Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 19 janvier 2009

La funambule

Patricia ou Patoo c'est le sourire des Xanthines. Artiste peintre elle a récemment offert au bistrot une exposition qui la représente tout à fait.

Une funambule qui traverse la vie sur un fil.

l+equilibre+ne+tient+qu+a+un+fil.jpeg-800.jpg
Ce tableau, c'est elle, complètement. Sur son fil elle franchit les tumultes de l'adversité. Fragile en apparence mais profondément sereine. Elle a la force des doux.
C'est elle qui organise l'ensemble des expositions des Xanthines.
J'avais envie de commencer la semaine avec elle, tout simplement...pour oublier janvier.

00:02 Publié dans Xanthines | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lyon |  Facebook |  Imprimer

dimanche, 18 janvier 2009

Nous avons passé le Cap Horn

article_desjoyeaux_20081226_01.jpg

 

Cette nuit les Olibrius sur le bateau Utopia ont passé le Cap Horn. Xavier nous a rejoints. Tout le monde était sur le pont...Ce n'est plus une course en solitaire... PAG hésite encore...depuis le cap, il nous observe avec sa longue vue pour vérifier si les anges nous accompagnent. Tu peux venir, PAG, ils sont bien là...Le point par le capitaine Yves.

Les Hornlibrius !!!

Voila c'est fait, il ne reste plus qu’à remonter l'Atlantique, environ 1 mois, mais quelle nuit !!!!

Je ne sais pas ce que Nono avait mis dans les épinards mais c'était l'euphorie totale.
Alsa gambadait tout autour du pont en hurlant Amaury ! Amaury !
Nono lançait les assiettes par dessus bord et Doume les dégommaient aux bouchons de champagne,
Rosa faisait le Guignol derrière la grand voile,
Louis Paul calligraphiait tout cela,
Xavier, qui n'avait embarqué que la veille, nourrissait les poissons, dommage !!!
Philippe Lavil et le Grand Jacques swinguaient sur le bout-avant en hurlant "Hamster Dame !"
Même l'Ernesto est passé nous apporter des cigares.
Et moi, moi qui ne suis que moi, je beuglais à tue tête UTOPIE !!!!

Quelle formidable aventure humaine que cette petite bande de Z'olibrius Utopiques !!!

Un peu d'explications de texte en réponse à quelques énigmatiques messages que seul Alsa a semble-t-il su décrypter.

L'anneau d'or : c'est le signe distinctif que les Cap-horniers avaient le droit de porter en boucle à l'oreille gauche.
Pisser au Vent : Le bord au vent est le coté, le bord, du bateau qui reçoit le vent. L'autre est sous le vent. Mais ce bord est aussi le bord naturel d'aisance or il prend aussi les paquets de mer, vous imaginez la suite ...
Aussi, les Cap-horniers avaient tellement pris de vague que ce n'était pas un petit pipi qui leur faisait peur, mais au sec.

Et pour suivre la position de l'UTOPIE...
Cap Horn.jpg




jeudi, 15 janvier 2009

Femme d'un autre temps

medium_bol8.2.jpg Si on m'avait dit, dans les années 70, quand je militais-terme peut-être excessif, disons quand j'étais  très proche-

dans un mouvement "frère"  du MLF.

Souvenir souriant : on y organisait, entre autres, des cours de mécanique-auto. Un monsieur charmant guidait nos mains empruntées vers les bougies, le delco et autres curiosités que nous étions très fières d'approcher, comme dans un rite initiatique qui nous aurait donné accès à des mystères interdits.

Inutile de vous préciser que je n'ai jamais eu l'occasion de faire usage de ces connaissances précieuses, sinon pour étaler mon savoir chez le garagiste, au temps où les voitures avaient encore de la mécanique. Ce qui est toujours le cas de mon antique R5.

Donc si j'avais dû lire, à cette époque où j'étais abonnée à "Femmes en Mouvement", très belle revue féministe, ce texte de Georges Navel, j'aurais ricané. Aujourd'hui je le trouve délicieux. Comme la vie nous transforme.

medium_hernan.jpg "De temps à autre, un dimanche après-midi, le sergent-major en permission venait passer quelques heures à la maison. Marie l'accueillait dans la grande chambre, elle portait une longue jupe noire, un corsage à col montant et à manches longues. La courbe de sa coiffure un peu bouffante adoucissait son aspect d'institutrice d'orphelinat. Assise, près de la fenêtre, elle brodait. Le beau militaire, assis à distance, couvait de tendres regards la jeune fille qu'il avait rêvé de prendre pour épouse. Embarrassés l'un et l'autre la conversation languissait. Sur un guéridon recouvert d'un napperon brodé, ma mère avait déposé des tasses à café et des verres à liqueur."

Extrait de "Passages" de Georges NaveL

Les photos des tableaux ont été trouvées sur le blogue de Bernard.

