jeudi, 02 août 2012
Sorti du grenier...
L'été est propice au rangement, au tri... Je jette facilement mais Roso renâcle : il conserve, c'est le roi des archives... Aujourd'hui il a extirpé du grenier des dossiers poussiéreux dans lesquels j'ai retrouvé des copies d'élèves que j'avais conservées... C'était en juin 1974, dans une classe de seconde et je devais quitter l'établissement en fin d'année... Motif sans doute de cet archivage sentimental. Une classe dont je me souviens comme ayant été très agréable. J'ai parcouru ces textes d'élèves du 17 juin, sujet libre sans doute et j'avais dû demander aux intéressées de recopier elles-mêmes leurs écrits car il n'y a pas d'annotations. Ecritures d'adolescents, pour la plupart sympathiques mais sans plus. L'un de ces textes m'a amusée et que je vous livre...
"Ils sont là, tous assis derrière un bureau
la tête appuyée sur la main, le regard rêveur
ils suivent le cours
le cours de la rivière ou
le cours de leurs pensées.
Ils regardent sans voir
écoutent sans entendre.
Lui continue de parler
content puisqu'ils sont silencieux.
Il parle, il démontre, il affirme.
Mais eux ne sont déjà plus là
ne sont plus enfermés entre ces quatre murs.
Et ces bureaux n'existent plus.
Chacun rêve à quelque chose
de plus profond, de plus merveilleux
que cette pièce carrée.
Certains regardent des images sur le mur.
Le professeur fait un signe
que chacun revienne sur terre.
Mais ils sont trop loin
ils ne l'entendent plus.
Une seule chose peut arrêter leur voyage
aussitôt ils seront sur terre,
c'est la cloche.
Cette cloche ! La seule voix
qui leur fait plaisir
qui les enchante."
L'auteure : Brigitte L... dont je n'ai aucun souvenir, ni le nom ni le visage ne me reviennent en mémoire. Sans doute une de ces élèves silencieuses qui s'ennuient poliment.
Qu'est-elle devenue ? Elle doit avoir passé la cinquantaine...Quelle femme a-t-elle été ?
17:19 Publié dans D'une génération à l'autre, Souvenirs de prof | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook | Imprimer
lundi, 02 juillet 2012
Lecture de vacances
A priori j'ai une certaine méfiance vis-à-vis des livres à succès et je n'aurais peut-être pas lu "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan si on ne me l'avait pas offert.
J'ai été conquise.
Ce n'est peut-être pas un grand livre mais c'est un roman très touchant et profondément humain.
Une histoire de famille de plus... Certes, un peu trop au goût du jour mais l'art de l'auteure est de nous impliquer très fortement.
Delphine de Vigan raconte l'histoire de sa mère, en commençant par son suicide, pour reconstituer toute sa vie. Quelle est la part de fiction ? La question nous effleure mais sans doute vaut-il mieux ne pas se la poser. À travers une vie douloureuse, on remonte aux sources de la maladie mentale avec sa part d'hérédité, de circonstances familiales, de faits de société...Comment peut-on s'en sortir quand on en est la fille ? Par l'écriture vraisemblablement.
Ce qui m'a surtout intéressée dans cet ouvrage c'est le parcours de cette baby-boomeuse, puisque le personnage est de ma génération, avec la force vitale qui la caractérise mais aussi les faiblesses, les ruptures que nous avons connues.
Je suis née dans une famille nombreuse et j'ai retrouvé l'atmosphère propre aux grandes fratries même si la mienne était aux antipodes de celle du roman. Il y a des constantes par delà les milieux sociaux ou culturels.
La famille peut être toxique ...car elle est source de vie. À l'occasion du festival de cinéma auquel j'ai assisté début mai, j'ai entendu Michel Farin affirmer ceci : "la famille est le lieu de toutes les violences car elle est à l'origine de la vie". C'est précisément ce que ce livre vérifie. La famille idéale, la famille modèle n'existe pas...
En tout cas un livre pour les vacances mais je pense que beaucoup d'entre vous le connaissent déjà !
17:21 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | Imprimer
lundi, 09 avril 2012
Le virtuel... quelle histoire !
