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dimanche, 31 mai 2009

Mieux vaut ne pas se mettre mal avec ses élèves...

Pour Edith, afin qu'elle ne soit plus intimidée par la Littérature chinoise.

Mise en bouche pour lire Yu Hua.

41WzUOrFVsL._SS500_.jpgCe n'est pas un extrait de "Brothers", qui est un gros livre, mais de "1986", roman court de 90 pages.

1986, vingt ans après le début de la Révolution culturelle. Une femme a refait sa vie après que son mari a disparu pendant la Révolution culturelle.

C'était un professeur. Vu par sa femme, vingt ans plus tard.

"Tout ce qu'elle savait, c'est que son mari avait soudain disparu la nuit où il avait été emmené, sans plus de précisions. Elle tenait l'information d'un homme qui travaillait comme vendeur dans un magasin, et qui était l'un des gardes rouges qui avaient fait irruption chez elle à l'époque."Nous ne l'avons pas battu, avait-il dit, nous nous sommes contentés de le conduire au bureau de l'école et lui avons demandé de rédiger ses aveux. Nous ne l'avons pas non plus fait surveiller, mais, le lendemain, nous avons découvert qu'il n'était plus là." ... "D'habitude, votre mari était sympa avec les élèves, c'est pourquoi nous ne l'avons pas torturé."

Yu Hua "1986" Actes Sud.

 

samedi, 30 mai 2009

Yu Hua aux Assises du roman

Si le programme des Assises du roman ne me passionnait pas cette année, il est une rencontre que j'aurais été désolée de manquer.

Yu Hua, dont j'ai déjà parlé à propos de son dernier ouvrage "Brothers" et François Jullien, philosophe et sinologue.

Et je dois dire que je n'ai pas été déçue par leurs échanges.

Je ne ferai pas un compte-rendu complet car certains thèmes traités, comme "L'éloge de la fadeur", titre du dernier livre de François Jullien, étaient trop spécifiques de la culture chinoise.

La rencontre a commencé par la confrontation entre les itinéraires de ces deux écrivains. Yu Hua, le plus jeune, né en 1960, était enfant pendant la Révolution culturelle. Il est venu au roman social en s'inspirant de la Littérature occidentale car, a-t-il précisé, la Littérature chinoise traditionnelle aux codes figés, ne peut s'adapter aux exigences de lecture d'aujourd'hui.

François Jullien dit avoir ressenti la nécessité de faire un détour par la pensée chinoise étrangère pour prendre du recul et appréhender autrement la pensée européenne.

Chacun est ainsi passé par un détour dans la culture de l'autre.

Le détour a d'ailleurs été un thème abordé par les deux écrivains. Pour François Jullien, depuis toujours, la Chine pratique l'art du détour et non la confrontation directe comme en Europe. On aborde l'ennemi de biais, dans le débat comme dans le combat. Mao connaissait bien cette stratégie indirecte. Avant  la révolution culturelle les cibles ont été désignées peu à peu.

Pour les Chinois, il s'agit d'économiser son énergie en évitant l'affrontement direct en faisant mourir la condition de violence avant qu'elle n'éclate.

Selon Yu Hua, la France utilise aussi la stratégie de l'indirect, c'est le propre des politiques et des hommes d'affaire. Mais les pauvres ont recours à la bagarre dans la rue. François Jullien estime que ce recours à l'indirect est une nécessité dans une civilisation qui n'a jamais connu de véritable liberté d'expression. Il y a deux mille ans déjà l'image poétique avait pour fonction d'exprimer ce qui ne pouvait l'être directement.

Deux autres thèmes intéressants ont été ceux de l'évolution de la Chine et des différences culturelles avec au centre le positionnement sur les Droits de l'homme.

À propos des mutations en Chine, François Jullien remarque que leur spécificité est de s'être faites sans rupture. Pourtant les Chinois ont vécu en 40 ans ce qui s'est déroulé en 400 ans pour l'Occident.

Les Occidentaux, héritiers de la pensée grecque ont été habitués à penser en extrême. La Chine a toujours eu coutume de penser la transition par rapport à la tradition. La Révolution a été un concept emprunté à l'Occident et les révolutionnaires se sont formés en Europe. Mais la Chine s'est transformée en gardant ses structures. C'est le seul cas d'une structure étatique qui pratique une économie capitaliste.

Yu Hua a insisté sur l'événement de Tian'anmen, il y a juste vingt ans, qui a modifié le pays. En juin 1989, un profond enthousiasme politique animait la jeunesse. En octobre 89, à l'université on jouait au majong ou on apprenait l'anglais : l'argent était devenu roi.

Depuis 1989, la pensée politique a disparu, on n'a plus pensé qu'à gagner de l'argent. La réforme politique s'est arrêtée au profit de la réforme économique qui a entraîné la corruption. Les problèmes sociaux et politiques ont été cachés mais n'ont pas disparu.

Pour Yu Hua ces problèmes vont resurgir dans les deux ans qui viennent.

Enfin les deux écrivains se sont retrouvés d'accord sur ce qu'on pourrait appeler un dialogue inter-culturel. Yu Hua souhaite une recherche des points communs avec l'Occident mais que la Chine préserve son identité culturelle. La Chine ne peut être comme l'Occident. Le Passé chinois est très différent. L'Occident ne comprend pas la Chine sur la question des Droits de l'homme et tous les pays, selon lui, ont des problèmes de Droits de l'Homme. Pour lui, le plus grave dans la réalité chinoise est l'injustice judiciaire.

Malheureusement le temps était écoulé et Yu Hua n'a pu développer davantage.