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samedi, 07 avril 2012

Éloge de la haine

51oZ9jzwyTL._SL500_AA300_.jpgNé près d’Alep en 1964 Khaled Khalifa était un jeune homme dans les années 80 quand la Syrie connut déjà révoltes et répression. En nous donnant les clés, dans son roman « Éloge de la haine », de cette période sanglante, il nous aide à comprendre la violence qui bouleverse ce pays aujourd'hui. À lire absolument ! 

On peut saluer la performance de cet écrivain, un homme qui  raconte à travers une narratrice utilisant  la première personne. Nous suivons cette adolescente qui devient une jeune femme durant les années 80 au cours desquelles se déroulent des massacres abominables sur fond de guerre en Afghanistan. Les deux guerres s’imbriquent d'ailleurs fortement à travers les personnages.

Placée chez des tantes célibataires, dans la maison familiale  d’Alep, la narratrice nous livre à travers une mosaïque de récits, l’histoire de cette grande famille bourgeoise sur le déclin. L’amertume et la bigoterie des femmes qui l’entourent la conduisent à la haine. Haine du corps mais surtout haine des autres communautés. Ainsi deux blocs s’affrontent : celui des musulmans radicaux, auquel  la narratrice  appartient, c’est "notre Organisation", et celui du  pouvoir en place, qu’elle appelle le Parti, lequel conduit la répression à travers les brigades de la mort.

« A la fin de l’été j’étais déjà habitée, enivrée par la haine. J’avais la sensation qu’elle me sauvait, en m’offrant le sentiment de supériorité dont j’avais besoin. Je lisais les papiers qu’on nous distribuait à chaque réunion, j’en apprenais des passages par cœur, surtout les fatwas qui dénonçaient l’hérésie des autres communautés. »

En prison que l’héroïne abandonnera la haine  en même temps que son lourd vêtement noir et son voile intégral. Dévêtue de force, après des séances de torture,  elle rencontre des femmes, celles des autres communautés détestées et pourtant si semblables à elle. Elle connaît enfin l’amitié dont le manque la faisait souffrir, terriblement.

 Khaled Khalifa est d’abord  écrivain : il ne se limite pas au récit des  événements, il nous emmène dans cette grande maison alepine  fascinante par ses odeurs, ses recoins, ses chambres au décor suranné,son  atmosphère de confinement mais aussi de repos des guerriers. Les femmes de la maison attendent, s’engagent, soignent, se marient, partent, reviennent… Les hommes eux, commerçants ou guerriers, ne font que passer, le temps d’un repas, d’une nuit.

Et au coeur de la maison il y a le vieil aveugle, l'unique homme à vivre avec les femmes,  serviteur et confident qui  compose avec  passion des parfums et des poèmes. Rejeté dans son enfance à cause de son infirmité, le vieil aveugle  voit la vérité au-delà de la réalité : le seul à échapper à la destruction par la haine.

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vendredi, 06 avril 2012

Vendredi saint

A jamais différent de ceux pourvus de tout.

Croyant pourtant à semblables chimères en d'
identiques rêveries conservées de l'enfance.

Il fredonne et cela donne ce léger clapotis
dans sa pensée, bleuté toutefois, pareil à cet
alcool trop amer que, frissonnant, l'on boit.

Tout juste un homme fait de sa propre mort
qui apprivoise les moineaux ceux-là gris de
douleur compagnons modestes de chambrée.

L'égal des grands soleils, du midi formida-
ble, de cette lame à vif qui perce le couchant.

Face tragique, corps menacé, rebelle à jamais.

Franck Venaille

Lire également, à propos de Franck Venaille  le billet de mon amie Geneviève Vidal, elle-même poète. 

mercredi, 04 avril 2012

Arcabas

"De toutes les vertus passées en revue,

il n'y en a qu'une seule que je pourrais revendiquer,

c'est la fidélité, cette espèce d'obstination et d'endurance

inexplicable à poursuivre la beauté inatteignable.