Nous avons passé le week-end pascal avec notre plus jeune fils qui travaille dans l'informatique. Plus exactement dans l'entreprise allemande SAP... Chaque fois il nous faut constater combien, son père et moi, sommes largués... Mais il est gentil et patient avec ses vieux parents et prend la peine d'expliquer... À son père qui a travaillé sur des chantiers industriels il décrit les chantiers virtuels : un chantier virtuel c'est un chantier comme un autre avec ses ingénieurs, ses techniciens, ses maîtres d'oeuvre... J'ai du mal je l'avoue ! Quand mon mari me parlait des vannes qu'il commandait pour ses constructions je me représentais la chose mais le chantier virtuel... Et comment penser quand je choisis mon format PDF avant d'envoyer un document, qu'en fait j'utilise un produit de l'entreprise Adobe (on prononce adobi), une multinationale qui emploie des milliers de personnes dans le monde entier... Pour moi ce n'est qu'une fonction de mon ordinateur comme la position "coton" sur mon fer à repasser...
Bref, vraiment, dépassée...
19:48 Publié dans Au jour le jour, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook | Imprimer
jeudi, 22 mars 2012
Ils étaient deux frères...
Aujourd'hui on a enterré à Meyzieu, près de Lyon, le caporal Mohamed Legouad assassiné par Mohamed Merah, quelques heures après que son meurtrier a lui-même trouvé la mort.
Ils portaient le même prénom
ils avaient exactement le même âge, 23 ans.
Tous deux avaient grandi dans une cité,
issus tous deux de familles d'émigrés,
ils pratiquaient la même religion
ils étaient frères.
À nouveau Caïn a tué Abel,
à nouveau deux frères s'entretuent
comme Étéocle et Polynice pour la conquête de Thèbes.
Mais aujourd'hui nous n'avons pas Eschyle pour nous aider à prendre de la hauteur et à comprendre ce qui se joue dans la tragédie de deux frères qui s'entretuent. Deux destins qui ont bifurqué différemment. Sans doute à l'adolescence. Pour avoir enseigné à des garçons adolescents pendant quinze ans, je sais combien, plus que les filles, ils sont fragiles et influençables, pour le meilleur comme pour le pire. Celui de Meyzieu a rencontré le meilleur. La presse locale dit de lui qu'il avait été très impliqué dans son club de foot. L'autre n'a peut-être pas eu cette chance.
Aujourd'hui, face à la tragédie et aux règles cruelles du Destin, nous n'avons que polémiques, ragots et récupération politique.
Quelques secondes peut-être pour se recueillir loin du brouhaha médiatique avec ce très beau Psaume.
Psaume 40,7-11.
Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j'ai dit : « Voici, je viens. « Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j'aime : ta loi me tient aux entrailles. »
J'annonce la justice dans la grande assemblée ; vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais.
Je n'ai pas enfoui ta justice au fond de mon coeur, je n'ai pas caché ta fidélité, ton salut ; j'ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée.
19:59 Publié dans Au jour le jour, Chronique lyonnaise, D'une génération à l'autre, Souvenirs de prof | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook | Imprimer
lundi, 19 mars 2012
Printemps du cinéma avec Elena.
La pluie et le tarif réduit du Printemps du cinéma m'ont empêchée d'assister à la séance que j'avais programmée pour voir Elena ce dimanche après-midi : la salle du Comoedia était déjà comble et il m'a fallu revenir à la séance suivante. Beau succès pour ce cinéma indépendant que les grands groupes avaient essayé de faire chuter en 2007. J'ai relu d'ailleurs avec plaisir les commentaires sur ma note de cette époque...
Bien que l'auteur Andrey Zvyagintsev, soit russe, l'histoire pourrait être universelle même si sa résonance est peut-être différente dans le contexte russe.
Une femme d'un certain âge vit avec un homme très riche alors qu'elle est issue d'un milieu très modeste auquel appartient la famille de son fils confrontée aux difficultés financières. L'homme riche a lui-même une fille, entretenue par papa, qui sait juste jouer auprès de l'auteur de ses jours -car il n'est rien d'autre pour elle- qu'une comédie suffisante pour obtenir son argent... et cela réussit puisque le riche vieux mari projette de déshériter sa femme au profit de sa fille.
D'habitude je n'aime pas trop faire de différence entre "le fond et la forme" mais je dois dire à propos de ce film que j'ai été émerveillée par la façon de filmer de Andrey Zvyagintsev. Un cinéma comme on n'en voit plus assez souvent. Des images à la fois sublimes, dépouillées, sobres mais aussi très réalistes. Des clairs-obscurs, des portraits splendides : tout est mis en oeuvre pour sublimer une héroïne, magnifique d'humanité même si elle commet l'irréparable...
