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mercredi, 25 mars 2009

Littérature jeunesse (2)

à Romain Blachier

le trentenaire qui a lu des Rouge et Or...

Romain, tu m'as beaucoup étonnée avec ton souvenir des Rouge et Or.

En effet comme tu es de la génération de mes enfants je peux raconter un souvenir de bibliothèque municipale à propos des Rouge et Or. Je venais d'emménager dans une commune au sud de Lyon, dotée d'une magnifique bibliothèque que l'on devait au premier adjoint, directeur de l'école primaire. Un mercredi je me présente avec mes enfants, me dirige vers l'endroit destiné aux jeunes et demande à la bibliothécaire : "Vous n'avez pas de livres dans  la collection Rouge et Or ?" Elle m'a toisée et fusillée d'un regard affreusement méprisant : "Mais madame, c'est une littérature complètement dépassée". De fait mes enfants n'ont jamais eu envie de lire ces Rouge et Or et les auteurs que j'avais adorés Saint-Marcoux et Paul Berna. Découverte récente Jeanne Saint-Marcoux était la femme de Paul Berna.

Autre souvenir "humiliant". Une jeune collègue, fraîchement émoulue de l'IUFM, arrive dans mon lycée et s'enquiert de savoir les livres que j'étudiais avec mes élèves...Elle n'envisageait, elle,  de travailler que sur des "romans-ados". À ma grande honte il m'a fallu reconnaître que je ne savais pas ce que c'était, les romans-ados. Car adolescente je n'avais envie de lire que les livres d'adultes qui m'étaient interdits. Peut-être que la censure a du bon finalement.

 

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mardi, 24 mars 2009

Littérature jeunesse

IMGP1286.JPGTant pis, Cuba ce sera pour plus tard.

Aujourd'hui j'ai envie de parler de littérature jeunesse car c'est important. Les livres lus très jeunes laissent des marques indélébiles dans l'imaginaire et dans la sensibilité de l'adulte. Leur manque ou leur privation également.

Ashab, le libraire, qui devrait reprendre son blogue prochainement, est, à Lyon, et le défenseur et le militant d'une littérature jeunesse de qualité. Il a beaucoup de mérite car il faut reconnaître que cela n'intéresse pas grand monde. Même les enseignants d'école primaire semblent s'en désintéresser.

Ashab m'a donc entraînée dans la pré-sélection d'un prix  de la littérature jeunesse, le prix devant être décerné par les enfants d'écoles acceptant de participer. Dans la catégorie 8/12 ans, catégorie d'âge que je connais fort mal. J'ai été une piètre recrue, incapable de juger, déconcertée par les livres retenus. J'ai donc jeté l'éponge ayant lu la moitié des livres. En revanche j'ai écouté avec un intérêt immense les professionnels de cette littérature jeunesse échanger leurs impressions sur les ouvrages de la sélection.

Mais cela m'a rendu perplexe sur les lectures qu'on propose aujourd'hui aux enfants.

Tous les problèmes de société y sont abordés. Les divorces des parents, l'émigration, la pédophilie etc. Trois livres, sur 25, étaient consacrés au sort des enfants juifs pendant l'Occupation. L'un des trois, plus intéressant que les autres, racontait la  lutte d'une mère contre Klaus Barbie. Plus intéressant que les autres car l'histoire n'y était pas abordée sous l'angle de la victimisation -véritable fléau de notre société- mais sous celui du combat. Je m'interroge beaucoup sur ce réalisme des livres destinés aux enfants. Incitation à la lecture, vraiment ?

Sans doute suis-je un dinosaure mais, à cet âge là,  j'aimais les livres qui permettaient l'évasion. Mes enfants, un peu moins dinosaures pourtant, également.

Évasion dans le passé, évasion dans l'ailleurs, évasion dans le fantastique. Les exploits de héros ou héroïnes qui faisaient vibrer. Les grands sentiments également amour ou amitié envers et contre tout. Il m'a semblé que tout cela avait disparu de la littérature jeunesse. Ashab va penser que je suis de mauvaise foi, n'ayant pas tout lu. Serais-je tombée sur la moitié des livres les moins intéressants ?

Je me suis ainsi replongée dans l'histoire qui avait le plus marqué mon enfance. En fait un livre qui avait appartenu à mon père.

Contes.jpgLes contes d'Erckmann-Chatrian, ce qui m'a permis de découvrir qu'il s'agissait de deux auteurs, lorrains et non allemands comme je le pensais.

Le conte est  encore dans ma mémoire

j'ai retrouvé intacts les mêmes frissons en la relisant.

Il s'intitule "La voleuse d'enfants".

Le récit se déroule à Mayence en 1817.

Une femme  erre dans les rues, folle depuis que sa fille qu'elle tenait par la main a disparu.

Elle alerte les autorités pour dire qu'on lui a volé son enfant mais on refuse de l'écouter puisqu'elle est folle.

