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samedi, 30 janvier 2010

De battre mon coeur s'est arrêté...

"Wen Tche fit tourner Long Chou le dos à la lumière et lui-même se mit derrière son patient pour examiner sa silhouette qui se découpait dans la lumière. Il dit alors : " Je vois bien votre coeur : c'est un pouce carré de vide ! Vous êtes comme un saint. Six ouvertures de votre coeur sont parfaitement libres et une seule ouverture reste fermée. (1) Par le temps qui court, on tient la sainte sagesse pour maladie. Sans doute est-ce là votre maladie. À cela, je ne connais pas de remède."

Lie-Tseu, Philosophe chinois 450 avantJ.C.

(1) Le Sage avait toutes les ouvertures de son coeur ouvertes alors que le commun des mortels les avaient bouchées.

Les premiers essais de pontages sur les coronaires ont été tentés sur les animaux par Alexis Carrel. C'est seulement depuis le début des années 80 que les techniques actuelles sont au point et n'ont cessé de s'améliorer pour le confort du malade.

À une époque où l'exploit reconnu comme tel est souvent un ballon envoyé dans une lucarne,

à une époque qu'on entend décrier comme étant la pire de toutes,

je salue le travail de tous ces praticiens obscurs et modestes qui ont contribué à sauver tant de vies, exploit auquel on s'est trop habitués on le considérant comme banal.

Je suis contente de vivre à cette époque où, grâce à la médecine, mon mari a eu ses quatre coronaires pontées. Le coeur a recommencé à battre, rajeuni.

Il ne me reste qu'à espérer qu'il en tirera la Sagesse du philosophe chinois.

samedi, 24 octobre 2009

Ma Jian

Pascal Duperrier est un visiteur de ce blogue. Nous partageons le même intérêt pour la Littérature chinoise contemporaine mais lui est sans doute plus attiré par les auteurs dissidents. IL m'a ainsi fait découvrir Ma jian.

10728_1117647392412_1563837552_30259348_499731_n.jpgMendiante de Shigatzé (Editions Actes-Sud) qui est bien plus qu'un simple récit de voyage. En cinq récits, Ma Jian nous livre le Tibet de tous les jours, tel qu'il l'a découvert. Mais ces récits, à l'origine parus dans une revue littéraire chinoises, lui valent les foudres des autorités officiellement en raison de sa vulgarité et de l'image qu'il donne du peuple tibétain. Les descriptions — celles des funérailles célestes durant lesquelles les cadavres sont livrés aux vautours, celles des incestes, des viols, des mortifications… —, aussi insoutenables que fascinantes, n’ont pas manqué de susciter les foudres de la censure en ce qu’elles prêtent d’irréductible singularité à un peuple supposé se fondre dans la grande Chine. Ces récits ont été interdits en Chine et la revue qui les avait accueillis fut suspendue et son directeur révoqué. Et l'auteur condamné à faire son autocritique. Mais c'est bien mal connaître Jian Ma. Il va faire son autocritique mais aussi la publier.


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Chienne de vie (Editions Actes-Sud) est l'autocritique que fit Jian Ma. Au cours de la révolution culturelle, Monsieur Xu, professeur de dessin, a connu la déchéance et payé d'exclusion son "droitisme". Dix ans ont passé. Le narrateur, son ancien élève, est en route vers celui qui demeure, dans sa mémoire, un maître adulé et haï... Ce professeur n'est autre que la Chine elle-même, bien sûr. Cette fois, c'est la violence de ses aveux qui fascine. A petites touches furtives, parfois coupables jusqu'à la nausée, une confession prend forme. La trahison, la corruption d'un idéal, la profanation que le temps inflige à la pureté des premiers élans... Pour les autorités, la coupe était pleine et on lança un mandat d'arrêt contre lui pour "pollution spirituelle". Jian Ma prend donc la fuite.


10728_1117651192507_1563837552_30259361_5993096_a.jpgChemins de poussière rouge (Editions de l'Aube) Jian Ma raconte sa propre odyssée de 3 ans à travers le Tibet, les déserts ou les côtes sud de la Chine, pays intolérant à ses yeux où l'autorité est "répressive et hypocrite". Au cours de ce long périple en charrette, en bus, et le plus souvent à pied, avec seulement un sac à dos, il poursuit une quête intérieure, liée à sa relation avec le bouddhisme. Il a même prononcé des vœux bouddhistes. Il a écrit un poème dans la ville de Golmud. Récit d'un Chinois devenu étranger à son propre pays, d'un voyage pittoresque et riche de culture, le livre permet aussi de plonger dans la Chine profonde, de découvrir ses populations et ses minorités.