De même une organisation narrative très efficace. Le schéma narratif est réduit à l'essentiel de l'action, les dialogues minimalistes. Le film en est donc d'autant plus percutant.
Mais il faut saluer surtout l'interprétation absolument exceptionnelle de l'actrice Nadejda Markina qui crée un personnage superbe et très émouvant. On peut l'analyser d'un point de vue sociologique, celui d'une femme dépassée qui perd ses valeurs morales dans une Russie où règne le cynisme...
Impossible pour moi de la réduire ainsi car le réalisateur et surtout l'actrice, donnent au personnage une impressionnante intériorité : c'est une femme muette, au service de son mari et de sa famille, qui se trouve tellement écartelée qu'elle en arrive au crime. Dans l'adversité, elle fait preuve d'une détermination qui prend le spectateur par surprise.
Elena, c'est une mère emblématique prête à tout pour défendre sa famille. Un personnage éternel autant qu'universel.
10:33 Publié dans Au jour le jour, Chronique lyonnaise, Ciné-club, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma | Facebook | Imprimer
mardi, 13 mars 2012
Les Mille et un jours des Cuevas
Surprenant de voir le fantastique se mettre au service de l’Histoire. L'auteur de ce roman, Juan Manuel Florensa, lui-même fils de réfugiés républicains espagnols, raconte l’histoire d’un jeune homme possédant le don de revivre des événements historiques qui lui sont inconnus. C’est ainsi qu’il part à la recherche de l’histoire de sa famille en grande partie décimée par le franquisme. Hébergé par son grand-père, il retrouve la douloureuse histoire des républicains espagnols, plus spécialement des anarchistes.
La particularité de cette page de l’Histoire espagnole est … qu’elle n’a pas encore été écrite ou si peu. Une chape de silence a recouvert l’Espagne jusqu’en 1975. Pendant « nos » Trente glorieuses, on a continué en Espagne à torturer et à emprisonner. Ensuite les Espagnols ont voulu rejoindre le reste de l’Europe plutôt que d’activer leur mémoire. Et tous ces non-dits accumulés de part et d’autre de la frontière continuent de faire des ravages.
Cette page d’histoire, on la découvre ainsi à travers la vie des quatre générations de la famille Cuevas… Un arrière-grand-père sauvagement massacré, son fils Antonio qui après s’être battu avec les Républicains a connu l’exil qu'il commence par le camp de concentration d’Argelès : c’était en France et en 1939… Tristement prémonitoire… On ne sait pas grand-chose de son fils soucieux d’intégration et de réussite sociale mais c’est le petit-fils, Régis, qui ouvre grandes les portes de la Mémoire…
Bien que passionnant ce roman historique est destiné aux lecteurs persévérants car l’écriture de ce gros livre est difficile et parfois déroutante. Tantôt sobre et poétique, tantôt boursouflée en se voulant épique, parfois ordurière : bref déconcertante !
http://www.facebook.com/pages/Les-mille-et-un-jours-des-C...
15:01 Publié dans Coups de coeur, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | Imprimer
jeudi, 01 mars 2012
1er mars.
Aujourd'hui premier mars, c'est l'anniversaire de mon fils aîné...
Mais c'est pour nous plus souvent l'occasion d'évoquer cet ancien temps, où, avant le XVIème siècle, l'année commençait dans certaines régions, le 1er mars. C'est l'Édit de Roussillon qui a fixé le début de notre année au 1er janvier.
Roussillon est une petite commune de l'Isère où précisément nous habitions quand ce fils est né.
C'était au milieu des années 70. La ville vivait sous l'hégémonie paternaliste de Rhône-Poulenc, la très grande entreprise de Chimie dans laquelle mon mari travaillait. Plus de 2000 personnes étaient alors salariées de Rhône-Poulenc : pour une agglomération-Le Péage de Roussillon- qui à l'époque devait compter moins de 20 000 habitants c'était énorme. École, hôpital, stades, clubs sportifs : toute la ville était sous l'égide du géant de la chimie.
Château de Roussilon où fut signé l'Édit
Mais c'était la fin de l'âge d'or.
Choc pétrolier oblige, le coût du travail a commencé à peser et Rhône-Poulenc a procédé -dès 1972- aux premiers licenciements de sa branche textile : Rhodiacéta.
Les ouvriers ont occupé leur usine pendant plus de deux ans. En vain.
L'engin destructeur d'emplois s'était mis en place et ne s'est plus arrêté depuis.
11:31 Publié dans Au jour le jour, D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (16) | Facebook | Imprimer