lundi, 18 février 2008
L'inventaire d'Annie
Annie Ernaux, dont je suis une lectrice fidèle depuis de nombreuses années, vient d'inventer un genre nouveau et original en Littérature :
l'autobiographie collective.
Notez la contradiction entre "autobiographie" et "collectif" et pourtant c'est vrai avec son dernier ouvrage "Les Années"qui vient de paraître chez Gallimard.
Incontestablement c'est une autobiographie. L'auteure fait le récit de sa vie appuyé sur deux jalons : les photos, qui la montrent aux différentes étapes de son existence, et les repas familiaux, témoins de l'évolution des moeurs et des mentalités sur ces 67 dernières années. Mais sur cette trame biographique solide, Annie Ernaux n'utilise pas la première personne. Jamais de "Je". Soit la troisième personne, quand elle observe "la dame de la photo", soit le "on" ou encore le "nous".
Et voilà pourquoi son autobiographie est collective.
Annie Ernaux est née en 1940, en Normandie. Sa préoccupation est de nous rendre, en s'appuyant sur des images et uniquement sur des images, l'évolution de notre univers.
Quand je dis le "nôtre" je pense bien sûr au mien même si je suis plus jeune, née ailleurs et dans un autre milieu. Mais c'est l'album de toute une génération.
Elle nous invite à feuilleter cet album de photos commun, depuis l'après-guerre, période de ses premiers souvenirs, jusqu'à l'élection du président actuel.
Album d'une génération dont elle dit "qu'elle ne serait pas certaine de connaître l'an 2000."
Le fil directeur : l'évolution inexorable vers ce qu'elle appelle "l'ordre marchand" qui peu à peu prend le pas sur la religion, la culture, la morale et récemment les convictions politiques.
Grignotage lent et insidieux auquel nous avions pensé échapper en 68, mai 81 et 89 avec la chute du mur de Berlin. "Ordre marchand" qui s'est quand même imposé.
Elle ne juge pas, elle observe avec une patience d'entomologiste.
Son enfance, (la nôtre ?) une France rurale (oui, encore) et pauvre. "Tout devait faire de l'usage.... Rien ne se jetait"
Une France immobile.
"La France était immense et composée de populations distinctes par leur nourriture et leurs façons de parler, arpentée par les coureurs du Tour dont on suivait les étapes sur la carte Michelin punaisée au mur de la cuisine. La plupart des vies se déroulaient dans le même périmètre d'une cinquantaine de kilomètres. Quand s'élevait à l'église le grondement vainqueur du cantique "Chez nous soyez reine" on savait que chez nous désignait là où on habitait, la ville, au plus le département."
Puis arrivent les années 60 avec ce qu'on ignore être le début de la société de consommation : c'est au contraire une marche heureuse et quasi béate vers le Progrès.
"On n'en revenait pas du temps gagné avec les potages express en sachet, la Cocotte-Minute et la mayonnaise en tube...."
"Les gens ne s'ennuyaient pas, ils voulaient profiter."
Mais, déjà
"La profusion des choses cachait la rareté des idées et l'usure des croyances."
Annie Ernaux poursuit ainsi cette marche vers le triomphe du matériel mais aussi des différentes formes de libérations. Elle fait revivre les décennies de la fin du XXème siècle. Elle restitue minutieusement ces images de la vie quotidienne et des événements historiques car, dit-elle, les images sont condamnées à disparaître.
Et nous arrivons pas à pas à ce triomphe de "l'ordre marchand" dont elle écrit également
"Le temps commercial violait de plus belle le temps calendaire. C'est déjà Noël soupiraient les gens devant l'apparition au lendemain de la Toussaint des jouets et chocolats dans les grandes surfaces, débilités par l'impossibilité d'échapper durant des semaines à l'enserrement de la fête majeure qui oblige de penser son être, sa solitude et son pouvoir d'achat par rapport à la société - comme si une vie entière aboutissait à un soir de Noël."
Et c'est ainsi que s'impose une conclusion quelque peu pessimiste
"Dans le brassage des concepts il était de plus en plus difficile de trouver une phrase pour soi, la phrase qui, quand on se la dit en silence, aide à vivre."
10:25 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : VIVE LA VIE, 2008, Mai 68 | Facebook | Imprimer
jeudi, 31 janvier 2008
2008... un mois.
