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dimanche, 02 novembre 2008

Amor omnia vincit

396px-Pr_Charcot_DSC09405.jpgAmor omnia vincit : lettres tracées sur une chemise contenant des carnets.

Ceux qui autorisent une biographie de fiction, celle de Blanche Wittman, enfermée à la Salpêtrière et devenue l'objet d'expérience préféré de Charcot.

C'est elle qui est représentée sur ce tableau, elle dont on ne sait rien d'autre mais à qui Per Olov Enquist invente une vie dans son roman

"Blanche et Marie".

Marie, c'est Marie Skłodowska Curie, récompensée deux fois par un prix NobeL

Dans cette fiction, Blanche serait devenue l'assistante de Marie. Histoire émouvante d'amitié entre deux femmes dont les destins illustrent la difficulté d'être femme au XIXème siècle.

Le siècle le plus abominable pour les femmes.

Blanche souffre d'hystérie, enfermée à la Salpêtrière avec 6000 femmes, toutes étant censées souffrir de cette maladie.

Charcot est le grand médecin spécialiste assisté de jeunes disciples dont Freud et Jung.

Quand on referme le livre, on se demande si ce ne sont pas ces médecins qui ont rendu ces femmes malades d'ailleurs la maladie n'a-t-elle pas disparu avec eux ?

"L'hystérie disparut purement et simplement. On lui donna d'autres noms."

Blanche est donc enfermée à 16 ans dans cet hôpital appelé Le Château et y restera également 16 ans. Plus tard, Enquist en fait l'assistante et amie intime de Marie Curie. Ce qui lui vaudra d'être amputée progressivement de tous ses membres et de terminer sa vie femme-tronc vivant sur ne caisse en bois à roulettes. Un cadeau du radium.

"Le radium, la mort, l'art et l'amour."

Quant à Marie, l'histoire nous rapporte une période noire de sa vie. Pierre est mort. Elle s'enfouit dans le deuil pendant trois ans. Elle revient à la vie avec une brève histoire d'amour. Paul Langevin, le savant devient son amant. Il est marié.

Éclate alors un scandale abominable. C'est une nouvelle affaire Dreyfus. Et ce sont les mêmes qui s'acharnent contre elles. Slogans, pierres, articles de presse contre "l'étrangère, juive et polonaise". Marie doit fuir. C'est à ce moment qu'lle reçoit le prix Nobel de physique, le second. Le premier, celui de Chimie elle l'avait partagé avec Pierre. À cause du scandale, l'Académie royale de Suède lui déconseille de venir recevoir son prix. Pourtant elle se présente courageusement.

Ce roman d'un écrivain suédois est absolument bouleversant. J'ai rarement lu, et je n'ose dire "jamais", sous la plume d'un homme une telle empathie vis-à-vis des femmes.

Reconstitution minutieuse de la Salpêtrière, un château des horreurs.

"Une forteresse dans Paris, un château. La Salpêtrière l'était réellement, et c'est là qu'on rassemblait les femmes qui avaient été troublées par l'amour. Celles qui avaient des moeurs dissolues, les vieillissantes, et celles qui étaient sur le point d'entrer en amour mais que l'impatience avait fait s'effondrer. Elles avaient ceci en commun : l'amour avait joué un rôle pour toutes, et elles avaient été déçues."

Parmi les patientes célèbres du docteur Charcot, Jane Avril, devenue danseuse au Moulin-Rouge et immortalisée par Toulouse-Lautrec.

S1068~Jane-Avril-1899-Posters-1.jpgHystérique, folle...ainsi était diagnostiquée une femme trop amoureuse ou qui sortait des clous à la fin du XIXème siècle.

Enfermée à la Salpêtrière.

Quant aux remèdes, on croit halluciner.

Charcot dessinait sur le corps de ses patientes des points dits hystérogènes. Il avait inventé une ceinture de compression ovarienne, censée agir sur ces points et freiner les crises.

Mais il était surtout célèbre pour ses séances d'hypnotisme. Il les pratiquait en public. Pas seulement avec des étudiants en médecine, non ! Il y avait des journalistes, le Tout-Paris se bousculait aux séances du docteur Charcot le vendredi.

Certaines patientes répondaient mieux que d'autres à ces soins et sont devenues des vedettes. Comme Blanche Wittman.

