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mardi, 04 novembre 2008

Souvenir d'un poète

Louis-Paul, en citant Lamartine sur son blogue, m'a donné envie de relire ce poète. Je l'avais vénéré à une époque puis renié et peut-être retrouvé. Signe de vieillissement ?

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Milly, la maison d'enfance que le poète a dû vendre.

Milly ou la terre natale

Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.

Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...

(...)

Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme,
Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,
Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux
Submergeaient lentement nos barques de roseaux,
Le chêne, le rocher, le moulin monotone,
Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne,
Je venais sur la pierre, assis près des vieillards,
Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards !
Tout est encor debout; tout renaît à sa place :
De nos pas sur le sable on suit encor la trace;
Rien ne manque à ces lieux qu'un cœur pour en jouir,
Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir.

Alphonse de Lamartine

lundi, 03 novembre 2008

Les folles de la Salpêtrière

à Léopold

Comme le livre d'Enquist m'a marquée, je vous en propose un nouvel extrait.

756px-Étienne_Jeaurat_001.jpg

Conduite des filles de joie à la Salpêtrière au XVIIIème siècle.

"En 1657, la mendicité fut interdite à Paris, les mendiants furent arrêtés et conduits à la Salpêtrière, qui au XVIIIè siècle devint le plus grand hospice d'Europe avec plus de huit mille patients et prisonniers.

Personne n'arrivait à distinguer ces deux notions, patient t prisonnier. On finit par se mettre d'accord pour dire patient.

Les vieux, les sans-ressources, les mendiants, les prostituées atteintes de maladies vénériennes, les paralysés, les malades chroniques, les spastiques, les malades mentaux et les enfants abandonnés, tous furent réunis là. Aussi ceux qui n'entraient dans aucune de ces catégories mais qu'on avait fini par définir ainsi. Ceux qui se trouvaient tout en bas de l'échelle séjournaient dans le ventre du Château, la cavité abdominale qu'on appelait les Loges des Folles : des caves avec sol en terre battue destinées aux  femmes aliénées démentes, ou les patientes les plus faibles étaient rapidement mises à mort par des hordes de rats belliqueux qui dans le noir engageaient la lutte pour la survie, une lutte qu'ils remportaient généralement face à ces intruses d'un âge avancé."

Pendant la Révolution française, l'aliéniste Philippe Pinel, esprit marqué par les Lumières, devient directeur de la Salpêtrière. Il tente d'humaniser le lieu et de libérer les femmes.

"Citoyen Pinel serais-tu fou pour libérer ces femmes animales !"

Il obtient gain de cause.

"Quelques centaines de femmes furent alors remontées à la lumière du jour. Une foule révoltée effrayée par l'aspect physique de ces femmes se jeta sur Pinel. Celui-ci fut sauvé par un soldat du nom de Chevigne, qu'il venait de libérer de dix années aux fers."

dimanche, 02 novembre 2008

Amor omnia vincit

396px-Pr_Charcot_DSC09405.jpgAmor omnia vincit : lettres tracées sur une chemise contenant des carnets.

Ceux qui autorisent une biographie de fiction, celle de Blanche Wittman, enfermée à la Salpêtrière et devenue l'objet d'expérience préféré de Charcot.

C'est elle qui est représentée sur ce tableau, elle dont on ne sait rien d'autre mais à qui Per Olov Enquist invente une vie dans son roman

"Blanche et Marie".

Marie, c'est Marie Skłodowska Curie, récompensée deux fois par un prix NobeL

Dans cette fiction, Blanche serait devenue l'assistante de Marie. Histoire émouvante d'amitié entre deux femmes dont les destins illustrent la difficulté d'être femme au XIXème siècle.

Le siècle le plus abominable pour les femmes.

Blanche souffre d'hystérie, enfermée à la Salpêtrière avec 6000 femmes, toutes étant censées souffrir de cette maladie.

Charcot est le grand médecin spécialiste assisté de jeunes disciples dont Freud et Jung.

