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mercredi, 14 janvier 2009

Sa bohème

Rimbaud inspire Aliscan, Aliscan et Aliscan...

Ma bohème fut vide
Sans éclat ni Pont-Neuf
Mes poches étaient solides
Et mon pantalon neuf...

Mon ciel à la maison
Ne portait pas d'étoile
Mais la mouvante toile
Des ombres d'un plafond...

Et j'allais infidèle
J'allais sous la grande-ourse
Mais jamais sous le ciel
je n'ai suivi sa course.

samedi, 10 janvier 2009

Aux Olibrius

à Noelle, Louis-Paul, Alsacop qui ont embarqué sur le bateau de Yves et naviguent entre Vendée-Globe, Histoire cubaine et Utopie.

Bon voyage...il y a encore des places...

 

Le Bateau Ivre


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Arthur Rimbaud

 


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samedi, 22 novembre 2008

Il fut aussi poète...

mao-montagne_copie.jpgLa poésie est en Chine le genre littéraire majeur.

Les empereurs de la dynastie des Tang qui ont institutionnalisé les concours de Lettrés permettant de  devenir des fonctionnaires impériaux  (618 à 907)

avaient fait de la poésie l'épreuve reine et  déterminante.

Pour devenir fonctionnaire de l'empereur il fallait d'abord savoir écrire des vers.

La dynastie Tang marque d'ailleurs l'âge d'or de la poésie chinoise. L'anthologie de cette période compte 50 000 poèmes attribués à 2200 poètes. Les deux grands noms de cette époque sont Li Bai et Du Fu. Li Bai, taoïste, a été très inspiré par la nature et est devenu "le" modèle de la poésie chinoise. Du Fu au contraire était très engagé du point de vue social ce qui lui a valu  l'exil. On le présente comme le Victor Hugo chinois.

Qui se douterait donc que Mao Zedong avait été poète et dans un genre très proche de Li Bai ?

Dans ses premiers poèmes, Mao est influencé par les poètes de la dynastie des Tang  et des Song (960-1127). Il utilise des références de la littérature classique ou des légendes du passé pour exprimer le présent.

Nul doute que ces textes ont dû être soigneusement cachés pendant la révolution culturelle car ils appartiennent tout à fait à cette littérature honnie, caractéristique de la classe bourgeoise, qu'il fallait éradiquer à tout prix.

Actuellement ils sont édités en Chine, sans doute pour la première fois.

Une page est définitivelent tournée.


La Neige
( février 1936)


Paysage du Nord :
Mille lis de glace scellés,
Dix mille lis de neige en volée .
De la Grande Muraille, au-dedans, au dehors,
Rien qu'une blanche immensité sans bord.
Le grand Fleuve, en amont, en aval,
Perd soudain ses impétueux élans.
Les montagnes dansent, serpents d'argent ;
Les massifs de courir, éléphants de cire :
Ils veulent en hauteur égaler le ciel.
Par un jour de soleil,
C'est une belle en rouge enveloppée de blanc,
Enchantement sans pareil.


HUITAIN

Contempler les Montagnes

(1955)



J'ai gravé les Cimes du Nord à trois reprises

Tout Hangzhou se fait voir sous mes yeux

Des arbres oscillent près du Pavillon Phénix

Une brise souffle sur les Versants aux pêchers

Quand il fait chaud, on cherche l'Eventail

Quand il fait froid, on admire les Beautés

Dans leur course en s'éloignant à tire-d'aile

Des Aigles nous saluaient alors au crépuscule

dimanche, 09 novembre 2008

Passage

Sur le blogue de Frasby et grâce à Marc, découverte d'un poète québécois.

Merci à eux.

Dans les lointains de ma rencontre des hommes
le cœur serré comme les maisons d'Europe
avec les maigres mots frileux de mes héritages
avec la pauvreté natale de ma pensée rocheuse

j'avance en poésie comme un cheval de trait
tel celui-là de jadis dans les labours de fond
qui avait l'oreille dressée à se saisir réel
les frais matins d'été dans les mondes brumeux

Gaston Miron

lundi, 08 septembre 2008

Cela aurait pu être un simple fait-divers

à Frasby et à Naturella...

Cela aurait pu être un simple fait-divers mais il nous a donné un un des plus beaux poèmes de notre gloire nationale, Victor Hugo.

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DEMAIN DES L'AUBE

 

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

On dit souvent qu'il ne faut pas lire un texte, ni l'expliquer, en fonction de ce qu'on connaît de l'auteur. Difficile en ce qui concerne ce poème.

Ce week-end, j'ai préféré ce pèlerinage littéraire au festival du cinéma à Deauville.

Villequier, jolie bourgade, située à quelques kilomètres du Havre, garde le souvenir de la mort de Lépoldine, la fille aînée de Victor Hugo, décédée à 19 ans dans un tragique accident de bateau avec son mari, Charles Vacquerie. Ils étaient marié depuis six mois contre la volonté du poète. La ville conserve et entretient la mémoire  des deux familles, Vacquerie et Hugo. En fait le poète a très peu séjourné à Villequier. Il était en voyage en Espagne avec Juliette Drouet quand le drame s'est produit. Tragédie qu'il a découverte à son retour par un article dans le journal "Le Siècle".

Voilà en résumé ce qu'il a pu lire.

Le 4 septembre 1843, Charles Vacquerie, Léopoldine, un oncle de Charles et un neveu ont embarqué dans une barque de course, équipée d'une voile. Mal équilibrée, l'embarcation a chaviré à cause d'un coup de vent.