Je ne serais pas non plus allée voir ce dernier film de Manoel de Oliveira, tourné par un jeune centenaire. "Miroir magique", film presque sans action, texte sublime, images magnifiques. Intériorité, lenteur, contemplation. L'histoire d'une belle jeune femme, dans une belle demeure qui est prise d'une dévotion éperdue pour la Vierge et attend son apparition. Une atmosphère  plus proche des films de Bunuel que de celle des films actuels. Mais il a juste cent ans Manoel de Oliveira.

Le temps passe, le présent nous bouscule, l'avenir nous inquiète, le passé nous rassure.

4964df0fb55ab-19001553jpg.jpg

mercredi, 14 janvier 2009

Le capitaine de l'Utopie parle aux Olibrius

schooner01.jpg

Yves, capitaine virtuel d'un bateau virtuel engagé dans le Vendée-Gloge...virtuel, fait le point sur sa navigation que suivent un certain nombre d'entre vous.

"Depuis ma dernière vacation, Pap'Yves, rebaptisé Utopie par une bande de joyeux z'olibrius, a continué son petit bonhomme de chemin. Quelques journées d'euphorie grisantes succédées par des erreurs d'appréciation du Skipper trop gourmand en gain de place. Il s'en suit toujours un moment de profonde dépression et puis, le vent monte, sa direction change, je trouve un couloir favorable et c'est repartit mon Kiki.

 

Actuellement, je suis au 109W et 44 S, à 8 717 Milles des Sables d'Olonne. Je ne suis que 53 369 ème / 270 000, lorsque je me compare à des voisins d'avant erreurs, je pourrais être 5 000 ème et avoir passé le Cap Horn à 7 000 milles de l'arrivée mais bon c'est la vie et la prochaine fois je tacherai de partir le jour du départ et de rester avec les premiers. D'autant que les prochaines courses seront plus courtes, 3 mois d'addiction c'est long. Mais le petit phoque que j'ai rencontré hier après-midi m'a dit que c'était bien alors je suis content.

 

Pour revenir à la vraie course, Desjoyaux est toujours en tête mais les suivants sont décimés à tel point qu'il a décidé de lever le pied pour éviter l'avarie.

Une formidable histoire de Mer entre Le Cam et Riou, le deuxième ayant sauvé le premier mais en abiment son gréement puis en perdant son mat. Ils sont rentrés à Ushuaia. Devant l'acte de solidarité la direction de course a décidé de classer Riou troisième exaequo, classement qu'il avait lors de son sauvetage. Eh ! les Alsaciens vous avez déjà connu ça dans le Futbol ?

 

A propos d'Alsacien, figurez vous que dans quelques jours, je vais vous laisser à vos frimas pour aller passer un mois sur un petit archipel de Guadeloupe, j'ai nommé Les Saintes.

 

Bien sur, il y a, peut-être car aux Antilles c'est toujours peut-être, internet sur l'Île. Mais j'ai pensé qu'Alsa pourrait prendre la barre de l'Utopie, s'il arrive à nous trouver ! Qu'en pense-t-il ? Nous devrions être arrivés fin Février. Comme je n'ai pas trouvé de contact sur son site, il peut me répondre chez Rosa ou par le mail de Rosa.

 

Il parait que je dois entrer dans la blogosphère à mon retour, bien sur je vous raconterai les Saintes.

 

Bon en attendant, ça hume bon dans la cambuse, Nono a encore fait des siennes !!!"

Yves, le Capitaine

 

Et plus particulièrement pour Noelle

http://www.youtube.com/watch?v=2IGEYWIQPu0

mardi, 13 janvier 2009

Quand les objets du passé tendent la main au présent

à Michel Jeannès

IMGP0876.JPG Coincée dans un embouteillage du vendredi soir, j'ai entendu à la radio des préconisations pour éviter les deux épidémies du moment, la grippe et la gastro-entérite dispensées par l'hygiéniste de service sur France-Info.

Les hygiénistes ont  remplacé les religieux d'antan : comme avec les bonnes soeurs de ma jeunesse, il faut toujours suivre la pente qui monte pour assurer son Salut, ne pas boire, se fatiguer à courir, se priver de tout ce qu'on aime et j'en passe.

Pour éviter les contagions, il faut donc, et c'est entré dans nos moeurs, utiliser un mouchoir à "usage unique." Je ne sais pas pourquoi, ont défilé dans ma tête, les images des paysans de mon enfance. Je les revois, avant de se moucher, en un geste lent et solennel, ils dépliaient leur grand mouchoir à carreaux copieusement maculé, et cherchaient un coin un peu moins sale pour soulager leurs narines en soufflant bruyamment. Avec le même calme, ils le repliaient et le fourraient dans leur poche. L'opération durait un certain temps même si je l'allonge un peu par le souvenir. Avaient-ils plus la grippe qu'aujourd'hui ?

Récemment, je me suis trouvée dans ma chambre avec ma petite-fille qui a éprouvé une envie urgente de se moucher.

