lundi, 14 mars 2011
Le printemps des poètes
Mars et son printemps des poètes... J'ai une pensée pour un vieil ami, Bernard-Dominique Lacroix que j'ai plusieurs fois cité sur ce blogue.
Je suis revenue de Haute-Savoie avec des nouvelles peu réjouissantes le concernant : victime il y a quelques mois d'un AVC, il est aujourd'hui dans un fauteuil roulant, avec le côté gauche paralysé. Ses facultés intellectuelles sont intactes. Bernard, également peintre et sculpteur, avait délaissé la poésie. Peut-être y reviendra-t-il...
En tout cas j'aime bien sa définition du poète :
"Le poète
C'est celui qui rit pour ceux qui ne rient pas,
Qui pleure pour ceux qui ne pleurent pas.
Le poète
C'est celui qui porte la joie
Et la croix des autres..."
23:08 Publié dans Au jour le jour, Coups de coeur, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | Imprimer
dimanche, 27 février 2011
Mais y va où le monde...
Pour une fois je vais parler d'un petit film dénigré par la critique parisienne et son magazine de référence que je ne nomme pas mais que tout le monde reconnaîtra. Financée par la région Rhône-Alpes, cette réalisation de Serge Papagalli m'a réjouie et j'ai ri de bon coeur. Certes, ce n'est pas une comédie lèchée mettant en scène des bobos.
C'est une farce populaire et nos critiques parisiens semblent ignorer que ce genre a toutes ses lettres de noblesse. Dans la farce, les traits sont exagérés, les personnages simplifiés et caricaturaux : cela relève du genre.
De même l'accent, les jurons et notre "y" local qui semble déranger les journaux parisiens.
Ce n'est pas la vision sociologique de Depardon qui pour certains médias serait le seul légitime pour évoquer le malaise paysan, sujet du film. Papagalli le fait à la manière de Desproges avec lequel il a travaillé. Des personnages comme ceux du film j'en ai rencontrés. Le dénouement est heureux même si on peut regretter que la seule façon de survie pour le monde rural soit l'installation de gites pour bobos.
En tout cas le paysan dauphinois n'a pas besoin de café philo pour se poser cette question fondamentale : mais y va où le monde ?
Je me la pose régulièrement, non pas en me rasant-je n'en suis pas encore là- mais en touillant mes sauces...
Et vous ?
18:56 Publié dans Ciné-club, Coups de coeur, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | Imprimer
lundi, 14 février 2011
La mort c'est jamais la fin d'une histoire
"La mort c'est jamais la fin d'un histoire" : réplique d'un très beau film et très bouleversant que j'ai vu hier. Incendies, est un film à tiroirs qui nous fait voyager dans le temps : les noms de lieux sont imaginaires mais de toute évidence il s'agit du Liban.
Son auteur, Denis Villeneuve est québécois. Il a adapté la pièce de théâtre de Wadji Mouawad.
L'histoire commence au Québec, avec l'ouverture du testament d'une femme décédée brutalement et encore jeune, en présence de ses enfants, des jumeaux, un garçon et une fille. Dans le testament la défunte précise qu'elle ne veut pas de tombe portant son nom tant que ses enfants n'ont pas retrouvé et leur père (passé pour mort) et un frère (dont ils ignoraient l'existence).
Le fils se révolte contre cette exigence posthume : on comprend qu'il a eu des difficultés à supporter la personnalité extravagante de sa mère. Mais la jeune femme part tout de suite. Son frère finira par la rejoindre. C'est le début d'une longue quête qui nous plonge dans la guerre du Liban des années 70 et débouche sur un abominable secret de famille...Secret qui a grignoté la vie de cette mère libanaise réfugiée au Québec, malgré l'apparente normalité de son existence. Secret dont on peut se demander comment les enfants vont pouvoir continuer de vivre avec sa connaissance et s'il devait être révélé. Mais la vérité est dite et la stèle de Nawal Marwan pourra être gravée...
Film passionnant, construit sur de continuels retours en arrière, présent et passé s'imbriquent jusqu'à se confondre. Le scénario, malgré les scènes d'action, comporte beaucoup d'intériorité. Les acteurs sont forts et émouvants.