Jusqu'au jour où un conte perd son fils de la même manière. Lui décide d'écouter Christine, la mère folle, qui le conduit à un taudis où vivent deux femmes sinistres et abominables.  La folle se précipite sur l'une d'elle...

"La misérable était armée d'un grand couteau de boucher..."

Chritine est égorgée

"...un jet de sang inonda la soupente ; la vieille  venait de lui couper la gorge."

Et j'ai retrouvé cette phrase intacte dans ma mémoire

"Il entendait Christine râler en bas, et les gouttes de sang tomber de marche en marche au milieu du silence."

Le Conte va tuer les deux mégères en découvrant l'atroce vérité : elles transformaient en pâtés les enfants qu'elles volaient pour les vendre au marché !

Voilà ce que je lisais à dix ans !

 

 

lundi, 16 février 2009

À propos d'une photo.

Retour d'un séjour dans la campagne de mon enfance, enneigée comme elle ne l'avait pas été depuis plusieurs années. En plaine, la neige est là depuis le mois de novembre. Quand je suis partie, les odeurs de purin dans les champs annonçaient malgré tout la fin de l'hiver. C'est le paysage de cette photo qui date des années 50...un hiver où la neige était absente pour Noël.
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J'avais fait dans  le passé l'éloge de la photo de famille comme étant  systématiquement le témoin des souvenirs heureux. Récemment, avec des amies, nous avons échangé sur le livre "Les Années" d'Annie Ernaux, que très peu avaient apprécié d'ailleurs. Pourtant ce récit , inventaire de toute une génération, écrit à la manière d'une entomologiste, ce qui avait dérangé la plupart d'entre nous, a ce point de vue intéressant d'aborder la narration par l'angle de la photo de famille. Annie Ernaux analyse chacune de ses photos avec le regard froid de l'observateur extérieur. Regard précieux, qui associe le lecteur, le fait entrer dans l'événement familial.
Je ne suis pas Annie Ernaux.
Récemment ma mère m'a envoyé de sa lointaine et austère retraite, cette photo que je connaissais mais n'avais regardée depuis longtemps.
Donc tentative d'exercice à la manière d'Annie Ernaux.
La photo est datée : Noël 1951.
Mes parents sont jeunes et si mon père a dix ans de plus que ma mère, cela n'apparaît pas. Ma mère a cette allure sévère qu'elle conservera  toute sa vie. Mon père porte un chapeau, je ne lui ai vu que sur cette photo : a dû l'abandonner très vite par la suite. Il s'agit de la promenade dominicale que mes parents nous ont imposée durant tous les dimanches de notre enfance. Je détestais et ça se voit. Dans le meilleur des cas, nous nous arrêtions chez des cousins très chaleureux. Je suis l'aînée et ça se voit également, affublée d'un horrible bonnet avec des oreilles de chat que ma mère nous a tricoté pendant des années, à ma soeur et moi, et qui nous ridiculisait à l'école du village.
Mais pour ma mère il ne fallait surtout pas "être comme les autres", posture que j'ai toujours, et très profondément, détestée.
Sur cette photo, ma soeur en est dépourvue, par quel mystère ?
Tout cela, c'est de l'anecdote sans intérêt.
Aujourd'hui je lis la date : 1951.
Six années seulement après la fin de la guerre. Six ans, qu'est-ce que six ans ? J'avais quatre ans, il me reste des souvenirs. Mais aujourd'hui, une seule chose m'importe : jamais, dans cette période, ni plus tard, je n'ai entendu parler de cette guerre sauf l'incontournable référence aux infects rutabagas quand on refusait de manger à table.
Rien dans ma famille, même chez ma grand-tante institutrice communiste. Rien dans les familles de mon entourage. Rideau. Chappe de plomb, nos parents avaient tourné la page.
Je peux risquer une explication pour la Haute-Savoie. Les Maquis, coupés de la Résistance organisée et livrés à eux-mêmes, avient  fait régner la terreur et leur lutte armée se réduisait parfois à des règlements de comptes. De terribles exactions ont été commises dans ces villages  et certains sont encore à ce jour, 60 ans plus tard, divisés par la haine. On peut comprendre silence et chappe de plomb. Silence entretenu par les consciences morales de cette époque : instituteur et curé, même silence. La célébration du 11 novembre, oui. L'occupation, les camps, non.
Mieux : un cousin de ma mère, instituteur, célibataire, qui  passait les grandes vacances à la maison, ancien prisonnier  nous entretenait longuement de la famille allemande qui l'avait accueilli à cette époque. Un bon souvenir  disait-il. Il avait appris l'allemand et poursuivait une correspondance avec ses anciens hôtes.
Puis la guerre d'Algérie...
C'est très tard que pour ma part j'ai vraiment découvert ce qui s'était passé à la veille de ma naissance. Les camps, l'extermination nazie. Je ne saurais dater d'ailleurs. Le choc de "Nuits et Brouillards" -censuré à sa sortie en 1956-mais je ne me souviens plus en quelle année je l'ai vu.
Il me semble que beaucoup, dans ma génération, ont été marqués par ce silence lourd,  lourd de conséquences. Car le vécu de nos parents était quand même là, quoi qu'ils aient tu ou tenté d'oublier.
Il y a quelques années, j'ai retrouvé une ancienne étudiante de la Fac de Lettres de Lyon. Nous nous étions vivement opposées en 68 ou plutôt en 69. Elle, et celui qui est devenu son mari, avaient poursuivi le combat avec les maoïstes, occupant la fac et empêchant les cours durant une bonne partie de 69. Tous deux, étudiants brillants, avaient abandonné leurs études qu'ils n'ont jamais reprises. Nous nous sommes donc retrouvées dans le climat apaisé de l'amitié, elle essayant toujours de comprendre son jusqu'auboutisme soixantehuitard.
Et c'est elle qui m'a expliqué : "mon engagement en 68 je le dois au silence de ma famille sur la période de Pétain". C'était son explication, je n'ai pas compétence à la juger mais ses propos ne m'ont  jamais quittée.
Souvent il me revient ce silence assourdissant, et justement en recevant cette photo et en retrouvant un hiver d'autrefois.

