samedi, 30 mai 2009
Yu Hua aux Assises du roman
Si le programme des Assises du roman ne me passionnait pas cette année, il est une rencontre que j'aurais été désolée de manquer.
Yu Hua, dont j'ai déjà parlé à propos de son dernier ouvrage "Brothers" et François Jullien, philosophe et sinologue.
Et je dois dire que je n'ai pas été déçue par leurs échanges.
Je ne ferai pas un compte-rendu complet car certains thèmes traités, comme "L'éloge de la fadeur", titre du dernier livre de François Jullien, étaient trop spécifiques de la culture chinoise.
La rencontre a commencé par la confrontation entre les itinéraires de ces deux écrivains. Yu Hua, le plus jeune, né en 1960, était enfant pendant la Révolution culturelle. Il est venu au roman social en s'inspirant de la Littérature occidentale car, a-t-il précisé, la Littérature chinoise traditionnelle aux codes figés, ne peut s'adapter aux exigences de lecture d'aujourd'hui.
François Jullien dit avoir ressenti la nécessité de faire un détour par la pensée chinoise étrangère pour prendre du recul et appréhender autrement la pensée européenne.
Chacun est ainsi passé par un détour dans la culture de l'autre.
Le détour a d'ailleurs été un thème abordé par les deux écrivains. Pour François Jullien, depuis toujours, la Chine pratique l'art du détour et non la confrontation directe comme en Europe. On aborde l'ennemi de biais, dans le débat comme dans le combat. Mao connaissait bien cette stratégie indirecte. Avant la révolution culturelle les cibles ont été désignées peu à peu.
Pour les Chinois, il s'agit d'économiser son énergie en évitant l'affrontement direct en faisant mourir la condition de violence avant qu'elle n'éclate.
Selon Yu Hua, la France utilise aussi la stratégie de l'indirect, c'est le propre des politiques et des hommes d'affaire. Mais les pauvres ont recours à la bagarre dans la rue. François Jullien estime que ce recours à l'indirect est une nécessité dans une civilisation qui n'a jamais connu de véritable liberté d'expression. Il y a deux mille ans déjà l'image poétique avait pour fonction d'exprimer ce qui ne pouvait l'être directement.
Deux autres thèmes intéressants ont été ceux de l'évolution de la Chine et des différences culturelles avec au centre le positionnement sur les Droits de l'homme.
À propos des mutations en Chine, François Jullien remarque que leur spécificité est de s'être faites sans rupture. Pourtant les Chinois ont vécu en 40 ans ce qui s'est déroulé en 400 ans pour l'Occident.
Les Occidentaux, héritiers de la pensée grecque ont été habitués à penser en extrême. La Chine a toujours eu coutume de penser la transition par rapport à la tradition. La Révolution a été un concept emprunté à l'Occident et les révolutionnaires se sont formés en Europe. Mais la Chine s'est transformée en gardant ses structures. C'est le seul cas d'une structure étatique qui pratique une économie capitaliste.
Yu Hua a insisté sur l'événement de Tian'anmen, il y a juste vingt ans, qui a modifié le pays. En juin 1989, un profond enthousiasme politique animait la jeunesse. En octobre 89, à l'université on jouait au majong ou on apprenait l'anglais : l'argent était devenu roi.
Depuis 1989, la pensée politique a disparu, on n'a plus pensé qu'à gagner de l'argent. La réforme politique s'est arrêtée au profit de la réforme économique qui a entraîné la corruption. Les problèmes sociaux et politiques ont été cachés mais n'ont pas disparu.
Pour Yu Hua ces problèmes vont resurgir dans les deux ans qui viennent.
Enfin les deux écrivains se sont retrouvés d'accord sur ce qu'on pourrait appeler un dialogue inter-culturel. Yu Hua souhaite une recherche des points communs avec l'Occident mais que la Chine préserve son identité culturelle. La Chine ne peut être comme l'Occident. Le Passé chinois est très différent. L'Occident ne comprend pas la Chine sur la question des Droits de l'homme et tous les pays, selon lui, ont des problèmes de Droits de l'Homme. Pour lui, le plus grave dans la réalité chinoise est l'injustice judiciaire.
