mardi, 05 juin 2007
Après lui
Encore un film d'un jeune cinéaste Gaël Morel. J'adore cette génération de jeunes réalisateurs qui renouvellent le cinéma français. C'est une génération qui ressuscite ce qui avait disparu de notre paysage culturel,l'expression des sentiments, la souffrance qui ose s'exprimer. Comme "Chansons d'Amour" le film (sélection du festival de Cannes : oui Myster, je ne m'étais pas trompée) raconte la difficulté de survivre à la mort d'un être qui n'avait pas l'âge de mourir. Une mère, Catherine Deneuve absolument sublime, reporte sur le meilleur ami de son fils, tué dans un accident tout l'amour qu'elle avait pour lui...
Difficile de parler vraiment du film tant il a trouvé chez moi des échos personnels... Lyon, ville où le film a été tourné, ma vieille Fac qui n'a pas changé mais surtout une histoire semblable vécue il y a bientôt dix ans.
En juillet 1998, après avoir bien arrosé la réussite au bac et la victoire de la France en coupe du monde, mon fils et trois de ses amis ont eu un accident de voiture au cours duquel l'un d'eux, son meilleur ami, a été tué. Comme dans le film, sa maman, qui est aussi une amie, s'est raccrochée à mon fils, à ses côtés dans la voiture... Longtemps je me suis étonnée qu'elle ne m'en veuille pas d'avoir gardé le mien : une simple question de place. Curieusement en allant voir ce film je ne pensais pas du tout revivre cette histoire même si je connaissais un peu le scénario...
Et c'est ainsi que je me suis retrouvée scotchée à mon fauteuil après la séance, sans pouvoir m'en décoller.
Un film juste, trop juste.
23:30 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | Imprimer
lundi, 04 juin 2007
Roman familial
A Lyon se tenaient les Assises Internationales du Roman, dans un lieu magnifique, un ancien fort restauré en bord de Saône : Les Subsistances.
J'avais réservé ma place pour la rencontre sur le roman familial, thème qui m'intéressait particulièrement.
Comble de l'ironie, j'ai expédié, ce dimanche, le repas de la fête des mères pour assister à cette table ronde où l'on a dit ... beaucoup de mal de la famille.
Première auteure intervenante, Zeruya Shalev, écrivaine très célèbre dans son pays : Israël. Passionnante.
En effet "Comment peut-on vivre dans un pays tellement politisé et écrire sur la vie de famille ?" nous a-t-elle dit. Pourtant là est sa quête : le couple, la famille, l'intime. En Israêl le modèle familial est imposé par la Bible et ses histoires familiales fondatrices. "Nous naissons et grandissons dans l'ombre d'une histoire familiale vieille de milliers d'années." Je pense que je lirai son livre :"Thèra"
Après elle intervention d'une autre écrivaine, l'américaine Rikki Ducornet. Alors là, je zappe. Je n'ai pas compris ses histoires présentées comme oniriques mais faisant large place à la scatologie.
Elle fut suivie par un Danois, Jens Christian Grondahl lui aussi très intéressant car, se confrontant à l'auteure israélienne, il a fait ressortir que son pays ayant, au contraire d'Israël, échappé à l'emprise de l'Histoire, la famille n'en avait pas été épargnée pour autant. L'individu doit fuir le cercle familial, contraignant, pour aller vers des affinités électives. Tout en reconnaissant que la famille est le lieu de rencontre de l'individu et de la société, car elle permet de défendre la langue individuelle contre la langue sociale. Remarque pour cet écrivain danois : il parlait un français excellent...
Enfin est intervenu le jeune écrivain français, un vrai surdoué : Christophe Honoré également cinéaste, auteur du film "Chansons d'Amour" dont j'ai parlé il y a quelques jours.
On a assisté à un changement de génération par rapport aux écrivains précédents. C'était le seul d'ailleurs dont j'avais lu le roman "Le livre pour enfants". Un curieux titre qui l'a amené à parler de son itinéraire, de lecteur d'abord. Hervé Guibert, dont les romans ont constitué sa "famille originelle", une famille de fantômes a-t-il précisé. Il s'est présenté comme un écrivain "fossoyeur" "vicieux et sentimental".
Il a expliqué son passage par la Littérature pour enfant, le livre pour enfant, rencontre d'un adulte et d'un enfant, crée d'autres liens que les liens du sang.
Je vous épargne les réponses aux questions sinon pour signaler deux échanges intéressants.
L'un entre le Danois et l'Israélienne par rapport au poids de l'Histoire sur la famille et leurs romans : apparemment Zeruya Shalev rencontre des critiques en Israël.
Le second échange, remarquable, a été entre l'Américaine Rikki Ducornet et Christophe Honoré. L'Américaine semble faire une large place dans ses livres aux enfants abusés. Christophe Honoré a dit préférer "les enfants qui abusent"... Ajoutant, qu'en tant que cinéaste il n'imaginait même pas faire tourner un acteur enfant dans le rôle de l'enfant abusé. J'ai trouvé que c'était lui qui, finalement, avait la vision la plus saine de la famille...
Il s'est présenté comme un fossoyeur et profanateur, la mort semble très présente dans son oeuvre : événement fondateur sans doute. Pour ma part dans son roman j'ai vu davantage Antigone, un enfant désemparé avec le cadavre de son père sur les bras ...
Curieuse fête des mères quand même !
00:30 Publié dans Chronique lyonnaise | Lien permanent | Commentaires (34) | Facebook | Imprimer
samedi, 02 juin 2007
A Max Gallo
... nouvellement élu à l'Académie française.
"La peste soit de l'Académie et des Académiciens !
Aussi soumis à la voix de Richelieu que fille transie à son galant. Docte assemblée des plus prudents lettrés de France, réunis pour sa gloire et par sa volonté, ils ne le contredisent jamais. Le pouvoir et l'amour font également perdre le sens commun à cette sorte d'hommes. Fâcheux état qui prétend en dicter les termes et en régler la définition ! Il faut les voir façonner leur dictionnaire de la langue française à coups de serpe, déclarant hérétique l'usage des plus vieux mots de notre langue. Le cardinal leur souffle-t-il d'écorner le mot jadis, ou de démoder allégresse ? J'ai beau rager, vilipender, crier à la volerie, tout à trac ils s'acquittent, sans du tout barguigner. Et, ce faisant, biffent d'un trait de plume tyrannique la chose au coeur du mot, la souche des lettres, l'exultation d'écrire à pleine voix. (...)
Car il n'est, pour y entrer, que de déposer un vil blason de flatterie à gueules d'obéissance aux pieds du Cardinal. Quant à la qualité littéraire, l'étiquette mondaine y suffit. Le pot fait la confiture.
Disons-le tout net. La cène Académique rassemble un curieux dîner de têtes politiques. Sous couleur de régenter les soit-disant déportements des belles-lettres et de notre orthographe, Richelieu insinue par la force l'arme de ses édits dans nos us langagiers."
Bien sûr, c'était au temps de Richelieu, à une autre époque.
Propos prêtés à Marie de Gourmay, dernière amie de Montaigne et son éditrice, par Martine Mairal dans son roman, "L'Obèle", consacré à cette femme que l'Académie, récemment créée, avait rejetée.
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