mardi, 19 décembre 2017
Le temps qui passe...
Un nouveau Noël, une nouvelle année, fêtes ou jalons du temps qui passe ?
Quand j'ai commencé ce blog, je n'avais pas encore 60 ans, la fin de la jeunesse.
Cette année j'en ai eu 70, la vieillesse, inutile de se leurrer, de se raconter des histoires. Je ne me plains pas : je suis encore active et en bonne santé.
Roso est toujours présent même si le geste se ralentit.
Une chance que j'apprécie.
Et pourtant je n'aimerais pas revenir en arrière.
Je trouve à cet automne de la vie, temps des activités choisies, libéré de contraintes, beaucoup de charme.
J'espère qu'il en sera de même pour la dernière étape.
08:27 Publié dans Au jour le jour, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |
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dimanche, 17 décembre 2017
Les gardiennes, le livre
Le film de Xavier Beauvois "Les gardiennes" est absolument superbe et m'a donné envie de lire le roman qu'il a adapté, avec beaucoup de finesse et une grande humanité.
Ce roman est passionnant et profondément touchant. Son auteur, Ernest Pérochon, était instituteur, né dans un milieu rural à la fin du XIXème siècle quelque part en Vendée. Il a été vaguemestre pendant la guerre de 14/18 où il a failli mourir d'une crise cardiaque.
Je reconnais y retrouver mon ADN familial à plus d'un titre.
L'histoire est donc celle du film même si Xavier Beauvois a réduit le nombre des personnages se concentrant sur ceux qu'il a jugés les plus intéressants.
En 1915, début de l'histoire, ne famille de paysans nantis souffre comme les autres familles du départ des hommes pour maintenir le travail de la ferme.
Cette famille est dominée par une femme, déjà âgée surtout pour cette époque, Hortense Misanger, appelée la Misangère car à cette époque on féminise les noms de famille et surnommée la grande Hortense.
On peut dire que c'est la gardienne en chef pour les siens et pour tout le village.
Le roman débute par le poids de la responsabilité que les hommes partis se battre font peser sur leurs femmes.
"Il écrivait :
Vous devez travailler pour que les soladts ne manquent de rien ; vous devez travailler jusqu'à l'épuisement de vos forces, jusqu'à en mourir s'il le faut... La souffrance et la mort ne comptent pas plus pour vous que pour les combattants."
Contrairement à ce qui a pu être dit, pas plus le roman que le film ne suggère la moindre notion féministe. C'est l'exigence à l'état brut des hommes qui veulent retrouver en état leur bien.
La Misangère se soumet parfaitement à ces prescriptions qu'elle approuve complètement car elles correspondent à son caractère.
"D'abord, il lui semblait juste de durement peiner parce que les autres souffraient et que le travail est frère de la souffrance ; mais surtout les hommes s'acharnant aux oeuvres de destruction et de mort, la tâche première des femmes, qui est de conservation, lui apparaissait confusément avec son importance essentielle. Jeunes ou vieilles, les femmes étaient les gardiennes ; gardiennes du foyer, gardiennes des maisons, de la terre, des richesses, gardiennes de ce qui avait été amassé effort des âges pour faciliter la vie de la race, mais aussi gardiennes de ce qui pouvait sembler futile et superflu, de tout ce qui faisait l'air du pays léger à respirer, gardiennes de douceur et de fragile beauté."
C'est ainsi qu'Hortense Misandier mène son monde à la baguette, femmes et valets, sans aucune pitié pour la fragilité et la faiblesse. Même son mari plus vieux et impotent subit ses rudoiements. Ainsi a-t-elle le plus profond respect pour les femmes qui travaillent durement et un grand mépris de celles qui se relâchent.
C'est ainsi que la Misandière se trouve confrontée à des travailleurs défaillants : ses valets, des incapables, une fille qui pense davantage à faire la belle qu'à travailler au champ, une belle-fille courageuse mais souvent malade.