Inspirée par l'anniversaire de mai 68 j'avais promis de compléter l'inventaire de 2008. Comme je me suis limitée à vos commentaires, ce n'est pas exhaustif.
J'ai tenté un classement !
Les 400 ans du Québec et mai 68, c'est fait...
Alors.
Côté SPORT...
avec la contribution de Pierre Ulm et du Faucon.
1968 : les JO d'Albertville.
1968 toujours, la première victoire, en rugby, du XV de France au tounoi des cinq nations.
1998:
BLACK, BLANC, BEUR....
Dix ans déjà.
2008 : les JO de Beijing.Des jeux qui risquent de montrer la suprématie des Chinois.
Du point de vu culturel, avec la contribution de Pierre et de Stéphane.
C'est varié !
Honneur aux centenaires,
encore vivants...
Germaine Tillon, une des premières ethnologues, et Résistante
et Claude Lévi-Strauss
qui pour moi a été la grande découverte en Terminale
"Le monde a commencé sans l'homme et il s'achèvera sans lui."
Claude Lévi-Strauss
Les défuntes,
nos "mères"
Françoise Dolto et Simone de Beauvoir même s'il faut aussi savoir "tuer" sa mère.
Pour ma part j'ai pris beaucoup de recul par rapport à l'une et à l'autre.
Il y aura aussi
les 50 ans de notre constitution...
en attendant la sixième
Puis je cite en vrac car ça me touche moins,
les 150 ans de l'apparition à la grotte de Lourdes,
les 70 ans des choeurs de l'Armée rouge
les 350 ans de la mort de Cromwell
événements rappelés par Stéphane.
Et pour ceux qui ont gardé une âme d'enfant :
les Schtroumpfs et les Legos ont 5O ans
Je termine par le plus important
il y aura 50 ans que Rosa est entrée en sixième-sur examen à l'époque- pour apprendre rosa, rosa, rosam...
19:15 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Vive la vie, 2008, mai 68 | Facebook | Imprimer
mardi, 15 janvier 2008
Hommage aux babyboomeuses
On n'est jamais si bien servi que par soi-même : c'est connu !
Ballade des Dames du temps jadis
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
François Villon
Messieurs, Cathy et moi attendons votre ballade aux belles blogueuses...
11:10 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : VIVE LA VIE | Facebook | Imprimer
lundi, 14 janvier 2008
Les (pas encore) bronzés font (si peu) du ski
Un week-end comme je n'aimerais pas trop en subir cette année.
Je ne vais pas me plaindre car ça peut passer pour un week-end de luxe mais je raconte.
Monsieur Cybermamie, comme l'appelle le Faucon, est un passionné de ski. Avec toute cette neige en montagne, cela fait plus d'un mois que les spatules le démangent ! L'aubaine (pour lui) est venue sous forme d'un week-end organisé à Val Thorens par son comité d'entreprise, institution obsolète dont je m'étonne que notre président n'ait pas encore songé à la supprimer.
Pas d'excuses donc le week-end étant largement financé.
Choix de la station fait par les "d'jeunes" de l'entreprise : cette station d'altitude est une usine à skier sans rien d'autre, station exclusivement fréquentée par les moins de 40 ans comme j'allais en faire l'expérience.
Déjà, le samedi il faut se lever à six heures et je n'en ai plus l'habitude... Arrivée au car "au radar", j'ai juste le temps de repérer un autre couple de notre génération.
Il pleuvine à Lyon et en montagne la neige tombe dru.
Début des difficultés, la gendarmerie impose les chaînes à notre chauffeur qui renâcle. Les 30 derniers kilomètres se feront à 20 kms heures et nous arrivons pour déjeuner.
Toujours ça de gagné.
Mais à l'accueil de la résidence hôtelière qui nous héberge, mes pires craintes se confirment.
L'entrée est envahie par des groupes de jeunes, garçons et filles, tous immenses, assurés, en terrain conquis. Aucun francophone tous parlent anglais, allemand ou néerlandais. J'ai écrit "groupes" mais j'ai plutôt l'impression de hordes : le temps des invasions barbares serait-il revenu ?
Malgré le mauvais temps, monsieur part skier et madame fait les lits puis bouquine.
