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samedi, 08 septembre 2018

Centenaire oblige...

 

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Il est difficile de retrouver parmi les livres de la rentrée dite littéraire, celui dont la lecture vous apparaîtra comme une urgence.

J’étais attentive cette année à ce qui pouvait paraître sur la Première Guerre Mondiale, commémoration du centenaire oblige. Et j'ai lu plusieurs livres de cette époque.

Mais la force de la littérature c’est son renouvellement perpétuel. Après les récits des témoins, comment un écrivain actuel peut-il, cent ans plus tard, se réapproprier une tragédie digne de l’Antiquité ?

C’est en cela que le regard nouveau de David Diop, dans son roman Frère d’âme paru récemment, est passionnant.

David Diop, né à Paris, a grandi au Sénégal. Avec ce roman, il introduit un personnage oublié de la guerre de 14/18: le tirailleur sénégalais. Frère d’âme est l’histoire de deux amis africains, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, nés dans une colonie française qui s’appelait à l’époque Afrique Occidentale Française.

A l’âge de quinze ans, nous avons été circoncis le même jour. Nous avons été initiés aux secrets de l’âge adulte par le même ancien du village. Il nous a appris comment se conduire. Le plus grand secret qu’il nous a enseigné, est que ce n’est pas l’homme qui dirige les évènements, mais les évènements qui dirigent l’homme.

 

Si Alfa Ndiaye devient fou, c’est parce qu’il est resté aux côtés de son ami agonisant qui le suppliait de l’achever, et n’en a rien fait par respect des obligations morales et religieuses reçues du marabout.

Pour ne pas contrevenir aux lois humaines, aux lois de nos ancêtres, je n’ai pas été humain, et j’ai laissé mourir Mademba, mon plus que frère, mon ami d’enfance, mourir les yeux pleins de larmes, la main tremblante occupée à chercher dans la boue du champ de bataille ses entrailles pour les ramener à son ventre ouvert.

Alfa Ndiaye, en raison de comportements de plus en plus étranges, sera envoyé à l’arrière par son capitaine pour se faire soigner. Pour ses frères africains, il est devenu un « dëmm », un « dévoreur d’âmes », il fait peur à tous. Il est alors repris par son histoire africaine, à tel point qu’à la fin du roman les deux personnages, Alfa Ndiaye et Mademba Diop se confondent.

Le roman nous invite à une réflexion sur la sauvagerie de la guerre. Le narrateur africain dit ne pas comprendre pourquoi il faut se comporter en sauvage en sortant de la tranchée, pour redevenir « normal » au retour. Il montre également le choc culturel qu’a été cette guerre pour les tirailleurs sénégalais. Cela ne les a pas empêchés de devenir « frères d’armes » des Poilus français, comme le montre la belle histoire d’amitié du narrateur avec Jean-Baptiste, mais pas « frères d’âme » car leur âme était restée en Afrique.

dimanche, 26 août 2018

Pélerinage à Verdun

Cette année 2018, contrairement à 2008, je n'ai eu aucune envie de commémorer mai 68 et de faire mon ancienne combattante.

Cette année j'ai réalisé que c'était le centenaire de la fin de la première guerre mondiale qui était le plus important.

Mon grand-père, quatre de mes grands-oncles ont été tués dans cette guerre. Que pèse mai 68 par rapport au sacrifice de tous ces jeunes hommes ?

En juillet, je suis allée à Verdun, sur les lieux des combats. Visites très émouvantes.

Quand on va à Verdun, on n'est pas un touriste ni un simple visiteur : on est un pélerin. On se rend sur un lieu sacrificiel, d'ailleurs la route qu'empruntaient les Poilus s'appelait la route sacrée.

Sur le différents sites, les gens sont silencieux et recueillis, nous avons croisé beaucoup de familles avec enfants et adolescents. Les familles allemandes étaient également très nombreuses. Nous y avons donc passé deux jours.

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Nous avons donc visité le musée mémorial, inauguré en 2016, qui est extrêmement bien fait, intéressant mais surtout émouvant. Puis Douaumont, à quelques kilomètres, l'ossuaire et l'immense nécropole où se trouve la tombe d'un  grand-oncle, Émile Favre,DSC05402.JPG

 

La Nécropole de Douaumont

Nous avons visité également le Fort de Douaumont conquis par les Allemands en février 1916 et repris par l'armée française en octobre 1916.