On a même parlé de supercherie.

Un livre vraiment émouvant et instructif.Un regard particulier sur l'hystérie qui pourrait n'avoir été qu'une maladie inventée par les hommes dans un siècle intolérant au désir des femmes.

Une_leçon_clinique_à_la_Salpêtrière.jpg

 

 

 

 

mardi, 28 octobre 2008

Brothers de Yu Hua

arton9145-b6aec.jpgYu Hua, écrivain chinois que je lis depuis dix ans et que j'aime tout particulièrement parce qu'incomparable. Une écriture prodigieuse. Comme Lao She, un auteur inclassable. Son dernier roman, "Brothers",  a été remarqué par le Courrier International. 

Yu Hua est né en 1960, il  était  enfant pendant la Révolution culturelle dont ses parents ont souffert. De ce point de vue "Brothers" est sans doute largement autobiographique. Mais ce qui m'émerveille dans tous les romans de Yu Hua, c'est la gamme infiniment variée des registres de langue qu'il utilise. Sans transition il passe de l'humour, de la dérision voire de la farce populaire à la tragédie, au pathétique, à la mélancolie.

Dans ce roman, lecteurs sensibles s'abstenir, le langage peut se faire scabreux voire scatologique.

C'est l'histoire de deux demi-frères, de la Révolution culturelle  à nos jours. L'un des frères réussit et devient homme d'affaires, l'autre connaît un destin tragique. L'histoire se passe dans un gros bourg au Sud de la Chine, le bourg de Liu. 

Le roman s'ouvre sur des pages dont je me suis particulièrement régalée. Il faut savoir, qu'en Chine, il est un problème pour les touristes qui parfois tourne au cauchemar, c'est celui des toilettes, préoccupation de tous les étrangers. D'abord parce que jusqu'à une période récente l'expression "toilettes publiques" étaient un pléonasme : il n'y en avait pas d'autres. On se retrouvait dans des espaces communs aux hommes ou aux femmes. Obligés de s'accroupir ensemble au-dessus d'une rigole ou d'une fosse d'aisance.

Peut-être que j'insiste trop mais c'est parce que ce roman débute aux toilettes. Le père d'un des deux frères est mort en tombant dans une fosse sceptique pour avoir essayé d'observer le derrière des femmes. La Chine était un pays pudique : encore dans les années 60,  aucune image de femmes nues.

"En ce temps-là, les toilettes publiques n'étaient pas comme aujourd'hui...A l'époque, seule une mince cloison séparait le coin des hommes de celui des femmes, et la tranchée qui courait en dessous était commune aux deux sexes. Les bruits on ne peut plus explicites de défécation et de jets d'urine qui provenaient du côté des femmes nous enflammaient l'imagination. Alors, à l'endroit où aurait dû se trouver votre derrière, vous glissiez avidement la tête et, les deux mains arrimées à la planche, le corps plié en deux, les yeux irrités par la puanteur, sans prêter attention aux asticots qui grouillaient autour de vous, tel un champion de natation qui s'apprête à plonger , vous lanciez votre tête et votre corps le plus loin possible en avant de façon à apercevoir la plus grande suface possible de postérieur."

C'est ici que commence l'histoire. L'un des deux frères se livre à cette acrobatie qui lui permet, avant d'être surpris par un importun, d'observer cinq derrières de femme.

"Celui qui plut à Li Guangtou, c'était celui qui n'était ni gros ni maigre. Il l'avait juste devant les yeux, c'était le plus rond des cinq..."

Ce petit derrière rond appartient à l'héroïne du roman dont le destin sera lié à celui des deux frères.

La première partie du roman se déroule ainsi pendant la Révolution culturelle. Elle anéantira leurs parents. Enfants livrés à eux-mêmes, les deux frères découvriront de  l'existence l'aspect le plus tragique. Yu Hua n'est pas tendre pour ses compatriotes. Les habitants du bourg de Liu s'adaptent trop bien aux exactions de la révolution. Les deux frères deviennent adultes, l'époque a changé. "Enrichissez-vous" est devenu le mot d'ordre et les habitants du bourg de Liu, de révolutionnaires deviennent consommateurs. Yu Hua emprunte à Kafka pour décrire la nouvelle folie qui saisit les villageois. Il joue avec l'absurde. C'est à ce moment que les chemins des deux frères vont diverger. Même le lien qui les unit n'est jamais rompu.