Après ski, le temps étant toujours déplorable, tentative vers le bar de la résidence. Il est tenu par une jeune serveuse vêtue d'un "baggy" qui laisse voir la raie des fesses : elle ne parle pas un mot de français. Mon mari me traite de grincheuse parce que je refuse de passer ma commande en anglais, "il faut s'adapter". Moi j'estime que dans mon pays j'ai le droit de demander un thé en français et que ça ne fera pas de mal à la donzelle d'entendre de temps en temps quelques mots de français.
Repas du soir très sympa avec un menu savoyard et des serveurs très sympathiques, les seuls francophones avec nous...
Après dîner, monsieur Cybermamie a envie de suivre ses compagnons skieurs dans un bar à bière.
Nous sommes, là encore, les seuls français. La musique pilonne les oreilles, on ne peut pas parler mais j'apprécie l'absence des fumées de cigarettes, ce qui n'empêche pas le bar d'être bondé.
Au réveil, le paysage entrevu nous annonce que la journée sera belle. Ouf ! Car il faut vider les lieux avant 10 heures. Pour l'immédiat le souci est de faire un petit déjeuner correct : les hordes de jeunes sont passées avant nous et n'ont pratiquement rien laissé.
Ou plutôt si !
Des montagnes de déchets dans les assiettes, un gaspillage inouï de nourriture qui m'écoeure.
Et qui dégoûte aussi un jeune serveur car, me dit-il, "c'est tous les jours ainsi".
Finalement j'aurai pour la journée une compagne d'infortune venue elle aussi accompagner son mari. Et la journée passera tant bien que mal avec une promenade sur l'unique chemin pour piétons, un repas en terrasse que nous prolongeons le plus possible, au milieu des nouveaux riches d'Europe de l'Est, encore plus "bling-bling" que notre président, visiblement heureux d'être là.
Petite gâterie avant le départ, un passage à la coopérative laitière pour acheter l'excellent Beaufort d'été : je n'aurai pas tout à fait perdu mon week-end.
Dans le car du retour, je suis distraitement les commentaires des résultats sportifs de rugby et de foot en me disant que des femmes comme celles de ma génération : on n'en trouve plus !
08:55 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Vive la vie | Facebook | Imprimer
vendredi, 28 décembre 2007
Un an
J'ai ouvert ce blogue il y a un an grâce à la complicité de ma nièce Véro.
Je ne sais plus la date exacte, vers la mi-décembre. J'ai effacé mes premières notes que je trouvais trop nulles. C'était quelque part autour de Noël. Un noël marqué par l'angoisse et que je préfère oublier même si les causes de cette angoisse n'ont pas disparu.
Je me suis embarquée dans cette blogosphère, terre inconnue que je percevais semée d'embûches.
Terre marécageuse où j'avais peur de m'embourber.
Maquis impénétrable où je craignais d'être agressée.
Terre de tous les dangers que je ressentais comme n'étant pas pour moi.
Et puis j'ai assez vite rencontré des blogueurs qui m'ont rassurée et ont guidé ces premiers pas.
Laurence qui m'a écrit le premier com.
Choubine, dont le blogue "Choux de Siam" m'a mise en appétit.
Stéphane, dont les idées sont opposées aux miennes, mais qui m'a gentiment guidée comme Fauvette... dont les idées sont plus proches des miennes.
Puis sont venues les copines : Laurence Michèle, Cathy, Anne, Chacha...
Et ceux qui m'impressionnent et me font rêver ou méditer, prendre de la hauteur : les deux Bruno, Pierre, Rony,Ashab, Blandine.
J'ai même trouvé une consultante en fleurs : Baïlili et je reçois aussi des lyonnais, Mehdi, Patricia.
Je n'oublie pas mes visiteurs : Bleuenn, Pierre Ulm, Armand dont on craint toujours qu'ils ne reviennent jamais.
Car certains sont partis, ont baissé le rideau : Myster, Gaspard, Léa et je ne me serais jamais attendu à ce genre de pincement au coeur : il y a un âge où il est plus difficile de tourner la page.
Je ne vais pas terminer sur la nostalgie mais sur un certain émerveillement d'avoir vu craintes et appréhensions transformées en découvertes dont je ne pourrais plus me passer.
09:45 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (12) | Facebook | Imprimer
mardi, 11 décembre 2007
Le Résistant et les lycéens
J'ai déjà eu l'occasion de présenter Georges, "jeune homme" de 89 ans, ancien Résistant * et ancien déporté.