ARCABAS

 

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Arcabas est exposé au musée de Fourvière

à Lyon

du 14 mars au 1er juillet 2012.

Et je n'oublie pas : bon anniversaire PAG !



samedi, 24 mars 2012

Fragiles adolescences...

Les spécialistes de l'adolescence s'accordent pour reconnaître qu'aujourd'hui celle-ci va jusqu'à trente ans. Le tueur de Toulouse était dans la troisième étape dite "post-adolescence".

J'en profite pour rééditer une note ancienne sur un sujet qui me tient à coeur : la fragilité des adolescents.

Adolescence, espace de vie presque magique... L'adolescent sait et peut raisonner comme un adulte mais il a encore cette fragilité des bourgeons d'avril qu'un coup de gelée peut détruire. L'adolescent marche incertain sur la crête de l'avenir d'où il peut basculer, sur un versant comme sur l' autre.

Il est dans un monde où tout est possible.
C'est pourquoi j'ai tellement aimé les adolescents. Il m'est arrivé de retrouver, adultes, d'anciens élèves. Ils étaient (légitimement) fiers de me montrer ce qu'ils étaient devenus mais en les félicitant je ne pouvais m'empêcher de regretter les adolescents qu'ils avaient été. Là se trouve la différence entre les parents et le professeur.
Les parents sont heureux -à juste titre- de voir leurs enfants installés dans l'existence, établis, le professeur le plus souvent porte le deuil de l'adolescent qu'il a connu.

J'ajoute la citation d'une visiteuse de l'époque, Marie-Thérèse.
 
" "Dans cette zone bien connue de "turbulences" liée à l'explosion pubertaire, c'est le champ des possibles qui s'ouvre et une certaine trajectoire de flèche qui prend une allure imprévisible. On ne chevauche pas une flèche, on la suit des yeux et on s'efforce d'être bienveillants à tous les moments de son "périple". C'est sans doute pour cela que les professeurs et les parents en arrière-fond sécurisants sont si importants dans la vie des jeunes qui guettent à chaque angle de leurs vies les modèles d'identification qui leur permettent de trouver un sens à leurs efforts et à leur désir. Le tâtonnement et la volte-face font partie des mouvements naturels de cette période et il faut comme eux tenir la distance, autant dire le défi. L'intelligence et l'intransigeance adolescentes nous fascinent car elles sont enviables, les voir apaisées avec le temps et ayant construit quelque chose d'habitable et de confortable d'un point de vue personnel et social est à la fois un soulagement et un regret. Tant de possibles ont été refoulés dans les limbes du passé. Charles Juliet disait récemment qu'il se sentait parfois dans la peau d'un adolescent, ce n'est pas une question d'âge mais de mouvement intérieur, de contact intime et lucide avec celui-ci. Bien sûr il a conscience de ce qu'il y a d'incongru et de surprenant à montrer cela. C'est pourquoi il préconise que le feu intérieur soit sans cesse affiné et entretenu dans des limites qui l'exaltent, comme cette petite souffleuse de braises dont le souvenir me revient dans l'oeuvre du peintre Georges de la Tour.

vendredi, 23 mars 2012

Les hérissons sont revenus...

Note plus légère aujourd'hui ! 

Les hérissons sont revenus : un "vieux" et un plus jeune...

La question que nous nous posons avec Nathalie, la nounou des hérissons c'est de savoir si c'est un couple... Sinon, pas de bébés cette année... Réponse fin mai car il faut compter deux mois de gestation.

En tout cas, ils adorent le fromage, en particulier le Comté.

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jeudi, 22 mars 2012

Ils étaient deux frères...

Aujourd'hui on a enterré à Meyzieu, près de Lyon, le caporal Mohamed Legouad assassiné par Mohamed Merah, quelques heures après que son meurtrier a lui-même trouvé la mort.

Ils portaient le même prénom

ils avaient exactement le même âge, 23 ans.

Tous deux avaient grandi dans une cité,

issus tous deux de familles d'émigrés,

ils pratiquaient la même religion

ils étaient frères. 

