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mercredi, 14 janvier 2009

Sa bohème

Rimbaud inspire Aliscan, Aliscan et Aliscan...

Ma bohème fut vide
Sans éclat ni Pont-Neuf
Mes poches étaient solides
Et mon pantalon neuf...

Mon ciel à la maison
Ne portait pas d'étoile
Mais la mouvante toile
Des ombres d'un plafond...

Et j'allais infidèle
J'allais sous la grande-ourse
Mais jamais sous le ciel
je n'ai suivi sa course.

Le capitaine de l'Utopie parle aux Olibrius

schooner01.jpg

Yves, capitaine virtuel d'un bateau virtuel engagé dans le Vendée-Gloge...virtuel, fait le point sur sa navigation que suivent un certain nombre d'entre vous.

"Depuis ma dernière vacation, Pap'Yves, rebaptisé Utopie par une bande de joyeux z'olibrius, a continué son petit bonhomme de chemin. Quelques journées d'euphorie grisantes succédées par des erreurs d'appréciation du Skipper trop gourmand en gain de place. Il s'en suit toujours un moment de profonde dépression et puis, le vent monte, sa direction change, je trouve un couloir favorable et c'est repartit mon Kiki.

 

Actuellement, je suis au 109W et 44 S, à 8 717 Milles des Sables d'Olonne. Je ne suis que 53 369 ème / 270 000, lorsque je me compare à des voisins d'avant erreurs, je pourrais être 5 000 ème et avoir passé le Cap Horn à 7 000 milles de l'arrivée mais bon c'est la vie et la prochaine fois je tacherai de partir le jour du départ et de rester avec les premiers. D'autant que les prochaines courses seront plus courtes, 3 mois d'addiction c'est long. Mais le petit phoque que j'ai rencontré hier après-midi m'a dit que c'était bien alors je suis content.

 

Pour revenir à la vraie course, Desjoyaux est toujours en tête mais les suivants sont décimés à tel point qu'il a décidé de lever le pied pour éviter l'avarie.

Une formidable histoire de Mer entre Le Cam et Riou, le deuxième ayant sauvé le premier mais en abiment son gréement puis en perdant son mat. Ils sont rentrés à Ushuaia. Devant l'acte de solidarité la direction de course a décidé de classer Riou troisième exaequo, classement qu'il avait lors de son sauvetage. Eh ! les Alsaciens vous avez déjà connu ça dans le Futbol ?

 

A propos d'Alsacien, figurez vous que dans quelques jours, je vais vous laisser à vos frimas pour aller passer un mois sur un petit archipel de Guadeloupe, j'ai nommé Les Saintes.

 

Bien sur, il y a, peut-être car aux Antilles c'est toujours peut-être, internet sur l'Île. Mais j'ai pensé qu'Alsa pourrait prendre la barre de l'Utopie, s'il arrive à nous trouver ! Qu'en pense-t-il ? Nous devrions être arrivés fin Février. Comme je n'ai pas trouvé de contact sur son site, il peut me répondre chez Rosa ou par le mail de Rosa.

 

Il parait que je dois entrer dans la blogosphère à mon retour, bien sur je vous raconterai les Saintes.

 

Bon en attendant, ça hume bon dans la cambuse, Nono a encore fait des siennes !!!"

Yves, le Capitaine

 

Et plus particulièrement pour Noelle

http://www.youtube.com/watch?v=2IGEYWIQPu0

mardi, 13 janvier 2009

Quand les objets du passé tendent la main au présent

à Michel Jeannès

IMGP0876.JPG Coincée dans un embouteillage du vendredi soir, j'ai entendu à la radio des préconisations pour éviter les deux épidémies du moment, la grippe et la gastro-entérite dispensées par l'hygiéniste de service sur France-Info.

Les hygiénistes ont  remplacé les religieux d'antan : comme avec les bonnes soeurs de ma jeunesse, il faut toujours suivre la pente qui monte pour assurer son Salut, ne pas boire, se fatiguer à courir, se priver de tout ce qu'on aime et j'en passe.

Pour éviter les contagions, il faut donc, et c'est entré dans nos moeurs, utiliser un mouchoir à "usage unique." Je ne sais pas pourquoi, ont défilé dans ma tête, les images des paysans de mon enfance. Je les revois, avant de se moucher, en un geste lent et solennel, ils dépliaient leur grand mouchoir à carreaux copieusement maculé, et cherchaient un coin un peu moins sale pour soulager leurs narines en soufflant bruyamment. Avec le même calme, ils le repliaient et le fourraient dans leur poche. L'opération durait un certain temps même si je l'allonge un peu par le souvenir. Avaient-ils plus la grippe qu'aujourd'hui ?

Récemment, je me suis trouvée dans ma chambre avec ma petite-fille qui a éprouvé une envie urgente de se moucher.