Lundi, j'ai eu la grande joie d'être invitée par mes collègues, dans mon ancien lycée pour assister à une rencontre avec les élèves.
Georges a été arrêté en 1943 à Dijon par la police française. Une première fois il a pu s'échapper mais la seconde il a été envoyé au Fort de Romainville comme "otage fusillable". On appelait ainsi les prisonniers susceptibles d'être fusillés par les Allemands en cas d'attentats opérés par la Résistance. Sans savoir pourquoi il s'est ensuite retrouvé à Sarrebruck, dans un camp disciplinaire où il est resté un mois puis a été expédié au camp de concentration de Mauthausen, "en wagon normal" a-t-il précisé. Ce camp, situé près de la plus importante carrière de granit d'Autriche, ouvert en août 1938, a pour particularité d'avoir été construit par les prisonniers eux-mêmes. Les premiers occupants ont été des républicains espagnols : réfugiés en France après la guerre d'Espagne ils ont été livrés aux Allemands par le gouvernement de Vichy. C'est une forteresse à laquelle on accédait par un escalier de 186 marches que les prisonniers empruntaient tous les jours pour aller travailler à la carrière, affaiblis par les coups de matraque et la faim.
Après cette présentation, Georges a répondu aux questions que les élèves avaient préparées en cours avec leur professeur.
POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ D'EN PARLER ?
- Aujourd'hui, quand quelqu'un subit un traumatisme violent, comme lors d'une prise d'otage, il est confié à des psy.
Vous êtes mes psy. Je ne suis pas là pour parler des tortures que j'ai endurées mais pour que les jeunes que vous êtes, et qui représentez l'avenir, ne refassent pas les mêmes erreurs.
AVEZ-VOUS CONNU JEAN MOULIN ?
- Je l'ai connu avant la guerre mais je ne l'ai pas rencontré pendant la Résistance.
Et Georges précise que Jean Moulin, en tant que préfet de Chartres, en 1940, avait refusé de signer une déclaration, que voulaient lui imposer les Allemands affirmant que les soldats sénégalais avaient commis des atrocités.
AVEZ-VOUS ÉTÉ TATOUÉ ?
-Non, ce n'est qu'au camp d'Auschwitz qu'on était tatoué.
POURQUOI ET COMMENT ÊTES-VOUS ENTRÉ DANS LA RÉSISTANCE ?
- De moi-même, j'ai voulu me battre sans savoir où j'allais, à l'insu de ma famille.
C'était difficile de trouver un contact quand on n'avait personne de sa famille dans un réseau.
Alors je me suis souvenu que quelques années plus tôt, alors que je n'avais que 17 ans, mon père étant d'origine espagnole j'avais participé à des distributions de tracts pour les Républicains. J'ai pensé que si je pouvais retrouver ces gens j'aurais des chances de tomber sur quelqu'un qui serait dans la Résistance. C'est ce qui s'est produit. On m'a emmené dans un lieu inconnu, dans la région de Dijon où je vivais et je n'ai jamais su les noms des gens qui étaient avec moi. Je me suis fait un ami qui m'a aidé, car je n'avais pas de vélo -indispensable ! - et nous en avons volé un à un soldat allemand. J'en ai bavé avec ce vélo allemand car il avait un pédalier fixe. De la même façon j'ai volé un revolver.
COMMENT FAISAIT-ON LES FAUX-PAPIERS ?
- Avec des pommes de terre. On coupait une pomme de terre en deux, on l'appuyait sur le vrai tampon et on le reproduisait sur le faux-papier.
AVEZ-VOUS PARTICIPÉ À DES SABOTAGES ?
-Oui, essentiellement des déraillements de train. C'était le plus facile. On déboulonnait les voies, ça prenait dix minutes. Un jour on a fait dérailler un train d'oranges, fruit très précieux et rare à l'époque. On les a distribuées aux gens, tout le monde était ravi.
RACONTEZ-NOUS VOS SOUVENIRS DE CAMP.
Je suis arrivé à Mauthausen en août 1943. Après une douche et un rasage on nous a remis notre costume. (Georges a apporté le costume, malheureusement ma photo prise à la verticale, ne ressort qu'à l'horizontale sur le logiciel du blogue)
On m'a collé un numéro accroché à un triangle rouge.