Charles était un excellent nageur, il a plongé plusieurs fois pour sauver Léopoldine dont les grandes robes s'étaient coincées sous le canot.

Ne parvenant pas à la dégager, il s'est laissé glisser avec elle.

Ni le poète ni Adèle Hugo n'assistèrent à sa sépulture. Léopoldine fut enterrée à Villequier, lieu de villégiature de la famille Vacquerie.

Victor Hugo écrivit ce poème le 3 eptembre 1847 et c'était la première fois qu'il se rendait sur la tombe de sa fille, d'où peut-être la tension et la détermination qu'on ressent à la lecture de ces vers. Adèle, très liée à la famille Vacquerie, se rendait fréquemment à Villequier pour se recueillir sur la tombe de sa fille.

La maison Vacquerie est dédiée  à Victor Hugo.
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On évoque particulièrement le père qu'il a été.

Un père très moderne, s'occupant de ses enfants, les suivant dans leur éducation d'une manière qui était très rare au XIXè siècle.

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Depuis le cimetière on a une très belle vue sur la Seine

même si ce ne sont plus des "voiles au loin descendant vers Harfleur" mais de gros bateaux chargés de containers.

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Pèlerinage très émouvant, même mon mari, pas du tout littéraire, a été touché et m'a demandé de lui dire le poème dans la voiture au retour...
Vers que nous avons commentés en fonction de ce que nous avions vu...

lundi, 11 août 2008

Un poète est mort...

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Mahmoud Darouich, grand poète palestinien, considéré comme le plus grand poète du monde arabe, est mort en exil...

L’ÉTERNITÉ DU FIGUIER DE BARBARIE

- Où me mènes-tu père ?
- En direction du vent, mon enfant

A la sortie de la plaine où les soldats de Bonaparte édifièrent une butte
Pour épier les ombres sur les vieux remparts de Saint-Jean-D’Acre
Un père dit à son fils : N’aie pas peur
N’aie pas peur du sifflement des balles
Adhère à la tourbe et tu seras sauf. Nous survivrons
Gravirons une montagne au nord, et rentrerons
Lorsque les soldats reviendront à leurs parents au lointain

- Qui habitera notre maison après nous, père ?
- Elle restera telle que nous l’avons laissée mon enfant

Il palpa sa clé comme s’il palpait ses membres et s’apaisa
Franchissant une barrière de ronces, il dit
Souviens-toi mon fils. Ici, les Anglais crucifièrent ton père deux nuits durant sur les épines d’un figuier de Barbarie
Mais jamais ton père n’avoua. Tu grandiras
Et raconteras à ceux qui hériteront des fusils
Le dit du sang versé sur le fer

- Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
- Que la maison reste animée, mon enfant. Car les maisons meurent quand partent leurs habitants

L’éternité ouvre ses portes de loin aux passants de la nuit
Les loups des landes aboient à une lune apeurée
Et un père dit à son fils
Sois fort comme ton grand-père
Grimpe à mes côtés la dernière colline des chênes
Et souviens-toi. Ici le janissaire est tombé de sa mule de guerre
Tiens bon avec moi et nous reviendrons chez nous

- Quand donc, mon père ?
- Dans un jour ou deux, mon fils

Derrière eux, un lendemain étourdi mâchait le vent dans les longues nuits hivernales
Et les hommes de Josué bin Noun édifiaient leur citadelle
Des pierres de leur maison
Haletants sur la route du Cana, il dit : Ici
Passa un jour Notre Seigneur. Ici
Il changea l’eau en vin puis parla longuement de l’amour
Souviens-toi des châteaux croisés
Anéantis par l’herbe d’avril, après le départ des soldats

 

vendredi, 18 avril 2008

D'une île à l'autre

Il avait écrit un livre sur Toussaint Louverture.

C'était un ami d'André Breton.

Aimé Césaire

 

 

 

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Extrait de "Cahier d'un retour au pays natal" (1937) 


ô lumière amicale
ô fraîche source de la lumière
ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole
ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité
ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel
mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre
gibbosité d'autant plus bienfaisante que la terre déserte
davantage la terre
silo où se préserve et mûrit ce que la terre a de plus terre
ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

elle plonge dans la chair rouge du sol

elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l'accablement opaque de sa droite patience.

Eia pour le Kaïlcédrat  royal !

Eia pour ceux qui n'ont jamais rien inventé
pour ceux qui n'ont jamais rien exploré
pour ceux qui n'ont jamais rien dompté

mais ils s'abandonnent, saisis, à l'essence de toute chose
ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose
insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde
véritablement les fils aînés du monde
poreux à tous les souffles du monde
aire fraternelle de tous les souffles du monde
lit sans drain de toutes les eaux du monde
étincelle du feu sacré du monde
chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde !
Tiède petit matin de vertus ancestrales

Sang ! Sang ! tout notre sang ému par le cœur mâle du soleil
ceux qui savent la féminité de la lune au corps d'huile
l'exaltation réconciliée de l'antilope et de l'étoile
ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe !
Eia parfait cercle du monde et close concordance !

Écoutez le monde blanc

horriblement las de son effort immense
ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures
ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique
écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites
écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement
Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs !

 

Un autre très beau texte chez Noelle.

Mais c'est surtout l'homme politique que j'admire : avec son départ une page se tourne, celle des vraies convictions et des vrais engagements.