J'ai pris un mouchoir sur une pile que je conserve dans un placard. Pile de mouchoirs récupérés, ceux de mon enfance, ceux de mon père qui n'a jamais pu s'habituer au mouchoir en papier-c'était un cadeau traditionnel le mouchoir brodé à nos initiales et on ne peut dire qu'il nous ravissait. Celui-ci, en photo, est d'une arrière grand-tante. Elle l'a brodé elle-même et il a plus de cent ans. L'ourlet, un très fin roulotté dont on ne voit pas les points, est une merveille.

Je tends donc un mouchoir à ma petite-fille, un joli avec une dentelle au bord, et voilà qu'elle m'interroge :

- Qu'est-ce que c'est ça mamie ?

Moi interloquée.

- C'est un mouchoir ma chérie, tu peux te moucher dedans.

Elle s'exécute puis, l'ayant replié, se dirige vers la poubelle de la salle de bains avec l'intention de l'y jeter. Je rectifie le geste à temps pour l'orienter vers la corbeille à linge sale.

Ouf ! "l'usage unique" a été respecté et ma petite-fille a découvert un objet de patrimoine.

dimanche, 11 janvier 2009

Je ne suis pas un héros

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Bizarre !

On apprend au lycée à parler des écrivains, à les analyser, on tartine pour le bac, à la fac

mais quand l'un d'eux pousse la porte des Xanthines

et s'assied tranquillement avec son épouse (mon mari dit toujours "mon épouse" alors il me semble que ça fait mieux)

à une des fameuses tables style école-maternelle (si, si on nous l'a dit) du bistrot

boit une bière

vous vous retrouvez toute intimidée et incapable d'écrire deux lignes sur ce monsieur dont le livre vous a pourtant régalée

et vous vous vous dites : quelles quantités de conneries j'ai dû écrire par le passé sur ces auteurs qui dans leurs tombes ne pouvaient pas protester.

Bon PAG  Pierre Autin-Grenier, ton indulgence s'il te plaît, je ne suis pas critique professionnel !

Pourtant lire "Je ne suis pas un héros" est la lecture adéquate pendant la période sirupeuse des vacances de Noël où les bons sentiments peuvent finir par vous écoeurer. D'ailleurs il y a des anges dans le livre de PAG même s'il les fait croquer par son chien où les écrase sous les roues de sa voiture. Mais PAG réhabilite les anges même si ne sont pas ceux de la crèche, "Les Anges dans nos campagnes" ce n'est pas tout à fait son genre...

Difficile de définir les petites histoires de PAG. Une image me vient à l'esprit. Ces textes sont comme des passes de rock'n roll. Vous démarrez une petite nouvelle, tranquille, bien rythmée dans un contexte charmant, rassurant même et hop ! vous ne vous y attendez pas,  vous vous retrouvez en un coup de reins et quelques mots balancé dans la poésie surréaliste, le fantastique le plus insolite ou la transgression la plus osée.

Que ce soit les monstres des cauchemars, la mort qui vous regarde dans les yeux, ou le bras qu'on perd en secouant la salade, le burlesque et l'insolite vous surprennent et vous saisissent sans que vous ayez pu réagir. Si vous lisez dans le bus méfiance ! Un simple coup d'oeil pour vérifier votre arrêt et, reprenant votre lecture, vous avez changé d'univers.

Ceci dit PAG nous délivre  de merveilleuses leçons de vie. Pour apprendre à apprivoiser le temps, tout un art. pour ne pas vous ennuyer avec les fâcheux : il suffit de se promener dans le désert du Kalahari (J'ai retenu la leçon mais moi je partirai pour le Taklamakan qui m'est plus familier).

Mieux, il n'hésite pas à liquider un complexe d'oedipe sans doute impossible en balançant sa mère par la fenêtre : là aussi j'ai retenu  la leçon.

Leçon ultime : plutôt que de vouloir refaire le monde, mieux vaut chasser les gastéropodes de ses bégonias ou déguster une bonne andouillette.

"Jadis j'étais comme un garçon de café égaré dans la philosophie. je courais d'une idée à l'autre, un plateau chargé de boissons de couleurs à bout de bras. J'aurais voulu trouver une clef à l'absurde et au dérisoire de tout l'univers. (...) Je n'éprouve plus le lancinant besoin d'élucider à moi seul toutes les énigmes du cosmos, ni de farfouiller dans la lingerie de l'enfance pour y dénicher les lambeaux de réponse à mon insouciance actuelle. Non, je mets simplement quelque maniaquerie à réaliser de mon mieux les deux ou trois choses inutiles inscrites à mon programme ; et pour le reste : que le Dieu des chrétiens s'en charge !"

"Je ne suis pas un héros" Pierre Autin-Grenier chez Folio

samedi, 10 janvier 2009

Aux Olibrius

à Noelle, Louis-Paul, Alsacop qui ont embarqué sur le bateau de Yves et naviguent entre Vendée-Globe, Histoire cubaine et Utopie.

Bon voyage...il y a encore des places...

