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vendredi, 18 avril 2008

D'une île à l'autre

Il avait écrit un livre sur Toussaint Louverture.

C'était un ami d'André Breton.

Aimé Césaire

 

 

 

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Extrait de "Cahier d'un retour au pays natal" (1937) 


ô lumière amicale
ô fraîche source de la lumière
ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole
ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité
ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel
mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre
gibbosité d'autant plus bienfaisante que la terre déserte
davantage la terre
silo où se préserve et mûrit ce que la terre a de plus terre
ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

elle plonge dans la chair rouge du sol

elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l'accablement opaque de sa droite patience.

Eia pour le Kaïlcédrat  royal !

Eia pour ceux qui n'ont jamais rien inventé
pour ceux qui n'ont jamais rien exploré
pour ceux qui n'ont jamais rien dompté

mais ils s'abandonnent, saisis, à l'essence de toute chose
ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose
insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde
véritablement les fils aînés du monde
poreux à tous les souffles du monde
aire fraternelle de tous les souffles du monde
lit sans drain de toutes les eaux du monde
étincelle du feu sacré du monde
chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde !
Tiède petit matin de vertus ancestrales

Sang ! Sang ! tout notre sang ému par le cœur mâle du soleil
ceux qui savent la féminité de la lune au corps d'huile
l'exaltation réconciliée de l'antilope et de l'étoile
ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe !
Eia parfait cercle du monde et close concordance !

Écoutez le monde blanc

horriblement las de son effort immense
ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures
ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique
écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites
écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement
Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs !

 

Un autre très beau texte chez Noelle.

Mais c'est surtout l'homme politique que j'admire : avec son départ une page se tourne, celle des vraies convictions et des vrais engagements. 

jeudi, 27 mars 2008

Le cocu qui assume...mal

484514487.jpgLe dernier roman biographique de Jean Teulé ne me paraît pas tout à fait à la hauteur des précédents : Rimbaud, Verlaine et Villon. Mais il met en scène un personnage intéressant, le marquis de Montespan, mari de la favorite de Louis XIV. Après mademoiselle de La Vallière et avant madame de Maintenon qui l'a rendu bigot en fin de vie. Vingt-cinq ans de règne pour la Montespan, pas mal. C'est une très belle jeune femme, la plus belle, quand le roi la rencontre avec une langue de vipère qui lui permettra de dominer la Cour. Le mari est un gascon...très gascon. Droit, honnête, rustique, l'opposé du courtisan. Surtout très, très amoureux de sa femme, à la folie. Quans sa femme s'installe dans le lit du roi, tout le monde félicite de Montespan pour sa chance car c'est la fortune assurée, les plus grands honneurs lui sont promis.  Mais le Gascon a le mauvais goût d'être trop amoureux et va  commettre  les pires excentricités. Dans un premier temps c'est la prison puis la condamnation à l'exil dans son château délabré du Sud-Ouest. Ainsi traverse-t-il la France dans un carrosse noir, drapé de voiles de deuil, surmonté d'immenses cornes de cerf. Puis une cérémonie d'enterrement avec messe de Requiem, cercueil (vide) et tombe pour ensevelir son amour. Ainsi pendant vingt-cinq ans, Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, lutte sans  relâche contre celui qui était à l'époque l'homme le plus puissant de la planète.

" ça fait quand même chier de devoir tout payer avec des pièces à l'effigie de l'amant de sa femme. Surtout qu'il est moche ce nain sale.* Mais qu'est-ce qu'elle lui trouve ?"

Il y laisse tous ses biens, il y laisse la vie.

 * Louis XIV, c'est connu, prenait un bain une fois par an et portait des talons.

mercredi, 05 mars 2008

Lire Khaled Hosseini

Il y a longtemps que je n'ai pas parlé de lecture, trop occupée par les changements de Hautetfort.
J'ai lu le roman tout récent
"Mille Soleils Splendides"
de Khaled Hosseini
dont j'avais apprécié "Les Cerfs-volants de Kaboul".
Mieux encore que Les Cerfs-volants ce second roman nous permet de comprendre l'histoire contemporaine de l'Afghanistan, à travers deux femmes qui partagent le triste destin d'appartenir au même homme. L'histoire se déroule sur trente ans de bouleversements politiques éclairant les raisons de l'arrivée des talibans. Un engrenage politique terrible, lié à la prédominance de l'esprit tribal.
Je ne vous raconterai pas l'histoire de ces deux femmes pour ne pas déflorer l'habile suspens de Khaled Hosseini, je préfère évoquer les découvertes que j'ai faites dans ce roman.
Toute une page de cette récente histoire de l'Afghanistan m'était inconnue, en particulier celle entre la fin de la guerre avec l'URSS et l'arrivée des talibans. Période peu médiatisée en France. Après le départ des Soviétiques, le pays a été la proie d'une guerre civile intense provoquée par les chefs de guerre ou moudjadins, qui bénéficiaient d'un armement sophistiqué procuré par les Etats-Unis, pour lutter contre l'URSS. Parmi ces chefs de guerre, Massoud, qui ne ressort pas vraiment comme un héros.
J'ai été aussi intéressée par le soin que semble avoir mis l'auteur à faire la distinction entre des pratiques traditionnelles patriarcales, terribles pour les femmes, mais très anciennes, et l'Islam.
Deux personnages masculins illustrent cette différence.
Un vieil Imam, qui encourage une fillette à s'instruire dans un enseignement très ouvert et le mari, détestable, mais qui est n'est pas un musulman pratiquant.
En revanche, comme pour Les Cerfs-volants, j'ai des réserves quant au dénouement. Trop américain, avec retournement de situation spectaculaire, inutile à mon goût.