Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 26 mai 2007

Fragiles adolescences

Difficile de ne pas être bouleversé par les récentes tentatives de suicides des collégiennes corses, largement médiatisées.
Je ne connais pas le milieu collégien n'ayant jamais enseigné en collège, je ne peux donc me prononcer mais je sais que le suicide est la seconde cause de mortalité chez les adolescents : ces bourgeons fragiles que le moindre coup de vent peut détruire... La première restant les accidents...
Mon expérience des lycéens m'a en revanche montré que les suicides "aboutis" étaient souvent imprévisibles. Le dernier en date que j'ai vécu, celui d'un élève qui n'était plus dans ma classe mais préparait un BTS, a été le fait d'un étudiant considéré comme sans problèmes, bien intégré avec un bon groupe d'amis... Un mois avant de passer son examen, il s'est pendu...
Peut-être un facteur déclenchant : une heure avant il avait gravement accidenté la voiture de sa maman avec laquelle il vivait seul et qui avait "galéré" pour assurer sa scolarité...J'avais repéré chez lui, quand il était dans ma classe, un véritable refus de s'exprimer alors qu'il était capable de le faire... Phénomène banal à cet âge, surtout chez les garçons.
Adolescences fragiles, surtout quand elles sont verrouillées.
J'écoute avec intérêt les propos des spécialistes... Je trouverais dommage de diaboliser les blogues des adolescents qui peuvent être aussi aussi des exutoires positifs...Le pire pour un adolescent : ne pas savoir où ni avec qui s'exprimer.
On sait mieux dénoncer les risques que repérer les aspects bénéfiques chaque fois qu'une nouveauté est mise en cause.

mercredi, 02 mai 2007

Le grand combat

Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle,
Il le pratèle et le libucque et lui baroufle les ouillais
Il le tocarde et le marmine
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain.
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli
Le bras a cassé
Le sang a coulé.
Fouille, fouille, fouille.
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne !
Et on vous regarde
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.

HENRI MICHAUX


Je sais, ce n'est pas "poétiquement correct"
mais mes élèves adoraient.

samedi, 17 mars 2007

Allez les Verts...

Le prof, nous le savons tous, est d'abord un comédien.
L'entrée dans une salle de classe, c'est notre lever de rideau. Notre rôle, nous le connaissons par coeur mais parfois il faut improviser pour s'adapter au public.
C'est ce que j'ai dû faire, une année, avec une classe réputée difficile. Tout le monde détestait cette classe et je n'en ai jamais su la raison. C'est une classe que j'adorais.
Donc cette classe d'électrotechniciens et sans aucune fille avait pour particularité (nous sommes à Lyon) de comporter un groupe important de fervents supporteurs de l'OL. Repérage vite fait au nombre d'écharpes bleues et rouges autour du cou, quelle que soit la température. Or, grâce à l'homme de ma vie qui lit "L'Equipe" tous les jours et à mes fils, amoureux du ballon rond, j'ai un minimum de culture footballistique. C'est ainsi qu'avec cette classe redoutée de collègues, j'eus un jour l'inspiration, convoquant mes vieux souvenirs de la grande époque de Saint-Etienne (années 70) où j'adorais les Verts, de me déclarer supporteur des Verts, encore en seconde division.
Stupeur générale...
Mais respect quand même... On est fidèle...
Et voilà le rôle que j'ai dû jouer durant une année scolaire...
Les élèves m'attendaient chaque lundi matin dans le couloir pour me commenter les matchs du week end. J'avais bien entendu révisé rapidement avant de partir et les buts saisis aux infos me permettaient de broder des analyses.
Il n'empêche que je suis ainsi arrivée àles faire étudier et j'étais la seule à les défendre dans les conseils de classe.
Seul problème : ma réputation de supporteur des Verts a fait le tour du lycée et je n'ai pu quitter mon rôle en fin d'année. Il m'a collé jusqu'à mon départ en retraite.

lundi, 12 mars 2007

Rémi

En triant des papiers dimanche j'ai retrouvé ce poème de Rémi.
Il était dans ma classe il y a quelques années. En cours, il donnait l'impression de dormir. Ses camarades se moquaient de lui, gentiment car c'était une classe très sympa. Moi je voyais qu'il était tourné vers l'intérieur de lui-même comme s'il détenait quelque chose qu'il ne voulait pas laisser échapper...
C'était plutôt un bon élève, il a poursuivi sa scolarité mais les années suivantes mes collègues me disaient qu'il était souvent absent.
Il a réussi son Bac puis a continué en BTS...
Un jour il n'est plus venu.
A son enterrement, il y avait un grand chef indien en tenue traditionnelle. Un canadien francophone. Nous avons appris que la famille de Rémi lui avait offert la possibilité d'aller passer ses dernières semaines (il avait une leucémie) dans cette communauté indienne dont le "chef" se trouvait de passage à Lyon au moment de sa mort. Il lui a adressé un aurevoir dans sa langue.
Le poème écrit, un mois avant, dit bien ce qu'il a vécu, la sérénité et la préparation du départ.
J'aime particulièrement la chute qui reflète parfaitement ce qu'il était.
Si je rapporte ce souvenir, c'est surtout à l'intention des jeunes collègues qui "galèrent", car notre métier est d'une rare densité humaine et on ne se souvient après, que de ces élèves-là.