C'est essentiellement l'armée d'Afrique qui a livré cette bataille et repris le fort.

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La bataille de Verdun a duré dix mois, elle a été remportée par les Français mais cette victoire n'a pas été décisive sur l'issue de la guerre. Pourtant Verdun est le symbole le plus fort de la guerre de 14-18. Par l'héroïsme de la résistance des soldats : la route ente Bar-le-Duc et Verdun s'appelle la voie sacrée parcque les soldats qui l'empruntaient au moment de la relève savaient qu'ils risquaient fortement de ne pas revenir.

Aujourd'hui la région est recouverte d'une belle forêt. L'État a  acheté dans les années 20 les 10 000 hectares des champs de batailles pour y planter  des arbres.

Mais on voit  encore tous les stigmates des combats : trous d'obus et surtout les entonnoirs. C'est la guerre des mines.

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On ne se rend peut-être pas bien compte sur la photo. Il s'agit d'un immense cratère. Les Allemands creusaient sous les tranchées françaises de longues galeries qu'ils bourraient de tonnes de dynamite, cela s'appelait les sapes. Ils les faisaient exploser à distance. Les poilus entendaient creuser... Il y a une scène terrible dans le roman "Les Croix de bois " de Roland Dorgelès. Une compagnie entend creuser une sape pendant plusieurs jours. Ils sont délivrés par l'arrivée de la relève, mais en partant ils croisent leurs frères d'armes et savent que ce sont eux qui y passeront.

 Dorgelès  a certainement écrit le roman le plus juste sur cette guerre, il l'a faite et en est revenu. Ce qui est remarquable c'est qu'il avait été réformé mais il s'est fait pistonner pour pouvoir partir au combat. Son roman paru en 1919, s'est trouvé en concurrence avec celui de Marcel Proust, "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" qui l'a emporté. Pour la petite histoire, son éditeur avait mentionné sur la manchette 4 voix sur 10 et s'est fait condamner.

Autre découverte impressionnante durant ce voyage : celle des "villages morts pour la France". Ainsi le village de Douaumont, un peu moins de 500 habitants, qui a été détruit en un jour, le 21 février 2016. Il n'a pas été reconstruit, sauf une chapelle. Des stèles indiquent les emplacements des fermes, artisans, commerces... Ils ont gardé une existence juridique et ont un maire. Il y en sept autour de Verdun.

Nous avons terminé ce séjour par une visite sur la tombe d'Alain Fournier, auteur du "Grand Meaulnes", livre qui a marqué mon adolescence. Il est mort au début de la guerre dans un petit village, Saint-Remy-la-Calonne, le 22 septembre 1914. Il était sous-lieutenant et en repérage avec ses hommes. Ils ont tous été tués et enterrés dans une fosse commune par les Allemands. On les a retrouvés en 1991.

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Le petit cimetière où est enterré Alain Fournier

La plupart des tombes qui l'entourent sont celles d'inconnus

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Tombe de l'écrivain Alain Fournier

Entre les deux guerres mondiales, on compte 700 écrivains et hommes de Lettres déclarés "morts pour la France". Pour la première guerre mondiale, les plus connus sont : Charles Peguy (1914) René Dalize, poète, (1917) Guillaume Apollinaire, poète (1918) Louis Pergaud, auteur de "La guerre des boutons" (1915)

 

 

jeudi, 08 mars 2018

Journée de la femme et printemps des poètes

Journée de la femme qui devient exclusivement journée de revendication de l'égalité entre homme et femme.

Il fut un temps très lointain où certes l'égalité n'existait pas mais où la femme était mise sur un piédestal.

Je parle de la Littérature courtoise du Moyen-âge.

Bien sûr je n'exprime aucune nostalgie et suis contente de vivre à mon époque.

Mais j'avoue que je préférerais qu'on m'écrive des poèmes plutôt que de diriger une entreprise du CAC 40.

Amours me fait desirer
Et amer
De cuer si folettement
Que je ne puis esperer
Ne penser
N'ymaginer nullement
Que le dous viaire gent
Qui m'esprent
Me doie joie donner,
S'amours ne fait proprement
Telement
Que je l'aie sans rouver.

S'ay si dur à endurer
Que durer
Ne puis mie longuement;
Car en mon cuer vueil celer
Et porter
Ceste amour couvertement,
Sans requerre aligement,
Qu'à tourment
Vueil miex ma vie finer.
Et si n'ay je pensement
Vraiement
Que je l'aie sans rouver.