C'est vraiment une saga palpitante à lire pour comprendre l'évolution de la Chine durant ces dernières décennies.

IMGP0423.JPG Les toilettes dans un village du Guizou
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Yu Hua et l'une de ses traductrices.

lundi, 27 octobre 2008

Pourquoi on l'aime...

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Extrait d'un entretien dans Télérama.
...vous trouvez désormais plus d'argent pour vos films à l'étranger qu'aux États-Unis ?
Absolument. Je me sens un peu comme les jazzmen des années 60, les as du be-bop obligés de s'exiler en Scandinavie ou en France. En fait, je peux trouver des capitaux aux États-Unis, mais les producteurs éventuels demandent un droit de regard sur le scénario et sur le choix des acteurs.
Et je ne peux pas travailler comme ça. Mais du coup je réalise un de mes fantasmes : quand j'avais 20 ans, je rêvais d'être Truffaut, Fellini, Godard ou Resnais. Ces types étaient des modèles pour moi. Voilà : j'ai lontemps été un cinéaste indépendant américain, aujourd'hui je suis un cinéaste étranger, un réalisateur européen. J'aimerais retourner à Paris, ou dans le Sud de la France, et puis à Rome, et à Venise, pourquoi pas à Stockholm, vous connaissez mon amour du cinéma suédois.
J'ai tourné cet été un film à New York et j'étais content de dîner chez moi, de dormir dans mon lit, mais j'ai hâte de repartir pour l'Europe.
Et pour le plaisir
Rebecca Halle
que mon mari a préféré à la sexy Scarlett Johansson.
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dimanche, 26 octobre 2008

Pour oublier l'heure d'hiver

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Pour oublier l'heure d'hiver qui attriste Pierre et la nuit venue plus vite, un bon ciné.

Le dernier film de Woody Allen "Vicky Christina Barcelona".

On retrouve le thème cher à ce cinéaste, la relation entre les hommes et les femmes. Mais sans le psy, enfin presque. C'est léger cette fois, un maillage délicat où se mêlent et se défont les amours. 

Deux jeunes amies américaines passent des vacances à Barcelone.

L'une a déjà fait le choix de sa vie, ses certitudes seront mises à l'épreuve d'une ville passionnée et romantique. L'autre cherche et sera prise dans un tourbillon amoureux.

Une déclaration d'amour passionnée à Barcelone et à l'Espagne.

Superbe bande-son où règne la guitare espagnole.

Après une série de films noirs, j'ai retrouvé le Woody Allen que j'aime avec sa fougue, sa jeunesse et sa fantaisie.

 


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Moi prof, toi élève...

à Léopold qui par ses commentaires a fait resurgir un vieux souvenir...

Le professeur est sur l'estrade me dit Léopold.  Et où est l'élève ?

Le prof n'est plus sur l'estrade, Léopold. Et où est l'élève ? La question reste posée. Quelque part entre le jeu vidéo qu'il a quitté peu de temps avant le cours ou déjà dans le couloir où il pourra lire ses SMS. Entre les deux, il flotte. Capter son attention est un art difficile. De plus en plus me semble-t-il. Pour moi tous les moyens étaient bons.

Souvenir.

C'était dans un lycée technique, des garçons presque exclusivement. Comme je l'ai déjà raconté, le foot était un de mes outils pédagogiques pour introduire le cours. Pas le seul quand même.

Je me souviens de ce garçon, très complexé. Faible en Français mais surtout détestant la discipline. Une relation de confiance s'était établie assez vite entre nous sans que je sache pourquoi. J'ai ainsi appris  qu'il était un supporteur fanatique de l'OM, le club marseillais. Il employait toujours la périphrase "La Cité phocéenne" pour exprimer son adoration. Je me suis souvenue fort à propos que ma fille avait été également supportrice passionnée de ce club, quand elle était au collège et qu'il traînait encore chez moi, dans un carton, une écharpe blanche et bleue  de coupe d'Europe. D'un match italien dont j'ignorais l'importance, il me semble que c'était Milan et il me semble que c'était de l'année où Marseille avait gagné la Coupe d'Europe. Bref, je crois que ça s'appelle une écharpe "collector". Avec l' accord,  difficilement obtenu de ma fille même si à ce jour elle supporte Lyon, j'ai promis à mon jeune enragé pro-marseillais, l'écharpe en question, s'il avait sa moyenne durant toute l'année en Français.