 

Le Bateau Ivre


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Arthur Rimbaud

 


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vendredi, 09 janvier 2009

Che, l'argentin

18939659_w434_h_q80.jpg J'ai vu hier "Che, l'Argentin" de Steven Sodergergh et j'en ai été enchantée. Même si c'est dur,

vraiment très dur d'être guerillero dans le jungle cubaine en 1959, cela m'a fait du bien de quitter le froid et la grisaille lyonnaise,  pour marcher pendant plus de deux heures derrière le commandant Ernesto.

Bien sûr, on trouvera un cinéphile grincheux comme Murat dans Télérama pour critiquer cette réalisation qui aurait fait trop de consessions à l'industrie du cinéma mais quand on sait que Murat n'aime que les films "caméra à l'épaule" on ne s'étonne pas et on passe sa critique.

C'est en effet un film classique, chronologique et sans effets spéciaux.

Il nous donne l' occasion de découvrir cette révolution cubaine dont, pour ma part, j'ignorais tout.

80 rebelles seulement débarquent à Cuba en 1956, à la suite de Fidel Castro, pour renverser Battista. C'est donc toute la guerilla, appelée  Mouvement du 26 juillet, jusqu'à la prise de Santa Clara ouvrant  les portes de La Havane, qui est racontée dans ce film.

On y découvre en particulier que, si on classe le Castrisme dans le communisme, celui-ci n'est pas de nature marxiste. Fidel comme le Che affirment leur distance par rapport à l'URSS. Contrairement aux Soviets, ils ne sont pas anti-religieux et respectent la ferveur catholique  du peuple d'Amérique Latine, Fidel ayant d'ailleurs été formé par les Jésuites.

Le véritable enjeu de la guerilla était l'indépendance nationale par rapport aux Etats-Unis, Battista étant leur valet, et la récupération des terres pour ceux qui les travaillaient, les paysans misérables et illétrés. La révolution cubaine s'inscrit donc en droite ligne dans la tradition et l'esprit de Bolivar, le grand libérateur de l'Amérique latine. D'ailleurs j'en suis sortie en me disant que le blocus opéré par les USA sur Cuba est vraiment une vraie saloperie. Peut-être qu'Obama...

Et le Che.

Certes il mérite son image d'icône.

Mais sans encensement superfétatoire. C'est un meneur d'hommes du genre dur, qui ne fait pas de sentiment, mais juste. Il exécute ceux qui commettent des exactions. La discipline en somme. Il avance comme un vieillard dans la jungle, à trente ans, asphixié par son asthme. Il trouve le temps de soigner les populations qu'il rencontre, et d'alphabétiser les paysans qui le rejoignent.

Quand une journaliste l'interroge :

-quelle est pour vous la plus grande qualité d'un révolutionnaire ?

Il répond : "l'amour".

Une épopée digne des grands mouvements révolutionnaires qui traînent un romantisme dont nous avons tous plus ou moins la nostalgie.

 

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mercredi, 07 janvier 2009

Apprenez-leur la lenteur

calligraphie-chinoise-3-thumb.jpg Le billet de Solko en date de ce jour m'inspire une réflexion trop longue pour un simple commentaire.

Le père d'un de ses élèves s'est étonné, en réunion de parents, qu'il exige encore

vous vous rendez compte, à notre époque,

des copies manuscrites, obligeant son malheureux fils à recopier avec un stylo, outil d'un autre siècle, la prose (forcément géniale) que l'ado avait confiée à son ordinateur.

Je vois venir le temps où ce genre d'exigence sera perçue comme de la maltraitance, mon cher Solko, j'espère que tu auras quitté auparavant notre bonne mère commune, l'Éducation Nationale.

 

J'ai replongé dans mes souvenirs  pour retrouver mes élèves, le stylo sagement posé à côté du classeur. Aucun n'ayant l'idée de le garder à la main pendant toute la durée du cours. L'écriture ne venait que sur injonction !

Guider un instrument d'écriture sur une feuille de papier était pour eux aussi éprouvant que de pousser un wagonnet au fond d'une mine, malheur des adolescents d'une autre époque, que j'avais l'outrecuidance de leur rappeler. Les adolescents d'aujourd'hui, comme les adultes d'ailleurs, n'aiment pas la lenteur et la calligraphie, c'est lent.

Pourtant quel apprentissage.

Mes chers Chinois la considèrent toujours comme le premier des Arts. En témoigne cette copie qui est celle d'un concours. C'est l'art de la lenteur et de la patience. Pas étonnant que les Occidentaux aient quelques difficultés à conclure avec eux des marchés. Le vite emballé, vite ficelé n'est pas dans la mentalité chinoise. Et pour leur résister il faudra certainement apprendre la lenteur.

J'ai terminé ma carrière dans un lycée technique privé, assez réputé à Lyon, où on avait gardé le culte de l'apprentissage manuel. Les élèves de la section mécanique, y apprenaient toujours à travailler à la lime, pendant des heures, même si l'examen n'exigeait que des connaissances sur machines. Ils n'avaient droit à la commande numérique que très tardivement. Il fallait d'abord avoir fait ses gammes. Apprentissage de la patience.