Malheureusement le temps était écoulé et Yu Hua n'a pu développer davantage.
23:04 Publié dans Âme chinoise | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : assises du roman, chine, lyon, littérature | Facebook | Imprimer
Commentaires
Je partirais avec "brothers"... merci Rosa de nous parler de cette rencontre
Bon dimanche, bonne confiture...
Des bises
Écrit par : noelle | dimanche, 31 mai 2009
C'est un "pavé" mais qui devrait t'intéresser Noelle.
La première partie consacrée à l'enfance des deux héros, se déroule pendant la Révolution culturelle, vue à travers des regards d'enfants. Ce qui lui donne un côté carnaval mais carnaval cruel.
La seconde partie, est durant le boom économique. On retrouve les deux héros adultes.
Confiture : aujourd'hui rhubarbe et fraise achétées ce matin au marché.
Écrit par : Rosa | dimanche, 31 mai 2009
Merci Rosa pour ce compte-rendu très intéressant. Je suis une lectrice de romans éclectique et curieuse, ainsi qu'une fidèle du festival du 1er roman de Chambéry. Cependant la littérature chinoise m'intimide, toutefois ce que tu nous dis de "Brothers" m'incite à tenter l'aventure. Enfin, n'ayant découvert ce blog que récemment et n'en ayant encore lu qu'une partie, j'ai été frappée par la récurrence d'allusions à la Chine...
Écrit par : Edith | dimanche, 31 mai 2009
Edith, il n'y a vraiment aucune raison pour être intimidée par la Littérature chinoise du XXème siècle !
elle n'a rien à voir avec les grands classiques chinois commele "Rêve dans le pavillon rouge".
Les chinois ont remis à l'honneur le roman social qui a disparu chez nous.
En ce qui concerne Yu Hua il faut ajouter un humour auquel on ne résiste pas : même dans les malheurs de la révolution culturelle, qu'il raconte comme une grande farce, il nous fait presque sourire.
Je ne connais pas le festival du premier roman de Chambéry, ville de ma grand-mère qui était de Barberaz.
Je me renseignerai même si je suis plus dans la "iaute"...comme on dit chez nous.
Écrit par : Rosa | dimanche, 31 mai 2009
J'ai des difficultés à bouquiner, si le sujet n'est pas lié à l'activité....pour ceux qui votent Cohn-Bendit, je vous conseille un très bon livre d'Eva Joly :La Force qui nous manque, éditions Les Arènes, 2007.
Mis à part le livre d'Alain Peyrefitte "Quand la Chine s'éveillera....", je n'ai regardé que des reportages ou lu des articles dans les magazines, concernant la Chine.
....dont quelques notes chez Rosa!
Me mettre aux auteurs chinois, impossible pour le moment.
Écrit par : alsacop | dimanche, 31 mai 2009
Alsa, la Révolution culturelle ce n'est pas si ancien.
Moi c'est le contraire, l'actualité ne me branche pas trop.
Concernant la Chine, les magazines c'est déjà pas mal...
Eva Joly, une femme d'exception. Mais je ne lirai pas son livre pour autant.
Écrit par : Rosa | dimanche, 31 mai 2009
Le livre n'a rien de politique...
"La Révolution Culturelle" pourrait me passionner, c'est pour cela que j'évite...mon temps est précieux!
Écrit par : alsacop | dimanche, 31 mai 2009
Absente de lyon ce week end je ne pouvais profiter de ces journées littéraires, mais ce compte rendu donne un aperçu interressant, je ne connais pas cet écrivain mais comme je travaille avec des étudiants je me sens concernée ........par les risques encourus ............
Écrit par : Dominique | lundi, 01 juin 2009
Pour lire mon résumé sur ce livre (très perfectible, ce roman est si riche!), il faut taper:( blog, brothers, yu hua, dans G) et on trouve mon commentaire dans "liratouva2". Je sais, la navigation de mon ancien blog dans l'actuel est à revoir!:)
Écrit par : Mango | mardi, 02 juin 2009
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