Son secours viendra de Francine Riant, une servante vaillante et dure à la tâche qui aurait tout pour lui plaire. Mais pour son entourage une fille de l'assistance est forcément une fille de rien. Francine est l'autre personnage fort de ce roman, une image lumineuse, même dans sa détresse quand les coups portés deviendront plus durs, et ils sont nombreux ces coups, tant la méchanceté et la jalousie vont l'accabler.
Comme dans le film, son amour naissant sera brutalement interrompu par une terrible injustice. Mais la résilience comme on dit aujourd'hui, sa force d'âme sont encore plus fortes que dans le film, Francine s'en sort, tournée vers l'avenir, transcendée par la vie qu'elle porte en elle.
Le roman se termine comme il a commencé, sur le personnage de la Misandière qui n'est plus la grande Hortense mais une vieille femme, détruite par les remords et abandonnée de tous.
Un très beau roman dont l'écriture savoureuse restitue la ruralité ancienne, celle de mes grands-parents. Ernest Pérochon est aussi à l'aise avec l'imparfait du subjonctif qu'avec le langage des paysans de ce temps :"cent soixante boisselées d'une terre sèche mais grenante", les emblavures ou emblaver, muser...
"Ce n'est pas un mince travail que de rentrer du foin au pays du Marais. Il faut le prendre sur le pré, le porter à la conche, dresser la batelée, conduire le chargement à la perche par les fossés étroits, parfois même le haler à bras."
En revanche si on a tendance à idéaliser cette société disparue comme un idéal d'humanité, on déchante. Si en effet, par nécessité, une grande solidarité se manifeste pour l'entraide dans les travaux des champs, jalousie et méchancetés dominent les relations au sein du village.
Pas de nostalgie donc pour une époque révolue.
21:42 Publié dans Ciné-club, D'une génération à l'autre, Passages vers... | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
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lundi, 11 décembre 2017
Fin d'année
Pour Doume
Pour différentes raisons l'approche de Noël me rend nostalgique.
Dans quelques semaines ce blog aura onze ans et comme pour beaucoup d'amis de la blogosphère l'enthousiasme n'est plus au rendez-vous.
Et pourtant je regrette cet entraînement à l'écriture.
Récemment le très beau film de Xavier Beauvois "Les gardiennes" m'a donné envie de reparler de ma grand-mère.
Je réédite donc ce billet qui lui était consacré car ce film m'a beaucoup fait penser à elle.
Le dessert dominical est sacré et aujourd'hui j'ai fait une tarte aux pommes.
Chaque fois je pense à ma grand-mère car c'est elle qui m'a enseigné l'art de la pâte brisée, comment émietter finement le beurre juste ramolli dans la farine...
D'ailleurs j'utilise toujours son rouleau à pâtisserie...
La vie de ma grand-mère tient en une année : 1914
En mars elle s'est fiancée, en mai elle s'est mariée, en août mon grand-père est parti à la guerre, en novembre il a été tué : elle avait vingt-ans.
Elle fut une femme courageuse, elle a continué durant toute la guerre à envoyer des paquets aux compagnons de son mari dans les tranchées...
Elle fut une mère rude et exigeante pour mon père, rêveur et nonchalant.
Elle fut une grand-mère merveilleuse qui m'a fait aimer les fleurs, les vieilles chansons de sa jeunesse " Nous irons écouter la chanson des blés d'or..." et la politique !
Elle aimait débattre, elle vénérait De Gaulle mais détestait les Américains !
Elle est morte il y a trente ans mais elle ne m'a jamais quittée. De temps en temps je m'assieds, elle est à côté de moi et nous causons.
Pour moi c'est ça l'Eternité.
23:01 Publié dans Au jour le jour, Chronique lyonnaise | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook |
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samedi, 20 mai 2017
Surprenant ?
"La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires."Avait dit Clemenceau. Pourrait-on le parodier aujourd'hui en disant : l'armée est trop importante pour être laissée aux hommes ? En tout cas cette découverte m'a fait plaisir... Trump n'a qu'à bien se tenir. Sur la même longueur d'ondes que mon ami Doume |
15:06 Publié dans Au jour le jour, Coups de coeur | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |
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jeudi, 11 mai 2017
Dans le train...