Quand on referme le livre, on se demande si ce ne sont pas ces médecins qui ont rendu ces femmes malades d'ailleurs la maladie n'a-t-elle pas disparu avec eux ?

"L'hystérie disparut purement et simplement. On lui donna d'autres noms."

Blanche est donc enfermée à 16 ans dans cet hôpital appelé Le Château et y restera également 16 ans. Plus tard, Enquist en fait l'assistante et amie intime de Marie Curie. Ce qui lui vaudra d'être amputée progressivement de tous ses membres et de terminer sa vie femme-tronc vivant sur ne caisse en bois à roulettes. Un cadeau du radium.

"Le radium, la mort, l'art et l'amour."

Quant à Marie, l'histoire nous rapporte une période noire de sa vie. Pierre est mort. Elle s'enfouit dans le deuil pendant trois ans. Elle revient à la vie avec une brève histoire d'amour. Paul Langevin, le savant devient son amant. Il est marié.

Éclate alors un scandale abominable. C'est une nouvelle affaire Dreyfus. Et ce sont les mêmes qui s'acharnent contre elles. Slogans, pierres, articles de presse contre "l'étrangère, juive et polonaise". Marie doit fuir. C'est à ce moment qu'lle reçoit le prix Nobel de physique, le second. Le premier, celui de Chimie elle l'avait partagé avec Pierre. À cause du scandale, l'Académie royale de Suède lui déconseille de venir recevoir son prix. Pourtant elle se présente courageusement.

Ce roman d'un écrivain suédois est absolument bouleversant. J'ai rarement lu, et je n'ose dire "jamais", sous la plume d'un homme une telle empathie vis-à-vis des femmes.

Reconstitution minutieuse de la Salpêtrière, un château des horreurs.

"Une forteresse dans Paris, un château. La Salpêtrière l'était réellement, et c'est là qu'on rassemblait les femmes qui avaient été troublées par l'amour. Celles qui avaient des moeurs dissolues, les vieillissantes, et celles qui étaient sur le point d'entrer en amour mais que l'impatience avait fait s'effondrer. Elles avaient ceci en commun : l'amour avait joué un rôle pour toutes, et elles avaient été déçues."

Parmi les patientes célèbres du docteur Charcot, Jane Avril, devenue danseuse au Moulin-Rouge et immortalisée par Toulouse-Lautrec.

S1068~Jane-Avril-1899-Posters-1.jpgHystérique, folle...ainsi était diagnostiquée une femme trop amoureuse ou qui sortait des clous à la fin du XIXème siècle.

Enfermée à la Salpêtrière.

Quant aux remèdes, on croit halluciner.

Charcot dessinait sur le corps de ses patientes des points dits hystérogènes. Il avait inventé une ceinture de compression ovarienne, censée agir sur ces points et freiner les crises.

Mais il était surtout célèbre pour ses séances d'hypnotisme. Il les pratiquait en public. Pas seulement avec des étudiants en médecine, non ! Il y avait des journalistes, le Tout-Paris se bousculait aux séances du docteur Charcot le vendredi.

Certaines patientes répondaient mieux que d'autres à ces soins et sont devenues des vedettes. Comme Blanche Wittman.

On a même parlé de supercherie.

Un livre vraiment émouvant et instructif.Un regard particulier sur l'hystérie qui pourrait n'avoir été qu'une maladie inventée par les hommes dans un siècle intolérant au désir des femmes.

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vendredi, 31 octobre 2008

La fleur de l'empereur

18144829.jpgEn Chine, le chrysanthème est la fleur de l'empereur. C'est un symbole de longévité.

Une fête lui est consacrée en octobre, appelée aussi fête du double 9.

Le 9, signe de l'éternité.

Yang Zimou avait célébré cette fête dans son film "Cité Interdite".

Une histoire qui se déroule au Xème siècle, sous la dynastie Tang.