Nouilles chinoises (Editions Flammarion) a été écrit à Londres où Jian Ma a fui en passant par Hong-Kong. En écrivant un roman dans le roman, Jian Ma utilise un subterfuge qui n’entend duper personne. Cet écrivain, c’est lui. Comme lui, il a une haine des gouvernements passés : "Au moins, les chiens dirigeraient mieux le pays que ne l’a fait votre gouvernement." Mais bien plus que les dirigeants, c’est cette fois bien la société chinoise toute entière que l’auteur cible. La Chine qui tente de s’extraire de l’amnésie communiste par un libéralisme déchaîné n’a rien de séduisante. "Dans ce monde aliéné, seuls les demeurés peuvent trouver le bonheur." Pessimiste, Jian Ma dépeint un monde où les personnages ont des tares démesurées et intolérables. Corruption d’un trafiquant de sang, inhumanité d’un des personnages qui précipite sa mère vivante dans un fourneau, suicide d’une actrice dévorée par un tigre, passage à tabac d’une jeune fille prête à subir tous les outrages pour s’accrocher à son bourreau, viol collectif offert en spectacle... Son livre dépeint la réalité d’une société devenue une jungle et certains passages sont très durs.

Nouilles chinoises est ainsi un livre à message, qui retourne l’estomac. Jian Ma n’y attaque ni le communisme, ni le capitalisme. Il attaque l’individualisme naturel et poussé à son paroxysme. Ces personnages, tous humains, drôles et compréhensibles accomplissent des méfaits ignobles.

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10728_1117653072554_1563837552_30259369_1374347_a.jpgLe dernier roman de Jian Ma (Editions Flammarion.) Mai 1989. Des milliers d'étudiants occupent la place Tienanmen. De toute la Chine, des gens se joignent à la protestation et les étudiants prennent soudainement conscience de l'influence qu'ils peuvent exercer. Le héros du roman, Dai Wei, est blessé par un coup de revolver à la tête infligé par un policier en civil lors de l’écrasement par l’armée de la révolte du "Printemps de Pékin" le 4 Juin 1989. Il va vivre dix ans dans un coma qui lui permet seulement d’entendre son entourage. Pour tenter d’en sortir, il se raccroche à ses souvenirs et aux souffrances de ses parents. L’importance donnée au thème du coma vient peut-être de l’accident qui plongea à la même époque le frère de Jian Ma dans le même état. Le deuxième thème concerne la vie quotidienne du blessé. La police le surveille pour l’arrêter s’il reprenait ses esprits, les voisins espionnent sa mère qui a les plus grandes difficultés à survivre et à payer les traitements médicaux, quand les hôpitaux ou la médecine traditionnelle acceptent de soigner une victime de la Place.
Ses anciens camarades aident sa mère à le soigner et progressivement sont gagnés par la volonté de s’enrichir en Chine et surtout à l’étranger. De même son corps devient marchandise : ses urines seraient miraculeuses et sont vendues comme, plus tard, l’un de ses reins ; il devient même objet sexuel car cette partie de son anatomie fonctionne toujours! Sa mère, communiste zélée, n’a pu adhérer au Parti du fait d’un mari "droitier" et d’un fils connu de la police, puis responsable de la sécurité des grévistes de la faim sur la Place Tienanmen. Elle finira par rejoindre la secte Falungong.
Le troisième thème du livre concerne l’enchaînement d’événements qui conduisirent à l’écrasement par l’armée, de la révolte estudiantine et à de nombreux morts. Jian Ma nous raconte ce que voit son héros, ce qui limite l’approche du "Printemps de Pékin" à sa composante étudiante en excluant les actions de soutien de la population pékinoise.
Jian Ma a une approche clinique des événements et de leurs acteurs, il n’escamote pas les aspects déplaisants des luttes de pouvoir entre groupes d'étudiants, la recherche de vedettariat de certains dirigeants. On a l’impression d’un roman à clef où de vieux comptes se règlent, d’autant que les débats entre anciens dirigeants exilés sur les responsabilités de l’échec durent encore. Jian Ma est obsédé par l’oubli dans lequel tombent ces événements en Chine et à l’étranger. Pour lui, Tienanmen marque une rupture fondamentale, la perte de tout idéal par le peuple chinois ; la croissance économique ne suffit pas, il faut revenir sur cette tragédie pour repartir sur des bases saines. Le gouvernement veut écrire l’histoire qui lui convient, le rôle des écrivains est de faire œuvre de mémoire.