Quelque part dans le train, au retour de Haute-Savoie... Très important retard, plus de trois heures semble-t-il. Problème sur un passage à niveau nous a-t-on dit. J'ai fini mon livre, lu in extenso l'Express... Ne reste que la tablette. J'ai épuisé les nouvelles récentes ... La politique essentiellement.
Dans un compartiment à l'ancienne, clos... En face de moi une jeune femme somnole, son bébé de six mois endormi sur son ventre. Peu d'échanges malgré des sourires de sympathie.
Les annonces du chef de train témoignent de son embarras et du souci qu'il a des passagers. Non, il ne faut pas dénigrer systématiquement la SNCF.
Expérience du temps long auquel on n'est plus habitué. Le train a dû changer d'itinéraire. Mon principal regret, n'avoir pas prévu un second livre !
La tablette m'a permis d'être en relation quelque temps avec des amies via FB... Tuer le temps, quelle horrible expression.
J'ai pu prévenir Roso qui vient me chercher à 0 heure 45. Comment faisait-on avant sans téléphone mobile ? On se déplaçait inutilement pour attendre les passagers et découvrir le retard ?
Arrivée à la Part-Dieu dans une gare déserte. Un message sonore nous accueille pour nous dire que la gare va fermer.
Nous sommes trois au quatre à attendre dehors avec un léger crachin.
Six heures pour parcourir 200 kilomètres.
Expérience utile après-tout.
10:12 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
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lundi, 17 avril 2017
Témoins du temps passé
Ce n'est pas nouveau de dire que le passage du temps, l'avancée en âge plutôt, est un fait parfois douloureux. Malgré l'optimisme qu'on essaie de cultiver, on est plus tourné vers les souvenirs que vers les projets d'avenir. Il faut lutter...
A l'occasion d'une fête familiale, j'ai proposé un défilé de vêtements anciens restés dans la famille. Idée jugée farfelue par les gens de ma génération mais qui a plu aux plus jeunes.
Les filles surtout ont joué le jeu, des petites-nièces et ma petite-fille, mais aussi des nièces trentenaires ou jeunes quadra.
C'est ainsi que des petites-filles ont porté...
une robe de communion solennelle datant des années 30
ou les robes de mariée de leur grand-mère, voire arrière-grand-mère
Et en voyant mes nièces dans mes robes de jeune femme j'ai pu me dire
"moi aussi j'ai été mince."
Je les leur ai données
très heureuse qu'elles les acceptent...
11:57 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook |
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vendredi, 07 avril 2017
D'un Goncourt à l'autre
Il est de bon ton, et j'avoue l'avoir fait régulièrement, de critiquer les choix des jurés du prix Goncourt. Pourtant il en est d'excellents.
Le hasard a fait que j'ai lu très récemment et successivement, deux romans récompensés par ces jurés.
Le premier, "Léon Morin, prêtre", a été réédité récemment suite à la sortie du film "La Confession" de Nicolas Boukrief. Le second est le dernier Goncourt, "Chanson douce" de Leïla Slimani.
Un point commun entre ces deux romans : ils parlent de leur époque. Et de manière brillante et percutante.
"Léon Morin, prêtre" est le roman autobiographique de Béatrix Beck. Paru et couronné par le Goncourt en 1952, il raconte l'histoire d'une jeune veuve communiste, Barny qui, dans une petite ville de province, pendant l'occupation allemande. Elle rencontre un jeune prêtre pour le déstabiliser dans ses convictions. Il l'accueille avec intérêt, séduit par son intelligence et son esprit de répartie, et tous deux se prennent au jeu des échanges intellectuels.
Sauf que la jeune femme tombe amoureuse, le prêtre la repousse et c'est la rupture.
