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jeudi, 29 novembre 2007

Sur les pas du juge Feng, à la découverte des minorités

Immersion dans la Chine profonde hier soir avec ce très beau film...

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Le juge Feng est un juge de proximité, itinérant, qui parcourt, avec sa greffière, le Yunnan pour rendre la justice.
Il s'agit de son dernier voyage car il va prendre sa retraite, sa greffière étant mise en retraite d'office. Pour ce dernier voyage il est également accompagné par un jeune étudiant en droit, futur juge, dont on apprend qu'il va se marier dans un des villages traversés.
Le Yunnan est une région de Chine située au sud du Tibet et au nord du Vietnam. Région de montagnes escarpées, magnifiques que j'ai eu le plaisir de découvrir partiellement cette année, précisément la partie montrée dans le film. Le Yunnan est peuplé exclusivement de minorités ethniques.
Rappel : on appelle "Chinois", l'ethnie majoritaire, celle des Han au pouvoir actuellement en Chine. Mais cela n'a pas toujours été le cas : sous la dernière dynastie, jusqu'à la chute de l'empire, les Mandchous gouvernaient la Chine.
Pour en revenir à notre juge Feng, il se voit ainsi confronté dans sa pratique de la justice, à une opposition fréquente entre le Droit de la nation chinoise, qu'il doit faire respecter et le droit coutumier, celui des ethnies qu'il visite.
Mais c'est très drôle et très jubilatoire : on est à la fois dans Pagnol et à Clochemerle. Ainsi on lui amène un cochon qui a déterré les Ancêtres d'un villageois. Quand on connaît le culte des Ancêtres, le délit n'est pas mince.
Le juge Feng ne sort jamais son code civil ! Avec humanité et bon sens il pratique plutôt à la manière de Salomon. Avec la même sagesse. Autre confrontation : avec l'étudiant qui lui ramène son savoir universitaire...ce qui rend ce film bien universel !
Nous voilà conduits dans une ethnie très particulière, celle des Mosuo qui donnerait des cauchemars à Stéphane...
Il s'agit en effet d'un matriarcat.
J'emprunte à mon amie Marie-Paule Raibaud qui parcourt le Yunnan comme le juge Feng la présentation des Mosuo.
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"Les Mosuo comme les Naxi et les Pumis sont régis par une civilisation matriarcale. Le pouvoir han n'est pas arrivé à faire changer les choses. Il n'y a ni mariage, ni cérémonie. D'ailleurs le mot "père" n'existe pas, on trouve seulement le terme "azhu" ou "axia" qui signifie "amant" et désigne l'homme qui vient le soir et repart au matin dans sa famille. Une femme peut garder le même "azhu" de quelques nuits à un an ou plus. La femme la plus âgée ou "dabu" remplit le rôle de chef de famille."
Marie-Paule Raibaud
"Femmes d'une autre Chine
très beau livre illustré par ses photos qui sont magnifiques.

Précision : quand on dit que l'homme retourne au matin dans sa famille, il s'agit de la maison de sa mère car dans cette ethnie les hommes vivent toute leur vie chez leur mère.
Dans le film on entrevoit une vieille femme chef de famille et même chef du village, elle est toujours dissimulée par une porte, on ne voit d'elle qu'un moulin à prières qui tourne...
La greffière est une Mosuo et reste dans son village, l'étudiant se marie et part avec sa femme.
Le juge Feng termine seul ce dernier voyage ce qui n'est pas sans conséquences.

Si vous en avez l'occasion, voyez ce film ne serait-ce que pour les paysages superbes.
Dernier clin d'oeil à une amie qui dit ne pas aimer les films français car "on y est toujours à table"
chez les Chinois aussi !

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mercredi, 28 novembre 2007

Promenade conseillée

Prenez le temps d'aller vous promener dans la "Prairie aux lucioles" de Bruno, en lien dans ma liste. Il nous offre un très joli poème façonné à l'ancienne, comme j'aime... Mais en plus il raconte comment il a ciselé son bijou. Ciselé n'est pas l'image adéquate puisque Bruno file sa métaphore sur l'établi de l'ébéniste.
Promenade tout particulièrement recommandée aux profs de Lettres, tous les jours confrontés aux questions dubitatives de leurs élèves qui pensent, comme dit Bruno, que les beaux textes "ça tombe du ciel."

lundi, 26 novembre 2007

La vie en rose...