Merci Pascal.

samedi, 17 octobre 2009

Retrouverai-je la piste mongole ?

Mes lectures sont actuellement assez brouillonnes, question de circonstances sans doutes... Récemment une amie m'a prêté, parmi les nouveautés,

"Mon Enfant de Berlin" de Anne Wiazemsky en me précisant : "Je ne te dis rien donne-moi ton avis". J'ai parcouru 50 pages de cette auteure que je ne connaissais que de nom. Complètement niais. Et ce n'est pas dans mes habitudes de parler de livres qui ne m'intéressent pas mais là je suis vraiment consternée que ce roman ait eu des critiques aussi élogieuses. Un sujet intéressant, Berlin à la fin de la guerre mais traité sous l'angle sentimental le plus cucul qu'on puisse imaginer. Une écriture plate et sans surprise, tout est convenu ... On se croirait dans un téléfilm de TF1 même si l'auteure nous rappelle, dès la première page, qu'elle est la petite-fille de François Mauriac. Même en le lisant dans les transports en commun je vais avoir du mal à aller jusqu'au bout.

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En parallèle je me suis plongée dans le roman de Mauvignier "Des Hommes". Fort dès les premières lignes, nul doute que je le dévorerai. C'est un texte dur dont on ne doit pas ressortir indemne. Les hommes ?

"Ils ont été appelés en Algérie au moment des "événements" en 1960. Deux ans plus tard, Bernard Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies.

Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier."

(Quatrième de couverture car j'en suis au début.)

En fait deux ouvrages sur des événements historiques vécus au quotidien par des gens ordinaires mais le prisme est différent. Wyazemsky c'est le regard  de Gala alors que Mauvignier pénètre au plus profond du coeur de l'homme.



Et dans tout ça j'ai perdu ma "Piste Mongole". J'avais commencé cet été ce roman de Christian Garcin. Quelques difficultés à entrer dans son univers que je ne connaissais pas non plus. Très onirique donc pas facile. Mais quand l'histoire arrive en terrain connu, à Pékin et que je commence à m'installer dans le livre car je me sens chez moi, je l'oublie sur une table de nuit amie à l'occasion d'un déplacement de l'été. Je viens juste de le récupérer et j'espère reprendre ma piste mongole. en tout cas je partage complètement le regard que cet écrivain pose sur la Chine.

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"La nature du pouvoir en Chine est multimillénaire... Modifier un régime politique, cela peut se faire en un tournemain : pour cela une révolution suffit, c'est ce qu'a fait Mao. Mais la nature du pouvoir, elle, est restée strictement la même sous les Tang, les Ming, les Tsing, les communistes et les capitalo-communistes actuels : autoritaire et dictatoriale. Personne absolument ne l'a modifiée. Cela devra changer un jour, sans doute, mais certainement pas en décidant de plaquer brutalement sur le grand corps chinois les systèmes de pouvoir occidentaux."

 

mardi, 04 août 2009

Le Totem du Loup

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Je dois à Patoo la découverte de ce fabuleux roman chinois, en fait  récit largement autobiographique. L'auteur, Jiang Rong, né en 1946, est parti, comme son héros, vivre dans la steppe mongole pendant la Révolution culturelle. Comme son héros, il y restera onze ans.

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Le personnage principal, Chen Zen, est  un "jeune instruit" qui, en 1967,  se porte volontaire pour aller travailler chez les Mongoles et leur apporter la bonne parole maoïste.