Ce film, déjà beaucoup primé, serait d'ailleurs bien placé pour un Oscar du meilleur film étranger. Allez le voir s'il passe encore dans votre ville... Et pour une fois la bande-annonce reflète bien l'ensemble de l'oeuvre.
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mercredi, 26 janvier 2011
Kim En Joong, couleurs chaudes
"Comment fait-il pour marier aussi harmonieusement les couleurs foides et
les couleurs chaudes?"
Rony
"C'est dans la vibration de la couleur que doit apparaître ce qui ne peut jamais être représenté."
Kim En Joong
La réponse à la question de Rony se trouve dans le très beau livre que Christiane Keller a consacré à la basilique de Brioude, dont les vitraux sont l'oeuvre de Kim En Joong.
"Nous voici dans le vif du sujet : il n'y a pas de vérité transculturelle de la couleur (...) L'historien nous apprend que "l'opposition entre couleurs chaudes et couleurs froides est purement conventionnelle et fonctionne différemment selon les époques et les sociétés." Au Moyen-Âge, le bleu est une couleur chaude".
Puis Christiane Keller nous donne ses interprétations des couleurs de Kim En Joong.
"Le rouge
Voici une couleur dont la suprématie s'est imposée à l'Occident sans doute parce qu'elle est la couleur universelle du feu et du sang. (...) Du couchant rouge cuivré de sa nature natale au rouge argile de sa culture biblique, Kim En Joong n'esquive pas le sens qu'offre la racine hébraïque du rouge : rouge naissance relié à l'universel principe de vie. Ce rouge déjà présent dans les grottes paléolithiques et néolithiques. Il est encore celui de la mer Rouge, féminin symbolique du ventre maternel où passer de la mort à la vie, de la servitude à la liberté."
Le bleu. "Le bleu était absent de l'Antiquité et de la Bible, il fut longtemps une couleur de second plan en Occident. Couleur céleste la plus immatérielle et la plus profonde, la plus froide et la plus pure des couleurs, hors le blanc neutre, il attire vers l'infini. Très discret jusqu'à l'époque carolingienne, il va triompher à partir du XIIème siècle où la quête de la couleur et celle de la lumière vont devenir indissociables. Le bleu de Chartres où Kim En joong perçoit aujourd'hui encore comme un avant-goût du ciel".
Le jaune
"Le jaune en revanche ne disputera jamais au bleu ses profondeurs. Pourquoi le jaune, valorisé dans les cultures non européennes, est-il la couleur la moins aimée en Occident ? Le XIIème siècle l'abandonnera, concurrencée par l'or."
Le vert
"Si Kim En Joong le lie directement à la nature... il remonte là à quelques références universelles. Comme le rouge l'est pour le feu et le sang, la lumière pour le blanc, et le noir pour la nuit, la couleur verte est celle de la végétation. (...) Couleur médiane, non violente, paisible dans les traditions romaines, médiévales et pour Goethe tout comme pour les théologiens qui ont codifié les couleurs liturgiques."
Je ne sais Rony si cela répond à ta question
mais c'est ainsi que Chritiane Keller analyse les couleurs
des vitraux
de la basilique Saint-Julien
à Brioude.
Et comme je sais qu'elle connaît bien l'artiste...
Pour ma part je n'ai pas de compétences ni en peinture ni en Histoire de l'art mais il me semble que ces vitraux non figuratifs sont un lien avec l'invisible, l'indicible, le mystère...
19:09 Publié dans Âme chinoise, Coups de coeur, Passages vers... | Lien permanent | Commentaires (12) | Facebook | Imprimer
dimanche, 07 novembre 2010
J'ai rencontré la grenouille bleue...
J'ai oublié qui me l'avait offerte mais cette anthologie de poésies que j'ai reçue au début de l'adolescence m'a accompagnée jusqu'à ce jour...
Bien sûr je ne m'y plonge plus qu'occasionnellement, comme aujourd'hui, quand je range des livres... Mais je retrouve intacte la même émotion à parcourir ses pages.
Il s'agit des "Fleurs de la verte Espérance", 250 poèmes de Villon à nos jours. Son auteur, René Poirier, dit l'avoir conçue pour les jeunes, donc en dehors des sentiers battus, ceux des "poèmes qui fleurissent un peu partout".