Une tragédie qui, à la manière de nos tragédies classiques, respecte la règle des trois unités : de temps, une journée, de lieu, le palais de l'empereur a l'époque Tang et d'action. Une action qui n'a rien à envier à nos tragédies grecques.

L'impératrice, interprétée par la très belle Gong Li, est obsédée par les chrysanthèmes qu'elle brode partout, inlassablement. Mais un complot intérieur à la famille trouble la fête, le sang coule et les chrysanthème sont piétinés par les chevaux.

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Des chrysanthèmes par milliers

jeudi, 30 octobre 2008

C'est pas gagné.

Tout le monde vote Obama. Sur l'ensemble de la planète il l'emporterait avec environ 70°%. Avec sans doute beaucoup d'illusions en dehors des États-Unis.

Mais c'est pas gagné.

Dans le Courrier International d'aujourd'hui, un tableau récapitulatif très intéressant.

"Comment ils votent habituellement"<

LES NOIRS : traditionnellement démocrates, forte mobilisation. 95% acquis.

Les WASPS : 60% pour les Républicains chez les Hommes, les femmes votent davantage démocrate.

LES HISPANIQUES : vote démocrate en progession, pourraient faire basculer l'élection.

LES JEUNES: votent démocrate mais incertitude sur leur participation.

SENIORS : les plus de 65 ans voteront Mac Cain.

OUVRIERS : vote plutôt républicain et risque de rejet raciste.

CADRES : le vote serait plutôt démocrate, affichent une forte volonté de changement.

Toujours dans Courrier :

THE PHOENIX  de Boston, un journaliste, Steven Stark

imagine un scénario possible (catastrophe ?)

5 novembre 2008

"Dès 20 heures il était clair que la lame de fond annoncée par certains médias et par le camp Obama n'était peut-être pas en train de se matérialiser."

"De même dans le Missouri et dans l'Ohio, où McCain affichait des chiffres d'un vigueur étonnante parmi les électeurs catholiques et les ouvriers. Exactement comme en 2004, la Floride a fait preuve d'un penchant inattendu pour les républicains, en dépit de la crise du logement. Puis les résultats du Minnesota sont tombés, et énorme surprise supplémentaire, ils étaient également très disputés".

 

D'après ce journaliste, les médias favorables à Obama ont eu tendance à amplifier son avance.

 

mardi, 28 octobre 2008

Brothers de Yu Hua

arton9145-b6aec.jpgYu Hua, écrivain chinois que je lis depuis dix ans et que j'aime tout particulièrement parce qu'incomparable. Une écriture prodigieuse. Comme Lao She, un auteur inclassable. Son dernier roman, "Brothers",  a été remarqué par le Courrier International. 

Yu Hua est né en 1960, il  était  enfant pendant la Révolution culturelle dont ses parents ont souffert. De ce point de vue "Brothers" est sans doute largement autobiographique. Mais ce qui m'émerveille dans tous les romans de Yu Hua, c'est la gamme infiniment variée des registres de langue qu'il utilise. Sans transition il passe de l'humour, de la dérision voire de la farce populaire à la tragédie, au pathétique, à la mélancolie.

Dans ce roman, lecteurs sensibles s'abstenir, le langage peut se faire scabreux voire scatologique.

C'est l'histoire de deux demi-frères, de la Révolution culturelle  à nos jours. L'un des frères réussit et devient homme d'affaires, l'autre connaît un destin tragique. L'histoire se passe dans un gros bourg au Sud de la Chine, le bourg de Liu. 

Le roman s'ouvre sur des pages dont je me suis particulièrement régalée. Il faut savoir, qu'en Chine, il est un problème pour les touristes qui parfois tourne au cauchemar, c'est celui des toilettes, préoccupation de tous les étrangers. D'abord parce que jusqu'à une période récente l'expression "toilettes publiques" étaient un pléonasme : il n'y en avait pas d'autres. On se retrouvait dans des espaces communs aux hommes ou aux femmes. Obligés de s'accroupir ensemble au-dessus d'une rigole ou d'une fosse d'aisance.