C'est lui qui sera transformé.
Il va découvrir avec passion l'univers des nomades mongoles et la vie dans la steppe.
Et surtout il se prendra d'une telle passion  pour les loups qu'il essaiera d'élever un louveteau afin de comprendre d'où vient leur force.
Les Mongoles chassent les loups, mais pas n'importe comment, et surtout les respectent.
Le loup dévore les agneaux et les poulains mais élimine les gazelles et autres herbivores qui broutent l'herbe des moutons.Donc les chasseurs mongoles ne détruisent ni leur caverne, ni les mères, ni les portées de louveteaux.
Il existe ainsi une alliance subtile et tacite entre les différents habitants de la Mongolie chinoise car ce milieu naturel est trè fragile : de l'herbe sur du sable. Il en faut peu pour que la steppe devienne un désert.
Chen Zen, initié par un vieux chasseur mongole au mystère du loup, établit tout au long de son expérience en Mongolie, un parallèle entre le règne animal et les civilisations.
Les Mongoles ont été initiés par les loups, en vivant dans leur intimité, à l'art de la guerre. Une scène superbe et spectaculaire décrit comment les loups arrivent, par une stratégie d'encerclement, à acculer les gazelles vers des marais gelés où elles vont mourir constituant pour les loups une réserve de viande. Affamés, les loups ont su attendre que les gazelles aient brouté, ne pouvant plus courir aussi vite l'estomac plein.
Les loups ont également éduqué les Mongoles au goût de la liberté et à la solidarité.
Pour Chen Zen, les nomades, libres eux aussi, excellents dans l'art de la guerre puisqu'ils ont conquis la Chine sous Gengi sKhan, établissant une dynastie et leur capitale à Pékin, sont des modèles car  le nomadisme conduit à la démocratie.
Il leur oppose les Hans. (on prononce "rane", il s'agit des Chinois représentant 90% de la population). Les Hans sont sédentaires, issus de l'agriculture. Or l'agriculteur a un respect excessif de la hiérarchie qui le prédispose à accepter la dictature. Chen Zen rejette ainsi le Confucianisme qui a rendu les Chinois dociles et peureux.
Ce roman est d'abord une fable et une métaphore.
Jiang Rong a mis six ans pour l'écrire et le livre est devenu un best-seller en Chine. Ce qui n'est pas pour plaire aux autorités chinoises car Jiang Rong appelle les Chinois à devenir comme des loups, libres et courageux et non serviles comme les chiens.
C'est son premier livre : il dit qu'il n'en écrira pas d'autres car il le portait en lui depuis trente ans.
Pour ma part je reste dans cet univers avec "La piste mongole" de Christian Garcin.

dimanche, 31 mai 2009

Mieux vaut ne pas se mettre mal avec ses élèves...

Pour Edith, afin qu'elle ne soit plus intimidée par la Littérature chinoise.

Mise en bouche pour lire Yu Hua.

41WzUOrFVsL._SS500_.jpgCe n'est pas un extrait de "Brothers", qui est un gros livre, mais de "1986", roman court de 90 pages.

1986, vingt ans après le début de la Révolution culturelle. Une femme a refait sa vie après que son mari a disparu pendant la Révolution culturelle.

C'était un professeur. Vu par sa femme, vingt ans plus tard.

"Tout ce qu'elle savait, c'est que son mari avait soudain disparu la nuit où il avait été emmené, sans plus de précisions. Elle tenait l'information d'un homme qui travaillait comme vendeur dans un magasin, et qui était l'un des gardes rouges qui avaient fait irruption chez elle à l'époque."Nous ne l'avons pas battu, avait-il dit, nous nous sommes contentés de le conduire au bureau de l'école et lui avons demandé de rédiger ses aveux. Nous ne l'avons pas non plus fait surveiller, mais, le lendemain, nous avons découvert qu'il n'était plus là." ... "D'habitude, votre mari était sympa avec les élèves, c'est pourquoi nous ne l'avons pas torturé."

Yu Hua "1986" Actes Sud.

 

samedi, 30 mai 2009

Yu Hua aux Assises du roman

Si le programme des Assises du roman ne me passionnait pas cette année, il est une rencontre que j'aurais été désolée de manquer.

Yu Hua, dont j'ai déjà parlé à propos de son dernier ouvrage "Brothers" et François Jullien, philosophe et sinologue.

Et je dois dire que je n'ai pas été déçue par leurs échanges.

Je ne ferai pas un compte-rendu complet car certains thèmes traités, comme "L'éloge de la fadeur", titre du dernier livre de François Jullien, étaient trop spécifiques de la culture chinoise.

La rencontre a commencé par la confrontation entre les itinéraires de ces deux écrivains. Yu Hua, le plus jeune, né en 1960, était enfant pendant la Révolution culturelle. Il est venu au roman social en s'inspirant de la Littérature occidentale car, a-t-il précisé, la Littérature chinoise traditionnelle aux codes figés, ne peut s'adapter aux exigences de lecture d'aujourd'hui.