J'ai consulté, parcouru d'autres anthologies depuis mais aucune ne m'a donné le même plaisir de flâner en poésie.
Ainsi ce poème de Paul Fort, moins connu que
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.
ou que
"le petit cheval blanc" immortalisé par Brassens.
Texte dédié à Pierre Autin-Grenier
La Grenouille bleue
Prière au bon forestier
Nous vous prions à genoux, bon forestier, dites-nous le ! à quoi reconnaît-on chez vous la fameuse grenouille bleue ?
à ce que les autres sont vertes ? à ce qu'elle est pesante ? alerte ? à ce qu'elle fuit les canards ? ou se balance aux nénuphards ?
à ce que sa voix est perlée ? à ce qu'elle porte une houppe ? à ce qu'elle rêve par troupe ? en ménage ? ou bien isolée ?
Ayant réféchi très longtemps et reluquant un vague étang, le bonhomme nous dit : eh mais, à ce qu'on ne la voit jamais.
Tu mentais, forestier. Aussi ma joie éclate ! Ce matin je l'ai vue : un vrai saphir à pattes ! Complice du beau temps, amante du ciel pur, elle était verte mais réfléchissait l'azur.
Paul Fort
Ballades françaises
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jeudi, 28 octobre 2010
RAMON
Voilà un livre qui m'a tenu compagnie pendant au moins deux mois.
"Ramon", de Dominique Fernandez... C'est un gros livre pour lequel il faut prendre son temps mais qui m'a passionnée.
Dominique Fernandez part à "la recherche" de son père, Ramon Fernandez, grand écrivain "oublié" pour avoir été collaborationniste.
Pour son fils, Ramon est d'abord une énigme : comment peut-on avoir été communiste en 1930 et collaborationniste en 1940 ?
C'est ensuite un inconnu. Bien que Dominique Fernandez, âgé de quinze ans au moment de la mort de son père en 1944, en ait conduit le deuil, il n'avait pu le connaître vraiment en raison de l'interdit que faisait peser sur lui sa mère qui avait divorcé. Car la mère de l'auteur était Résistante.
C'est enfin l'objet d'un amour interdit. "J'aimais mon père, j'en étais amoureux, mais c'était un amour interdit, qu'il me fallait refouler, nier, piétiner dans mon coeur..."
C'est donc une quête dans laquelle s'engage l'écrivain, aiguillonné par la question du "pourquoi ". Mais il ne percera pas complètement le mystère de l' homme, son père. Même si, pandant 800 pages, il analyse minutieusement tous les écrits de Ramon, ainsi que tout ce qui a été écrit sur lui, son père garde son secret.
Ce ne sont pourtant pas les pistes qui manquent !
Ramon Fernandez avait une personnalité flamboyante mais instable et fragile. D'origine mexicaine, orphelin très jeune, affligé d'une mère castratrice, d'une sensibilité extrême, il semble avoir été en recherche continuelle d'un impossible équilibre... Stabilité qu'il aurait pu trouver avec Liliane Chomette, normalienne mais trop différente de lui. "Elle se dévouait, en quelque sorte, en épousant, à contrecoeur et sans nourrir la moindre illusion, quelqu'un qui n'était pas fait pour elle, elle le savait, et pour qui elle n'était pas faite, elle le savait aussi."
Grand désarroi de l'écrivain dans cette débâcle sentimentale dont Dominique Fernandez pense que c'est une des clés pour comprendre son père...
Et les idées ?
C'est là qu'on découvre (si ce n'est déjà fait !) que nos idées, convictions, prises de position sont en fait bien davantage d'origine affective que rationnelle même si nous utilisons la raison pour les justifier. Notre histoire, nos joies où notre pathos décident pour nous ce que nous devons penser.
Voilà un brillant écrivain, extrêmement cultivé, de gauche qui se retrouve à écrire dans des journaux collaborationnistes et des torchons intellectuels. À la décharge de Ramon Fernandez, il faut savoir qu'il n'a jamais collaboré sous une forme politique active, ni été antisémite. Mais il a adhéré au PPF, le parti de Doriot, lui-même passé du communisme à la collaboration active...
