Non pas celui-ci...

Écrit par : Rosa | samedi, 10 janvier 2009

Coucou Rosa, une petite visite chez toi et j'y redécouvre un grand classique du Grand Rimbaud... des souvenirs d'école... Bises

Écrit par : Plume | dimanche, 11 janvier 2009

Moi je préfère : Mer d'Adieux

Écrit par : Yves | dimanche, 11 janvier 2009

Oui, d'après Roland Barthes, le Bâteau Ivre serait une sorte d'hommage au Nautilus.

Écrit par : Léopold | dimanche, 11 janvier 2009

D'après Barthes ...
D'après Barthes, toujours, Hippolyte et Théramène seraient homosexuels. J'en passe et des meilleures. D'après Barthes ...
Bon dimanche, Rosa.

Écrit par : solko | dimanche, 11 janvier 2009

Le dégel annoncé, pour après-demain, m'autorise de mettre le nez dehors pour te souhaiter un petit bonjour. Les grands vents du globe ne te font pas peur pas plus que les "aux armes citoyens" dans les forêts cubaines. Idéalisme et utopisme débouchent toujours sur l'innomable quand ils sont mis en pratique.

Écrit par : pierre | dimanche, 11 janvier 2009

"...aux arbres citoyens.."dirait le préféré des français.

...cela va faire 2 jours que j'attends !

Écrit par : AlsaCop | dimanche, 11 janvier 2009

Plume tu as de la chance que le "Bateau Ivre" soit un souvenir d'école, moi on ne me l'avait pas fait étudier; à la Fac non plus d'ailleurs.

Yves je ne relève pas le jeu de mots, un peu lourd capitaine...

Pierre je me permettrais de corriger ton toujours par un souvent et encore...

Solko j'adore l'acidité de tes remarques : en fait je n'ai pas lu Barthes.


Alsa : toujours aussi elliptique c'est un jeu ou quoi !

Écrit par : Rosa | dimanche, 11 janvier 2009

@ Rosa ce n'est pas un jeu de mot, quoi que..., c'est une pièce de théatre de Rimbaud...

@ Alsa, je pense que c'est moi que tu attends, j'arrive, j'arrive...

Écrit par : Yves | dimanche, 11 janvier 2009

Yves, apparemment une pièce de théâtre sur Rimbaud par une troupe de Genève.
C'est ça ?

Écrit par : Rosa | dimanche, 11 janvier 2009

Je l'ai vu à Valence montée par le metteur en scène titulaire du Théatre à l'époque, il y a plus de 20 ans, c'est te dire si j'étais jeune,il s'agissait du voyage de Rimbaud en Mer Rouge.
Mais qui en était l'auteur...je cherche

Écrit par : Yves | dimanche, 11 janvier 2009

Je n'ai pas trouvé grand chose,
soit Max Gerik, mais est-ce l'auteur?
soit d'après Rimbaud.
Mais je suis certain que ta petite bande d'intellectuels va nous enseigner bientôt.
J'ai un bateau moi... et Noelle nous a préparé une cambuse je te dis pas !!!

Écrit par : Yves | dimanche, 11 janvier 2009

ah bon ! et ils sont où mes intellos ?

Écrit par : Rosa | dimanche, 11 janvier 2009

eh Rosa rien d'elliptique, je continue les commentaires...

Yannick est un prénom de marin.

Je n'attends plus je suis rentré.

Écrit par : AlsaCop | dimanche, 11 janvier 2009

"Ô que j'aille à la mer!"
Et que je change ma Note prévue pour vous livrer quelques réflexions "révolutionnaires".

Mais patience,ce ne sera que dans dans quelques heures chez LP.

Merci pour Rimbaud, Rosa. A toi et tes visiteurs bonne soirée.

Écrit par : Louis-Paul | dimanche, 11 janvier 2009

La cambuse était bonne?

Écrit par : noelle | dimanche, 11 janvier 2009

@Noelle Oh! oui cela m'a changé du Lyophilisé Merci

Écrit par : Yves | dimanche, 11 janvier 2009

Yves

Une escale chez moi, un jour?

Écrit par : noelle | dimanche, 11 janvier 2009

J'avais compris que Yves devait manger chez Nono, je suis largué...

Écrit par : AlsaCop | dimanche, 11 janvier 2009

Solko, Solko, d'après Barthes oui (c'est pour la référence bibliographique :) Je pense que ce Bâteau Ivre peut avoir emprunté à Verne.

Écrit par : Léopold | lundi, 12 janvier 2009

Biensûr que non Alsa! j'ai une grande table!

Écrit par : noelle | lundi, 12 janvier 2009

Mais non Alsa tout cela ce passe sur l'Utopie mais qu'est-ce que tu fais, nous t'attendons, tu nous cherche là ou nous ne sommes pas...

Écrit par : Yves | lundi, 12 janvier 2009

Ce matin, musique

Écrit par : noelle | lundi, 12 janvier 2009

Déjà je pense Utopia et vous Utopie...et en plus je suis visiblement au mauvais endroit.

à plus....

Écrit par : AlsaCop | lundi, 12 janvier 2009

Léopold, je crois que Solko n'aime pas trop Barthes.
Peu lui chaut qu'il attribue une influence de tel ou tel auteur sur Rimbaud si c'est Barthes qui l'affirme.
C'est ce que j'ai cru comprendre de son commentaire.

Écrit par : Rosa | lundi, 12 janvier 2009

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