Non seulement il y est parvenu mais à la fin de l'année il aimait lire. L'année suivante il a obtenu sa moyenne à l'épreuve anticipée de Français au Bac.

Un grand moment d'émotion quand je lui ai remis l'écharpe solennellement devant toute la classe.

vendredi, 24 octobre 2008

Chine : ça va bouger dans les campagnes.

Ce n'est pas moi qui le dis mais  Courrier International.

La Chine des parcelles, telle qu'on la voit actuellement, risque de changer.

Des raisons géographiques mais aussi des raisons économiques et politiques dictaient leurs lois aux paysages ruraux.

Depuis 1983, les paysans avaient un droit d'exploitation et non un droit de gestion sur leurs parcelles qui restaient propriétés de l'État. Les collectivités locales ayant la mission difficile de répartir ces parcelles, minuscules-un demi-hectare- entre les paysans. La plupart d'entre eux, ne pouvant en vivre, abandonnaient à d'autres ce droit d'exploitation mais sans pouvoir en tirer profit par une location.

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Une réforme du foncier rural, très récente en date du 12 octobre 2008, leur octroie le droit de gestion, même si la terre reste propriété de l'État.

Ils pourront ainsi la louer, l'hypothéquer, la transmettre.

Cela devrait également mettre fin au morcellement des terres qui était un obstacle à la modernisation de l'agriculture. Par le regroupement devenu possible des parcelles, on pourrait assister au développement des grandes exploitations et d'une agriculture intensive.

Mais ce qui manque encore au paysan chinois c'est la reconnaissance de la société, tant son statut est toujours méprisé. Et ça ne peut se faire par décret politique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les paysans chinois restent attachés à Mao : à défaut de leur avoir donné à manger, il leur avait donné une dignité.

Pour nous, c'est drôle de constater que la Chine fait des pas vers la propriété privée quand nous redécouvrons la nécessité du contrôle de l'État.

mercredi, 22 octobre 2008

Prendre le risque de vivre

Retour du Havre. Je vous épargne mon documentaire habituel ! D'autant que cette fois nous avons visité Rouen, très jolie ville médiévale. Étonnant comme ces deux villes, Le Havre et Rouen sont à la fois proches géographiquement et éloignées d'apparence.

IMGP0817.JPG Reprise des activités quotidiennes, en l'occurence, à l'École des Grands-Parents, une conférence passionnante, donnée par un sociologue, sur le rôle des Grands-Parents face aux conduites à risques des adolescents.

L'adolescence a toujours été ce grand bouleversement qu'on connaît mais ce qui change pour l'adolescent d'aujourd'hui, d'après ce conférencier, est le contexte actuel. Il se retrouve face à des adultes qui ne veulent pas vieillir. Une histoire de place finalement. Comment avoir envie d'avancer vers l'avenir sachant que le futur ce sont les rides qui font peur. Si le parent veut garder sa place de jeune quelle place pour l'adolescent ?

D'où les conduites à risques pour trouver sa place, différentes selon les garçons et les filles. Les garçons plus tournés vers l'extérieur. Violence, agressivité, toxicomanie, accidents de voiture. Pour les filles, troubles alimentaires, consommation de médicaments, tentatives de suicide.

Le rôle des grands-parents ? Maintenir le lien. (Maintenir : tenir la main). Donner aux jeunes l'envie d'avancer vers les rides, d'avancer vers la vie.

Ce sociologue, qui dirige un centre d'accueil des adolescents en difficulté, a d'ailleurs souligné la chance des adolescents d'aujourd'hui d'avoir leurs grands-parents. Des adultes qui sont à la bonne distance, proches dans l'affection sans être étouffants.

En conclusion, presque un éloge du risque. Le risque c'est aller vers la vie. L'addiction étant la peur de vivre, souvent le propre d'adolescents trop sages et trop dociles.

Risquer, c'est vivre. N'est-ce pas ce que nous faisons avec nos blogues...quand on court le risque de recevoir certains commentaires !!!!