Mais desirs fait embraser
Et doubler
Ceste amour si asprement
Que tout me fait oublier,
Ne penser
N'ay fors à li suelement;
Et pour ce amoureusement
Humblement
Langui sans joie gouster.
S'en morray, se temprement
Ne s'assent
Que je l'aie sans rouver.

Guillaume de Machaut

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mardi, 19 décembre 2017

Le temps qui passe...

Un nouveau Noël, une nouvelle année, fêtes ou jalons du temps qui passe ?

Quand j'ai commencé ce blog, je n'avais pas encore 60 ans, la fin de la jeunesse.

Cette année j'en ai eu 70, la vieillesse, inutile de se leurrer, de se raconter des histoires. Je ne me plains pas : je suis encore active et en bonne santé.

Roso est toujours présent même si le geste se ralentit.

Une chance que j'apprécie.

Et pourtant je n'aimerais pas revenir en arrière.

Je trouve à cet automne de la vie, temps des activités choisies, libéré de contraintes, beaucoup de charme.

J'espère qu'il en sera de même pour la dernière étape.

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dimanche, 17 décembre 2017

Les gardiennes, le livre

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Le film de Xavier Beauvois "Les gardiennes" est absolument superbe et m'a donné envie de lire le roman qu'il a adapté, avec beaucoup de finesse et une grande humanité.

DSC_0145.JPGCe roman est passionnant et profondément touchant. Son auteur, Ernest Pérochon, était instituteur, né dans un milieu rural à la fin du XIXème siècle quelque part en Vendée. Il a été vaguemestre pendant la guerre de 14/18 où il a failli mourir d'une crise cardiaque.

Je reconnais y retrouver mon ADN familial à plus d'un titre.

L'histoire est donc celle du film même si Xavier Beauvois a réduit le nombre des personnages se concentrant sur ceux qu'il a jugés les plus intéressants.

En 1915, début de l'histoire, ne famille de paysans nantis souffre comme les autres familles du départ des hommes pour maintenir le travail de la ferme.

Cette famille est dominée par une femme, déjà âgée surtout pour cette époque, Hortense Misanger, appelée la Misangère car à cette époque on féminise les noms de famille et surnommée la grande Hortense.

On peut dire que c'est la gardienne en chef pour les siens et pour tout le village.

Le roman débute par le poids de la responsabilité que les hommes partis se battre font peser sur leurs femmes.

"Il écrivait :

Vous devez travailler pour que les soladts ne manquent de rien ; vous devez travailler jusqu'à l'épuisement de vos forces, jusqu'à en mourir s'il le faut... La souffrance et la mort ne comptent pas plus pour vous que pour les combattants."

Contrairement à ce qui a pu être dit, pas plus le roman que le film ne suggère la moindre notion féministe. C'est l'exigence à l'état brut des hommes qui veulent retrouver en état leur bien.

La Misangère se soumet parfaitement à ces prescriptions qu'elle approuve complètement car elles correspondent à son caractère.

"D'abord, il lui semblait juste de durement peiner parce que les autres souffraient et que le travail est frère de la souffrance ; mais surtout les hommes s'acharnant aux oeuvres de destruction et de mort, la tâche première des femmes, qui est de conservation, lui apparaissait confusément avec son importance essentielle. Jeunes ou vieilles, les femmes étaient les gardiennes ; gardiennes du foyer, gardiennes des maisons, de la terre, des richesses, gardiennes de ce qui avait été amassé effort des âges pour faciliter la vie de la race, mais aussi gardiennes de ce qui pouvait sembler futile et superflu, de tout ce qui faisait l'air du pays léger à respirer, gardiennes de douceur et de fragile beauté."

C'est ainsi qu'Hortense Misandier mène son monde à la baguette, femmes et valets, sans aucune pitié pour la fragilité et la faiblesse. Même son mari plus vieux et impotent subit ses rudoiements. Ainsi a-t-elle le plus profond respect pour les femmes qui travaillent durement et un grand mépris de celles qui se relâchent.

C'est ainsi que la Misandière se trouve confrontée à des travailleurs défaillants : ses valets, des incapables, une fille qui pense davantage à faire la belle qu'à travailler au champ, une belle-fille courageuse mais souvent malade.