C'est l'impression que nous avions ce matin en prenant le métro à Lyon. Les néons ont été remplacés par des tubes d'éclairage roses. Lumière rose diversement appréciée d'après les commentaires que j'ai pu entendre "discothèque", "institut de beauté"... C'est le préambule au festival des lumières du 8 décembre, perspective toujours agréable même si la fête a un peu perdu son âme.

jeudi, 22 novembre 2007

Le Rapport de Brodeck

J'ai terminé il y a quelques jours "Le Rapport de Brodeck" de Philippe Claudel. J'ai hésité à en parler car ce roman nous maintient dans le même thème : celui de la dernière guerre. Mais il s'agit moins de l'Histoire que d'événements vécus en marge, par des gens simples.
"Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien." Le récit se clôt comme il commence. La maîtrise du récit est la grande qualité de Philippe Claudel. On avait même oublié qu'il y avait encore des écrivains capables de raconter une histoire...
Au début de cette histoire, un meurtre collectif, perpétré et assumé par les hommes d'un village, sous la conduite de leur maire. Quelque part, dans un pays de forêts, dans une région qui pourrait être l'Alsace ou la Lorraine, un an après la guerre. Et Brodeck sera chargé par le maire de faire un compte-rendu du meurtre auquel il n'a pas assisté...Pourquoi ? mystère !
Brodeck est l'homme instruit du village et il a une machine à écrire. L'homme assassiné, quant à lui n'a pas de nom : il est arrivé dans le village quelques mois auparavent, il ne venait de nulle part. Mais il était "différent", tellement différent qu'il en est devenu insupportable. Brodeck l'appelle l'Anderer, "l'Autre".
Ce n'est pourtant pas l'histoire de l'Anderer que nous raconte Brodeck, c'est la sienne...
Lui aussi a été l'étranger, ce qui lui a valu d'aller en camp de concentration.
Nous voilà ramenés aux origines de la destruction d'un être humain, en camp ou dans le village, en temps de paix.
Jean Hazfeld, qui a reçu le prix Médicis pour la "Stratégie des Antilopes" disait, que la caractérisque du génocide était de réduire l'homme à la condition de l'animal, aussi bien le bourreau que la victime.
C'est ce que Philippe Claudel reprend dans son roman : en camp de concentration, Brodeck devient "le chien Brodeck" pour survivre.
Pourquoi ?
Par peur de l'Autre, de sa différence. L'ignorance est le bouillon de culture de cette peur et le milieu clos-le village- entretient l'ignorance.

"C'est bien la peur éprouvée par d'autres, beaucoup plus que la haine ou je ne sais quel autre sentiment, qui m'avait transformé en victime."

Le meurtre de l'Anderer n'arrive pas sur un simple coup de folie des hommes du village, au début il est même bien accueilli. Des signes, des indices même antérieurs à sa venue l'avaient annoncé. L'Anderer, personnage christique, révèle aux hommes leur vérité : il en mourra.

Michel Tournier avait déjà écrit dans plusieurs ouvrages, sur le rejet du nomade par le sédentaire en prenant pour exemple l'un des plus anciens mythes de la Bible, le meurtre d'Abel par Caïn. Ils étaient frères mais Abel est berger et nomade alors que Caïn est cultivateur et sédentaire. J'ai aussi retrouvé, dans le "Rapport de Brodeck", avec un autre éclairage, la pensée de Michel Tournier.

Mais le roman n'est pas désespéré grâce à deux très beaux personnages féminins, une grand-mère et une petite-fille, rayon de soleil du livre.
Et puis quand on est l'Autre, rejeté, il reste une solution : partir. C'est ce que fera Brodeck, Brodeck qui a survécu au camp de la mort.

lundi, 19 novembre 2007

Georges

à ulm Pierre
qui parle occasionnellement sur nos blogues de ses parents Résistants
et qui le fera peut-être plus longuement un jour.