Ensuite je dois dire qu'il m'a été utile d'avoir appris l'allemand au lycée car les gardiens criaient notre numéro et ceux qui ne comprenaient pas étaient matraqués. Je répondais "ja" et aidaient mes camarades français à faire de même.
Ensuite on travaillait comme terrassier, en plein air toute la journée. Le matin on avait un bol d'une boisson noire baptisée café. A midi une soupe : de l'eau dans laquelle flottaient des feuilles ... Le soir un café, 150 grammes de pain et deux rondelles de saucisson ou de la margarine. A mon retour, je pesais 38 kg pour 1m75.
Je me suis un jour guéri moi-même de la dissenterie. Après m'être vidé pendant plusieurs jours je me suis souvenu avoir étudié au lycée les vertus du charbon. Avec des bouts de bois ramassés dans le camp et brûlés dans le poêle, j'ai fait du charbon de bois que j'ai avalé. Cela m'a sauvé.
Pour ce souvenir, comme pour l'allemand étudié au lycée, Georges insiste auprès des lycéens pour leur faire prendre conscience que rien n'est inutile dans les études.
En conclusion, Georges parle de sa libération et de son retour, en mai 1945. Les Américains leur ont dit : "vous êtes libres" mais les prisonniers survivants ont eu peur d'un repli des Allemands sur leur forteresse. Alors ils ont demandé des armes et ont gardé le camp pendant deux jours.
Rentré chez lui, Georges a décrété solennellement à sa famille qu'il ne voulait plus entendre des mots comme "boches" ou "youpins" car ce sont les mots qui tuent.
Il a aussi expliqué aux lycéens que Barbie n'avait pu être Barbie que parce que des Français l'avaient aidé : sans eux, ne connaissant pas Lyon, il n'aurait rien pu faire.
Il a laissé un dernier souvenir. Une de ses amies avait été accusée à tort de l'avoir dénoncé. Il est arrivé à temps pour la sauver de la mort.
J'espère pour ma part que les lycéens ont eu conscience de vivre un moment privlégié.
Un passage de témoin, entre eux et le Résistant et qu'ils sauront en être dignes.
*Pierre ulm, tu as noté que j'ai toujours écrit Résistant avec une majuscule !
23:55 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (31) | Facebook | Imprimer
lundi, 03 décembre 2007
Les grands-parents préparent Noël
A l'École des Grands-Parents, dans le groupe de parole auquel j'appartiens, nous avons réfléchi à Noël, à partir de deux axes :
- comment éviter le tourbillon consumériste
- comment donner du sens à cette fête.
L'Electron libre estime que le sens a disparu : non Rony, il ne faut pas "jeter le bébé avec l'eau du bain". Les jeunes générations souffrent précisément d'avoir perdu rites et rituels car ils étaient d'origine chrétienne.
Redonner du sens à cette fête, c'est le rôle dont se sentent investis les grands-parents de ce groupe. Pour certains religieux, pour d'autres non. Tous ont exprimé le souhait que cette fête soit l'occasion d'une pause dans cette frénésie boulimique d'achats mais aussi dans la vie trépidante des jeunes adultes.
Notre présidente,une professionnelle de la médiation familiale, nous a dit que, depuis novembre, ses consultations de grands-parents ne voyant plus leurs petits-enfants se multipliaient ; ce qui traduit les douloureuses blessures et le besoin de réunir le groupe familial pour Noël.
Nous avons donc abordé la délicate question des cadeaux aux petits-enfants. Je ne vais pas énumérer les façons de procéder des uns et des autres : ce qui nous a été commun c'est la volonté de ne pas ajouter à l'abondance et, encore une fois, de trouver "le" cadeau qui ait du sens.
Je citerai quand même le plus spectaculaire. Une grand-mère, qui a onze petits-enfants, nous a dit qu'elle leur avait proposé de convertir leur cadeau de Noël en onze mois de parrainage d'une petite sénégalaise pour lui permettre d'aller à l'école.
Je n'en suis pas là ! Pour ma petite-fille ce sera un abonnement à une revue et un jeu de société sous le sapin.
Nous avons aussi échangé des idées sur la manière de rappeler l'origine de cette fête, qui est religieuse, sans imposer de convictions aux générations qui n'en ont plus.
Intéressant partage pour faire en sorte que Noël ne soit pas un simple repas de famille.
09:52 Publié dans D'une génération à l'autre | Lien permanent | Commentaires (15) | Facebook | Imprimer