SI J'ETAIS UN OISEAU


Si demain je pouvais être un oiseau
Un grand aigle, noble, fier et beau
Je pourrais de quelque rocher
Du haut versant effilé
En un battement d'ailes majestueux
Prendre mon envol pour les cieux.
Avec mes ailes déployées
Je saurai apprécier
De chaque instant la beauté
Là, au milieu du ciel à planer
Le monde admirer
Le bruit du vent dans mes plumes écouter.
Je partirai en montagne pour visiter
Découvrir d'autres contrées
Et pour ma pause goûter
Je partirai en piquée
Pour quelque animal attraper
Dans mes serres acérées.
Et oui il faut se méfier
Quand on me voit tournoyer.
Mais je pourrais être moineau
Petit, fragile mais toujours un oiseau
Le plus important n'est pas la beauté,
De belles plumes, un bec effilé
C'est de sentir la liberté
Qu'ils ont a leur portée.
S'il y avait quelque dieu ou divinité
Qui pourrait mon souhait exaucer
J'en serais comblé.
Mais SVP soyez pas trop con
Me faites quand même pas pigeon !

Adolescence

"J'ai souvent pensé que l'être ne va peut-être jamais aussi loin qu'à l'adolescence, époque où il connaît de véritables moments de génie. Je n'aime pas ce mot et ne l'emploie jamais. Mais enfin il suggère assez bien, je crois, le caractère totalement stupéfiant de ces fulgurances qui semblent être comme en dehors de ce qui nous est habituellement dévolu."

Charles Juliet
Traversée de la nuit

Adolescence, espace de vie presque magique... L'adolescent sait et peut raisonner comme un adulte mais il a encore cette fragilité des bourgeons d'avril qu'un coup de gelée peut détruire. L'adolescent marche incertain sur la crête de l'avenir d'où il peut basculer, sur un versant comme sur l' autre.
Il est dans un monde où tout est possible.
C'est pourquoi j'ai tellement aimé les adolescents. Il m'est arrivé de retrouver, adultes, d'anciens élèves. Ils étaient (légitimement) fiers de me montrer ce qu'ils étaient devenus mais en les félicitant je ne pouvais m'empêcher de regretter les adolescents qu'ils avaient été. Là se trouve la différence entre les parents et le professeur.
Les parents sont heureux -à juste titre- de voir leurs enfants installés dans l'existence, établis, le professeur le plus souvent porte le deuil de l'adolescent qu'il a connu.

samedi, 10 février 2007

Charles Juliet (suite)

J'ai déjà exprimé mes raisons d'aimer Charles Juliet...
Une visiteuse a présenté "Lambeaux".
Pour ma part, je vais revenir sur son journal mais je pense que la clé de son oeuvre, parce que la clé de sa personnalité, est dans "L'année de l'éveil" où il fait le récit de ses quatre années passées aux enfants de troupe, dans l'école militaire d'Aix en Provence...
Charles Juliet dans son journal revient, à plusieurs reprises, sur sa conception du rôle de l'écrivain...
Voilà un passage qui me paraît significatif...
"Il est des écrivains qui révèlent une incontestable singularité, mais cette singularité ne renvoie à rien, elle est pauvre, anecdotique, fermée sue elle-même. Pourquoi cela ? Parce que ces écrivains sont encore ligotés par le moi, parce qu'ils s'assèchent à l'intérieur de ses limites, qu'ils n'écrivent que pour se raconter, s'ébattre en eux-mêmes, qu'ils n'accèdent pas à la pensée-laquelle est prise de distance, possibilité d'élucider les significations du vécu, connaissance de soi et d'autrui.
Le vrai écrivain est celui dont la singularité parle à chacun. En se renonçant, il a dénudé en lui cette part commune à tous, il s'est révélé semblable à des milliers d'autres hommes, il est devenu partie de l'ensemble. Ainsi, il a acquis le droit d'écrire, il est un microcosme."

Traversée de nuit
12 janvier 1965

mercredi, 07 février 2007

Charles Juliet

Je lis actuellement "Traversée de la nuit", un des tomes du journal de Charles Juliet... Ecrivain discret, très loin des médias et du parisianisme culturel, il a publié fort tard : il devait avoir plus de cinquante ans quand est paru "L'année de l'éveil", roman autobiographique qui l'a fait connaître. Il a occupé une place d'honneur dans les listes d'oeuvres complètes du Bac, en raison de la qualité de son écriture mais aussi parce qu'il touche les adolescents même les plus réfractaires à la lecture...Maintenant l'autobiographique n'est plus objet d'étude au programme et c'est fort dommage.
J'aime cet écrivain dont la prose est superbe, juste, sans fioritures inutiles... C'est un homme tourmenté, mal remis des douleurs de l'enfance, un écrivain de l'intériorité d'une spiritualié exigeante bien que sans Dieu... Il fait partie des rares écrivains qui, à travers l'autobiographie, atteignent l'universel.
Lire aussi "Lambeaux" très beau roman consacré à sa mère...
Rosa