Samedi soir j'ai retrouvé chez une amie et ancienne collègue, un "jeune homme" de 89 ans.
Georges B. régulièrement invité dans mon lycée par mes collègues d'Histoire pour témoigner de son passé de Résistant mais surtout de son incarcération au camp de concentration de Monthausen.
Je dis "jeune homme" car rarement l'expression "le temps n' a pas eu de prise" a été autant justifiée. Georges à 89 ans est droit, élégant sans aucune ride et, coquetterie supplémentaire, il colore ses cheveux : vous lui donneriez 20 ans de moins. C'est un bavard au langage précis et à la réflexion profonde, sauf quand il plaisante sur les "jeunes femmes" de 60 ans qui le draguent dans la rue. Il a le malheur d'être veuf et nous a dit à ce propos

"Le camp de concentration a été une péripétie de mon existence mais le veuvage une catastrophe."

Georges est très sollicité à Lyon dans de nombreux établissements scolaires mais aussi au musée de la Résistance et je ne saurais énumérer le nombre d'associations auxquelles il appartient. Sa mémoire étant exceptionnelle, il raconte chaque fois qu'on le rencontre des faits nouveaux. Ainsi ce samedi soir dans la voiture -mon mari et moi nous nous étions chargés de le conduire- il nous a parlé d'un ami de la Résistance.
C'était un jeune médecin, juif, d'origine allemande qui avait compris dès 1933, à l'élection d'Hitler, ce qui l'attendait. Il s'était réfugié en France et engagé dans la Résistance où Georges a fait sa connaissance. L'amitié a été tout de suite très forte entre eux. Ils ont été arrêtés ensermble puis envoyés ensemble à Monthausen.Le lendemain de son arrivée, Georges a cherché dans le camp le baraquement dans lequel il pourrait le trouver mais un plus ancien, mieux informé, lui a dit " il a été gazé ".
C'est ainsi que Georges a appris que son camp était aussi un camp d'extermination et comment on éliminait les juifs.
Réfléchissant à voix haute sur cette expérience, il nous a ensuite confié :
"cette tragédie, c'est finalement l'oeuvre de la foule : quand des masses se mettent en mouvement sans réfléchir voilà à quoi on arrive".
C'est exactement ce que je suis en train de découvrir avec le roman de Philippe Claudel " Le rapport de Brodeck".

dimanche, 18 novembre 2007

Messages

Je suis toujours sur un ordinateur d'emprunt et j'enrage car, si je peux lire tous les messages reçus sur ma boîte, j'ai beaucoup de mal à faire partir mes réponses... Pourquoi mystère ! Donc comme cela concerne plusieurs d'entre vous j'utilise ce blogue pour cette information très personnelle...
Je commence à désespérer de retrouver un jour une situation normale...

vendredi, 16 novembre 2007

Calques et autres dérives.

Je ne vais pas faire concurrence à Choubine, ni tenter d'imiter son inimitable "Choux de Siam". Choubine traque sur son blogue, entre autres, les calques des expressions anglaises véhiculés par les médias québécois.
Sommes-nous à l'abri de ces dérives de langage ?
Nous sommes sans doute moins exposés que les Québécois mais menacés quand même et en particulier par des atteintes à notre syntaxe, c'est-à-dire à la structure de notre langue.
La dérive à laquelle je suis actuellement la plus sensible donc la plus attentive est celle qui consiste à faire passer l'adjectif avant le nom. En français, l'adjectif se place généralement après le nom sinon il prend un autre sens.
Or c'est l'inverse en anglais et ainsi cédons-nous, (plutôt les médias) à la tentation de faire de même.
Un exemple qui m'exaspère : "low cost" traduit "à bas-prix".
Dans la mesure où l'anglais est devenu la langue internationale, il me semble que, surtout pour qualifier une compagnie d'aviation, mieux vaut conserver l'expression anglaise. Les traductions françaises qui me sembleraient correctes ne conviennent en effet pas forcément : "bon marché", "pas cher" sont connotés négativement...
Hormis cet exemple, soyez attentifs à cette dérive de langage et ... si ce n'est déjà, fait allez lire "Choux de Siam" qui mène un courageux combat pour la francophonie.