Peut-être que j'insiste trop mais c'est parce que ce roman débute aux toilettes. Le père d'un des deux frères est mort en tombant dans une fosse sceptique pour avoir essayé d'observer le derrière des femmes. La Chine était un pays pudique : encore dans les années 60,  aucune image de femmes nues.

"En ce temps-là, les toilettes publiques n'étaient pas comme aujourd'hui...A l'époque, seule une mince cloison séparait le coin des hommes de celui des femmes, et la tranchée qui courait en dessous était commune aux deux sexes. Les bruits on ne peut plus explicites de défécation et de jets d'urine qui provenaient du côté des femmes nous enflammaient l'imagination. Alors, à l'endroit où aurait dû se trouver votre derrière, vous glissiez avidement la tête et, les deux mains arrimées à la planche, le corps plié en deux, les yeux irrités par la puanteur, sans prêter attention aux asticots qui grouillaient autour de vous, tel un champion de natation qui s'apprête à plonger , vous lanciez votre tête et votre corps le plus loin possible en avant de façon à apercevoir la plus grande suface possible de postérieur."

C'est ici que commence l'histoire. L'un des deux frères se livre à cette acrobatie qui lui permet, avant d'être surpris par un importun, d'observer cinq derrières de femme.

"Celui qui plut à Li Guangtou, c'était celui qui n'était ni gros ni maigre. Il l'avait juste devant les yeux, c'était le plus rond des cinq..."

Ce petit derrière rond appartient à l'héroïne du roman dont le destin sera lié à celui des deux frères.

La première partie du roman se déroule ainsi pendant la Révolution culturelle. Elle anéantira leurs parents. Enfants livrés à eux-mêmes, les deux frères découvriront de  l'existence l'aspect le plus tragique. Yu Hua n'est pas tendre pour ses compatriotes. Les habitants du bourg de Liu s'adaptent trop bien aux exactions de la révolution. Les deux frères deviennent adultes, l'époque a changé. "Enrichissez-vous" est devenu le mot d'ordre et les habitants du bourg de Liu, de révolutionnaires deviennent consommateurs. Yu Hua emprunte à Kafka pour décrire la nouvelle folie qui saisit les villageois. Il joue avec l'absurde. C'est à ce moment que les chemins des deux frères vont diverger. Même le lien qui les unit n'est jamais rompu.

C'est vraiment une saga palpitante à lire pour comprendre l'évolution de la Chine durant ces dernières décennies.

IMGP0423.JPG Les toilettes dans un village du Guizou
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Yu Hua et l'une de ses traductrices.

lundi, 27 octobre 2008

Pourquoi on l'aime...

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Extrait d'un entretien dans Télérama.
...vous trouvez désormais plus d'argent pour vos films à l'étranger qu'aux États-Unis ?
Absolument. Je me sens un peu comme les jazzmen des années 60, les as du be-bop obligés de s'exiler en Scandinavie ou en France. En fait, je peux trouver des capitaux aux États-Unis, mais les producteurs éventuels demandent un droit de regard sur le scénario et sur le choix des acteurs.
Et je ne peux pas travailler comme ça. Mais du coup je réalise un de mes fantasmes : quand j'avais 20 ans, je rêvais d'être Truffaut, Fellini, Godard ou Resnais. Ces types étaient des modèles pour moi. Voilà : j'ai lontemps été un cinéaste indépendant américain, aujourd'hui je suis un cinéaste étranger, un réalisateur européen. J'aimerais retourner à Paris, ou dans le Sud de la France, et puis à Rome, et à Venise, pourquoi pas à Stockholm, vous connaissez mon amour du cinéma suédois.
J'ai tourné cet été un film à New York et j'étais content de dîner chez moi, de dormir dans mon lit, mais j'ai hâte de repartir pour l'Europe.
Et pour le plaisir
Rebecca Halle
que mon mari a préféré à la sexy Scarlett Johansson.
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