J'ai pris un mouchoir sur une pile que je conserve dans un placard. Pile de mouchoirs récupérés, ceux de mon enfance, ceux de mon père qui n'a jamais pu s'habituer au mouchoir en papier-c'était un cadeau traditionnel le mouchoir brodé à nos initiales et on ne peut dire qu'il nous ravissait. Celui-ci, en photo, est d'une arrière grand-tante. Elle l'a brodé elle-même et il a plus de cent ans. L'ourlet, un très fin roulotté dont on ne voit pas les points, est une merveille.

Je tends donc un mouchoir à ma petite-fille, un joli avec une dentelle au bord, et voilà qu'elle m'interroge :

- Qu'est-ce que c'est ça mamie ?

Moi interloquée.

- C'est un mouchoir ma chérie, tu peux te moucher dedans.

Elle s'exécute puis, l'ayant replié, se dirige vers la poubelle de la salle de bains avec l'intention de l'y jeter. Je rectifie le geste à temps pour l'orienter vers la corbeille à linge sale.

Ouf ! "l'usage unique" a été respecté et ma petite-fille a découvert un objet de patrimoine.

dimanche, 11 janvier 2009

Je ne suis pas un héros

517Y4ZQQ1NL._SL500_AA240_.jpg

Bizarre !

On apprend au lycée à parler des écrivains, à les analyser, on tartine pour le bac, à la fac

mais quand l'un d'eux pousse la porte des Xanthines

et s'assied tranquillement avec son épouse (mon mari dit toujours "mon épouse" alors il me semble que ça fait mieux)

à une des fameuses tables style école-maternelle (si, si on nous l'a dit) du bistrot

boit une bière

vous vous retrouvez toute intimidée et incapable d'écrire deux lignes sur ce monsieur dont le livre vous a pourtant régalée

et vous vous vous dites : quelles quantités de conneries j'ai dû écrire par le passé sur ces auteurs qui dans leurs tombes ne pouvaient pas protester.

Bon PAG  Pierre Autin-Grenier, ton indulgence s'il te plaît, je ne suis pas critique professionnel !

Pourtant lire "Je ne suis pas un héros" est la lecture adéquate pendant la période sirupeuse des vacances de Noël où les bons sentiments peuvent finir par vous écoeurer. D'ailleurs il y a des anges dans le livre de PAG même s'il les fait croquer par son chien où les écrase sous les roues de sa voiture. Mais PAG réhabilite les anges même si ne sont pas ceux de la crèche, "Les Anges dans nos campagnes" ce n'est pas tout à fait son genre...

Difficile de définir les petites histoires de PAG. Une image me vient à l'esprit. Ces textes sont comme des passes de rock'n roll. Vous démarrez une petite nouvelle, tranquille, bien rythmée dans un contexte charmant, rassurant même et hop ! vous ne vous y attendez pas,  vous vous retrouvez en un coup de reins et quelques mots balancé dans la poésie surréaliste, le fantastique le plus insolite ou la transgression la plus osée.

Que ce soit les monstres des cauchemars, la mort qui vous regarde dans les yeux, ou le bras qu'on perd en secouant la salade, le burlesque et l'insolite vous surprennent et vous saisissent sans que vous ayez pu réagir. Si vous lisez dans le bus méfiance ! Un simple coup d'oeil pour vérifier votre arrêt et, reprenant votre lecture, vous avez changé d'univers.

Ceci dit PAG nous délivre  de merveilleuses leçons de vie. Pour apprendre à apprivoiser le temps, tout un art. pour ne pas vous ennuyer avec les fâcheux : il suffit de se promener dans le désert du Kalahari (J'ai retenu la leçon mais moi je partirai pour le Taklamakan qui m'est plus familier).

Mieux, il n'hésite pas à liquider un complexe d'oedipe sans doute impossible en balançant sa mère par la fenêtre : là aussi j'ai retenu  la leçon.

Leçon ultime : plutôt que de vouloir refaire le monde, mieux vaut chasser les gastéropodes de ses bégonias ou déguster une bonne andouillette.

"Jadis j'étais comme un garçon de café égaré dans la philosophie. je courais d'une idée à l'autre, un plateau chargé de boissons de couleurs à bout de bras. J'aurais voulu trouver une clef à l'absurde et au dérisoire de tout l'univers. (...) Je n'éprouve plus le lancinant besoin d'élucider à moi seul toutes les énigmes du cosmos, ni de farfouiller dans la lingerie de l'enfance pour y dénicher les lambeaux de réponse à mon insouciance actuelle. Non, je mets simplement quelque maniaquerie à réaliser de mon mieux les deux ou trois choses inutiles inscrites à mon programme ; et pour le reste : que le Dieu des chrétiens s'en charge !"

"Je ne suis pas un héros" Pierre Autin-Grenier chez Folio

samedi, 10 janvier 2009

Aux Olibrius

à Noelle, Louis-Paul, Alsacop qui ont embarqué sur le bateau de Yves et naviguent entre Vendée-Globe, Histoire cubaine et Utopie.

Bon voyage...il y a encore des places...

 

Le Bateau Ivre


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Arthur Rimbaud

 


<- Page précédente Retour à l'index Page suivante ->