Son secours viendra de Francine Riant, une servante vaillante et dure à la tâche qui aurait tout pour lui plaire. Mais  pour son entourage une fille de l'assistance est forcément une fille de rien. Francine est l'autre personnage fort de ce roman, une image lumineuse, même dans sa détresse quand les coups portés deviendront plus durs, et ils sont nombreux ces coups, tant la méchanceté et la jalousie vont l'accabler.

Comme dans le film, son amour naissant sera brutalement interrompu par une terrible injustice. Mais la résilience comme on dit aujourd'hui, sa force d'âme sont encore plus fortes que dans le film, Francine  s'en sort,  tournée vers l'avenir, transcendée par la vie qu'elle porte en elle.

Le roman se termine comme il a commencé,  sur le personnage de  la Misandière qui n'est plus la grande Hortense mais une vieille femme, détruite par les remords et abandonnée de tous.

Un très beau roman dont l'écriture savoureuse restitue la ruralité ancienne, celle de mes grands-parents. Ernest Pérochon est aussi à l'aise avec l'imparfait du subjonctif qu'avec le langage des paysans de ce temps :"cent soixante boisselées d'une terre sèche mais grenante", les emblavures ou emblaver, muser...

"Ce n'est pas un mince travail que de rentrer du foin au pays du Marais. Il faut le prendre sur le pré, le porter à la conche, dresser la batelée, conduire le chargement à la perche par les fossés étroits, parfois même le haler à bras."

En revanche si on a tendance à idéaliser cette société disparue comme un idéal d'humanité, on déchante. Si en effet, par nécessité, une grande solidarité se manifeste pour l'entraide dans les travaux des champs, jalousie et méchancetés dominent les relations au sein du village.

Pas de nostalgie donc pour une époque révolue.

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lundi, 17 avril 2017

Témoins du temps passé

Ce n'est pas nouveau de dire que le passage du temps, l'avancée en âge plutôt, est un fait parfois douloureux. Malgré l'optimisme qu'on essaie de cultiver, on est plus tourné vers les souvenirs que vers les projets d'avenir. Il faut lutter...

A l'occasion d'une fête familiale, j'ai proposé  un défilé de vêtements anciens restés dans la famille. Idée jugée farfelue par les gens de ma génération mais qui a plu aux plus jeunes.

Les filles surtout ont joué le jeu, des petites-nièces et ma petite-fille, mais aussi  des nièces trentenaires ou jeunes quadra.

C'est ainsi que des petites-filles ont porté...

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une robe de communion solennelle datant des années 30

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ou les robes de mariée de leur grand-mère, voire arrière-grand-mère

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Et en voyant mes nièces dans mes robes de jeune femme j'ai pu me dire

"moi aussi j'ai été mince."

Je les leur ai données

très heureuse qu'elles les acceptent...

 

samedi, 28 janvier 2017

Un monde s'effondre

Il y a dix ans que j'ai ouvert ce blogue.

C'était dans des circonstances difficiles, mon fils aîné venait de faire des crises délirantes suggérant un diagnostic de schizophrénie.

Il s'est stabilisé, même sans médicaments,  mais il ne travaille pas. Nous avons appris à partager sa vie, ou la nôtre avec lui, je ne sais pas trop.

Aujourd'hui ce n'est finalement pas pour moi ni le plus difficile ni le plus désespérant.

J'avais repris un billet d'Alezandro que je trouvais trop pessimiste sur la marche du monde.

Aujourd'hui j'ai le sentiment qu'il a raison et que mon optimisme  n'était que l'illusion donnée par des lunettes rose de pacotille que je chausse sans doute trop facilement. Oui  un monde s'effondre.

Le climat politique français tel qu'il est, je ne le reproche pas aux hommes politiques finalement. Plutôt à mes contemporains qui choisissent dans les programmes comme au super-marché, ce qui leur convient, sans se préoccuper du sens réel du politique qui serait de rendre une société meilleure.

Qui s'en préoccupe encore de rendre la société meilleure ?

Ma génération s'est shootée aux utopies et aux convictions. Qu'en reste-t-il ?

C'est vrai que mes états d''âme sont sans doute ceux d'une retraitée sans préoccupations trop importantes pour son avenir matériel. Je sais pourtant que beaucoup  de mes concitoyens n'ont pas cette chance.

Mais les autres ?