François Jullien dit avoir ressenti la nécessité de faire un détour par la pensée chinoise étrangère pour prendre du recul et appréhender autrement la pensée européenne.

Chacun est ainsi passé par un détour dans la culture de l'autre.

Le détour a d'ailleurs été un thème abordé par les deux écrivains. Pour François Jullien, depuis toujours, la Chine pratique l'art du détour et non la confrontation directe comme en Europe. On aborde l'ennemi de biais, dans le débat comme dans le combat. Mao connaissait bien cette stratégie indirecte. Avant  la révolution culturelle les cibles ont été désignées peu à peu.

Pour les Chinois, il s'agit d'économiser son énergie en évitant l'affrontement direct en faisant mourir la condition de violence avant qu'elle n'éclate.

Selon Yu Hua, la France utilise aussi la stratégie de l'indirect, c'est le propre des politiques et des hommes d'affaire. Mais les pauvres ont recours à la bagarre dans la rue. François Jullien estime que ce recours à l'indirect est une nécessité dans une civilisation qui n'a jamais connu de véritable liberté d'expression. Il y a deux mille ans déjà l'image poétique avait pour fonction d'exprimer ce qui ne pouvait l'être directement.

Deux autres thèmes intéressants ont été ceux de l'évolution de la Chine et des différences culturelles avec au centre le positionnement sur les Droits de l'homme.

À propos des mutations en Chine, François Jullien remarque que leur spécificité est de s'être faites sans rupture. Pourtant les Chinois ont vécu en 40 ans ce qui s'est déroulé en 400 ans pour l'Occident.

Les Occidentaux, héritiers de la pensée grecque ont été habitués à penser en extrême. La Chine a toujours eu coutume de penser la transition par rapport à la tradition. La Révolution a été un concept emprunté à l'Occident et les révolutionnaires se sont formés en Europe. Mais la Chine s'est transformée en gardant ses structures. C'est le seul cas d'une structure étatique qui pratique une économie capitaliste.

Yu Hua a insisté sur l'événement de Tian'anmen, il y a juste vingt ans, qui a modifié le pays. En juin 1989, un profond enthousiasme politique animait la jeunesse. En octobre 89, à l'université on jouait au majong ou on apprenait l'anglais : l'argent était devenu roi.

Depuis 1989, la pensée politique a disparu, on n'a plus pensé qu'à gagner de l'argent. La réforme politique s'est arrêtée au profit de la réforme économique qui a entraîné la corruption. Les problèmes sociaux et politiques ont été cachés mais n'ont pas disparu.

Pour Yu Hua ces problèmes vont resurgir dans les deux ans qui viennent.

Enfin les deux écrivains se sont retrouvés d'accord sur ce qu'on pourrait appeler un dialogue inter-culturel. Yu Hua souhaite une recherche des points communs avec l'Occident mais que la Chine préserve son identité culturelle. La Chine ne peut être comme l'Occident. Le Passé chinois est très différent. L'Occident ne comprend pas la Chine sur la question des Droits de l'homme et tous les pays, selon lui, ont des problèmes de Droits de l'Homme. Pour lui, le plus grave dans la réalité chinoise est l'injustice judiciaire.

Malheureusement le temps était écoulé et Yu Hua n'a pu développer davantage.

samedi, 28 mars 2009

C'est fini

"Une association n'est pas destinée à vivre éternellement. Mieux vaut savoir l'interrompre que  la voir décliner".

Ainsi mon président a-t-il introduit l'Assemblée générale de dissolution de l'association de culture chinoise à laquelle j'appartiens depuis dix ans.

Il en a ensuite précisé les raisons après en avoir rappelé l'historique.

Pas de renouvellement, personne pour lui succéder à la présidence mais aussi, et surtout, parce que la Chine étant un pays très médiatisé, il nous était devenu impossible de faire entendre notre voix, souvent à contre-courant de l'information de masses.

Faire découvrir une Chine vraie, sans complaisance, tel était l'objectif de Chine-service devenu impossible.

Mieux vaut se taire que de parler dans le désert, tel est son point de vue.

Bien sûr beaucoup de tristesse et d'émotion.

Mais un bilan tellement positif par l'enrichissement culturel que nous a apporté la confrontation avec cette grande et fabuleuse civilisation, que la conscience des trésors engrangés l'a emporté sur la nostalgie.

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Danièle Li

L'eurasienne

entre France et Chine

à l'origine de Chine-service.