À nouveau Caïn a tué Abel,

à nouveau deux frères s'entretuent

comme Étéocle et Polynice pour la conquête de Thèbes.

Mais aujourd'hui nous n'avons pas Eschyle pour nous aider à prendre de la hauteur et à comprendre ce qui se joue dans la tragédie de deux frères qui s'entretuent. Deux destins qui ont bifurqué différemment. Sans doute à l'adolescence. Pour avoir enseigné à des garçons adolescents pendant quinze ans, je sais combien, plus que les filles, ils sont fragiles et influençables, pour le meilleur comme pour le pire. Celui de Meyzieu a rencontré le meilleur. La presse locale dit de lui qu'il avait été très impliqué dans son club de foot. L'autre n'a peut-être pas eu cette chance. 

Aujourd'hui, face à la tragédie et aux règles cruelles du Destin, nous n'avons que polémiques, ragots et récupération politique.

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Quelques secondes peut-être pour se recueillir loin du brouhaha médiatique avec ce très beau Psaume.

 Psaume 40,7-11.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime,

alors j'ai dit : « Voici, je viens. « Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j'aime : ta loi me tient aux entrailles. »

J'annonce la justice dans la grande assemblée ; vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais.

Je n'ai pas enfoui ta justice au fond de mon coeur, je n'ai pas caché ta fidélité, ton salut ; j'ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée.

 

lundi, 19 mars 2012

Printemps du cinéma avec Elena.

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La pluie et le tarif réduit du Printemps du cinéma m'ont empêchée d'assister à la séance que j'avais programmée pour voir Elena ce dimanche après-midi : la salle du Comoedia était déjà comble et il m'a fallu revenir à la séance suivante. Beau succès pour ce cinéma indépendant que les grands groupes avaient essayé de faire chuter en 2007. J'ai relu d'ailleurs avec plaisir les commentaires sur ma note de cette époque... 

Bien que l'auteur Andrey Zvyagintsev, soit russe, l'histoire pourrait être universelle même si sa résonance est peut-être différente dans le contexte russe. 

Une femme d'un certain âge vit avec un homme très riche alors qu'elle est issue d'un milieu très modeste auquel appartient la famille de son fils confrontée aux difficultés financières. L'homme riche a lui-même une fille, entretenue par papa, qui sait juste jouer auprès de l'auteur de ses jours -car il n'est rien d'autre pour elle- qu'une comédie suffisante pour obtenir son argent... et cela réussit puisque le riche vieux mari projette de déshériter sa femme au profit de sa fille.

D'habitude je n'aime pas trop faire de différence entre "le fond et la forme" mais je dois dire à propos de ce film que j'ai été émerveillée par la façon de filmer de  Andrey Zvyagintsev. Un cinéma comme on n'en voit plus assez souvent. Des images à la fois sublimes, dépouillées, sobres mais aussi très réalistes. Des clairs-obscurs, des portraits splendides : tout est mis en oeuvre pour sublimer une héroïne, magnifique d'humanité même si elle commet l'irréparable...

De même une organisation narrative très efficace. Le schéma narratif est réduit à l'essentiel de l'action, les dialogues minimalistes. Le film en est donc d'autant plus percutant.

Mais il faut saluer surtout l'interprétation absolument exceptionnelle de l'actrice Nadejda Markina qui crée un personnage superbe et très émouvant. On peut l'analyser d'un point de vue sociologique, celui d'une femme dépassée qui perd ses valeurs morales dans une Russie où règne le cynisme...

Impossible pour moi de la réduire ainsi car le réalisateur et surtout l'actrice, donnent au personnage une impressionnante   intériorité  : c'est une femme muette, au service de son mari et de sa famille, qui se trouve tellement écartelée qu'elle en arrive au crime. Dans l'adversité, elle fait preuve d'une détermination qui prend le spectateur par surprise.

Elena, c'est une  mère emblématique prête à tout pour défendre sa famille. Un personnage éternel autant qu'universel. 

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