Très beau témoignage sur une époque avec deux personnages d'exception en des temps d'exception. Les épreuves révèlent. Barny jeune femme courageuse qui aide des juifs, soutient des collègues en difficulté, travaille et s'occupe de sa fille ne peut que susciter l'admiration. Quant à Léon Morin, personnage réel -Jules Albert Paillet 1914-1998- il nous épate par son positionnement avant-gardiste, sa proximité avec les gens, en particulier les plus modestes, et son rejet de la pratique religieuse ostentatoire des notables.
Les jeunes prêtres d'aujourd'hui pourraient s'en inspirer... La lecture de ce roman devrait être obligatoire au séminaire.
Deux scènes plus particulièrement montrent les difficultés que pouvaient rencontrer les prêtres de cette époque quand ils guidaient des fidèles.
Barny, récemment convertie, apprend qu'une jeune femme de sa connaissance, qui "fait la vie avec les Allemands" et leur fournit des renseignements, doit être exécutée par la Résistance. Elle expose au prêtre son cas de conscience car elle croise la jeune femme en question tous les jours... Après un dialogue remarquable au cours duquel Léon Morin amène Barny à réfléchir sur ses motivations, et sans doute également les siennes, il lui conseille de ne pas s'en mêler, de garder un secret que de toute façon elle n'aurait pas dû connaître. Condamnant ainsi une femme à la mort.
Quelques pages plus loin, c'est un jeune FFI membre d'un tribunal qui condamne des collaborateurs. Lui aussi vient confier au prêtre sa crainte d'être un assassin. Léon Morin lui répond :
"Si tu cales tu risques d'être remplacé par un autre moins consciencieux. Prends tes précautions, vérifie, fais ton devoir d'état. Il n'y a jamais de devoir au-dessus du devoir d'état.
Le bien commun passe avant ta petite sensibilité et avant ta coquetterie morale. Il y a des gens, la meilleure charité qu'on puisse leur faire, c'est de leur brûler la cervelle."
L'abbé Paillet, le véritable Léon Morin.
Ce roman n'a pas pris une ride : troublant, dérangeant. L'écriture est très contemporaine. Classique et fluide, alerte, s'appuyant essentiellement sur les dialogues. D'où la facilité de l'adapter au cinéma.
Tout aussi dérangeant mais passionnant m'a paru le roman de Leïla Slimani, "Chanson douce", dernier prix Goncourt. C'est un thriller qui commence avec l'assassinat, par leur nourrice, de deux enfants, une petite fille de quatre ans et un bébé.
La famille a toujours été, depuis l'Antiquité, un lieu de tragédie. Caïn et Abel, Médée... Nous sommes donc dans une tragédie actuelle, de la société d'aujourd'hui. Dans nos esprits aseptisés par des images d'une famille harmonieuse, lieu de refuge, cocon protecteur, le réveil du tragique est insupportable. Pourtant sa forme change mais le mystère du tragique demeure. Pourquoi ?
L'auteure qui s'est inspirée d'un fait divers arrivé aux États-Unis, tente de répondre à cette question, nécessairement partiellement.
Un jeune couple de "cadres dynamiques" embauche une nourrice, la meilleure possible, pour s'occuper de leurs enfants. Une femme parfaite, propre, attentive à réaliser les désirs de chacun, non seulement ceux des enfants mais aussi ceux des parents trop occupés par leur profession et tellement fatigués. Et puis tout dérive progressivement... On se fait trop ami avec Louise, la nourrice, qu'on emmène en vacances. Trop de proximité alors qu'on n'est pas du même monde. Le monde de Louise c'est celui des nourrices qu'elle retrouve au square où elle est la seule blanche. Le monde de Louise c'est une vie d'échecs et de souffrances accumulées. Plus les parents "bobos" se rapprochent d'elle, plus ils accentuent la distance qui les sépare et plus cette distance devient insupportable. Jusqu'à la tragédie.
Ces deux beaux romans, à plus de cinquante ans d'intervalle, nous décrivent la société de leurs auteurs, car un bon écrivain n'est pas hors-sol, mais bien enraciné dans le contexte de son époque.
17:10 Publié dans Coups de coeur, Passages vers... | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook |
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