Du point de vue politique, l'entre-deux guerres a été une période compliquée : extrême-gauche comme extrême-droite se rejoignaient pour condamner une démocratie corrompue et décadente. Les deux camps se retrouvaient dans l'anti-parlementarisme. Par ailleurs, nombreux à gauche commençaient déjà à douter du paradis soviétique décrit par les communistes. Gide a été l'un des premiers (et longtemps le seul !) à dénoncer la dictature soviétique au retour d'un voyage en Russie.
Dominique Fernandez ne comprend pas pour autant la dérive de ce père dans lequel il admire un grand écrivain qui s'est laissé abuser par une idéologie populiste et grossière.
Sa recherche est profondément touchante car l'émotion affleure quand il évoque la très grande souffrance de celui qui s'est perdu, égaré dans une vie qu'il ne supportait plus.
Indépendamment de l' histoire familiale exceptionnelle, cette biographie est intéressante par la page d'Histoire littéraire et d'Histoire des idées qu'elle nous offre. Ramon Fernandez a connu tous les grands écrivains, critiques littéraires, philosophes de cette première moitié de XXème siècle. Critique litéraire lui-même dans plusieurs revues, il a toujours su faire abstraction de ses idées pour saluer le talent d'adversaires politiques tant primait pour lui la Littérature.
Il a fait connaître Proust, écrit des essais reconnus aujourd'hui encore sur Gide, Molière Balzac.
Lucide et désespéré il aura une mort aux allures de suicide : devenu gravement alcoolique, la boisson fut l' arme avec laquelle il mit fin à ses jours, quelques mois avant la Libération.
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vendredi, 22 octobre 2010
Les jeunes, les flics et les taupes.
C'était comme prévu la soirée des taupes.
Un peu avant 17 heures je me mets en route pour les Xanthines : les Bus ne vont toujours pas à Bellecour, la place est bouclée par les flics. Une course rapide, rue Edouard Herriot qui a été épargnée par les casseurs de cette semaine car, me dit une commerçante, les CRS l'avaient investie depuis mardi. Je continue de l'autre côté de la place. Au début de la rue Victor Hugo, autre rangée de CRS. Ils filtrent le passage et l'accès à la rue. Jeune et bronzé, on ne passe pas...
J'avise un groupe de jeunes...
-On filtre semble-t-il ?
-Vous madame vous passerez, vous êtes vieille. (sic)
En effet, très aimable le CRS. La rue Victor Hugo, théâtre des violences de mardi dernier a retrouvé un aspect normal. Les vitrines sont réparées.
Quand je pense qu'aux Xanthines il nous a fallu deux ans pour obtenir des assurances la remise en état de notre vitrine. Soupir. J'arrive à la station Ampère, nouveau cordon de CRS mais là, on ne passe plus. Même pas les vieux. J'insiste.
Un CRS :
-madame vous contounez par l'autre rue.
- et pourquoi donc monsieur ?
-parce qu'il y a un groupe de jeunes prêts à en découdre...
-je n'ai pas peur des jeunes, monsieur.
- ça ne fait rien. Faites le tour...
Je contourne... Un groupe de jeunes, immobiles et silencieux sont enfermés dans un carré de CRS.
J'ouvre la porte des Xanthines ... Les Taupes me suivent, installent leur matériel de projection. Sirènes de police et grondement d'hélicoptère inquiètent : pourrons-nous entendre la conférence ? Une voiture de police se gare devant le commissariat d'en face, sirène hurlante... et la sirène continue d'hurler pendant la manoeuvre de créneau. Les flics descendent, encadrant un jeune homme menotté. Drôle d'ambiance. Les amis des taupes arrivent nombreux et détendus.
La "taupe qui cause" commence son exposé. On entend toujours les sirènes de police ... Le conférencier s'interrompt quand elles couvrent le son de sa voix et reprend. C'est surréaliste... D'un côté on se promène dans les galeries romaines, les galeries drainantes ou militaires à la lumière des très belles photos qui sont projetées et de l'autre ce fond sonore de sirènes de police.
Puis le calme... les discussions amicales se prolongent aux Xanthines. La fin des émeutes ?
22:17 Publié dans Chronique lyonnaise, Coups de coeur, Entendu dans la rue... | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | Imprimer