jeudi, 15 janvier 2009

Femme d'un autre temps

medium_bol8.2.jpg Si on m'avait dit, dans les années 70, quand je militais-terme peut-être excessif, disons quand j'étais  très proche-

dans un mouvement "frère"  du MLF.

Souvenir souriant : on y organisait, entre autres, des cours de mécanique-auto. Un monsieur charmant guidait nos mains empruntées vers les bougies, le delco et autres curiosités que nous étions très fières d'approcher, comme dans un rite initiatique qui nous aurait donné accès à des mystères interdits.

Inutile de vous préciser que je n'ai jamais eu l'occasion de faire usage de ces connaissances précieuses, sinon pour étaler mon savoir chez le garagiste, au temps où les voitures avaient encore de la mécanique. Ce qui est toujours le cas de mon antique R5.

Donc si j'avais dû lire, à cette époque où j'étais abonnée à "Femmes en Mouvement", très belle revue féministe, ce texte de Georges Navel, j'aurais ricané. Aujourd'hui je le trouve délicieux. Comme la vie nous transforme.

medium_hernan.jpg "De temps à autre, un dimanche après-midi, le sergent-major en permission venait passer quelques heures à la maison. Marie l'accueillait dans la grande chambre, elle portait une longue jupe noire, un corsage à col montant et à manches longues. La courbe de sa coiffure un peu bouffante adoucissait son aspect d'institutrice d'orphelinat. Assise, près de la fenêtre, elle brodait. Le beau militaire, assis à distance, couvait de tendres regards la jeune fille qu'il avait rêvé de prendre pour épouse. Embarrassés l'un et l'autre la conversation languissait. Sur un guéridon recouvert d'un napperon brodé, ma mère avait déposé des tasses à café et des verres à liqueur."

Extrait de "Passages" de Georges NaveL

Les photos des tableaux ont été trouvées sur le blogue de Bernard.

Je ne serais pas non plus allée voir ce dernier film de Manoel de Oliveira, tourné par un jeune centenaire. "Miroir magique", film presque sans action, texte sublime, images magnifiques. Intériorité, lenteur, contemplation. L'histoire d'une belle jeune femme, dans une belle demeure qui est prise d'une dévotion éperdue pour la Vierge et attend son apparition. Une atmosphère  plus proche des films de Bunuel que de celle des films actuels. Mais il a juste cent ans Manoel de Oliveira.

Le temps passe, le présent nous bouscule, l'avenir nous inquiète, le passé nous rassure.

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mardi, 13 janvier 2009

Quand les objets du passé tendent la main au présent

à Michel Jeannès

IMGP0876.JPG Coincée dans un embouteillage du vendredi soir, j'ai entendu à la radio des préconisations pour éviter les deux épidémies du moment, la grippe et la gastro-entérite dispensées par l'hygiéniste de service sur France-Info.

Les hygiénistes ont  remplacé les religieux d'antan : comme avec les bonnes soeurs de ma jeunesse, il faut toujours suivre la pente qui monte pour assurer son Salut, ne pas boire, se fatiguer à courir, se priver de tout ce qu'on aime et j'en passe.

Pour éviter les contagions, il faut donc, et c'est entré dans nos moeurs, utiliser un mouchoir à "usage unique." Je ne sais pas pourquoi, ont défilé dans ma tête, les images des paysans de mon enfance. Je les revois, avant de se moucher, en un geste lent et solennel, ils dépliaient leur grand mouchoir à carreaux copieusement maculé, et cherchaient un coin un peu moins sale pour soulager leurs narines en soufflant bruyamment. Avec le même calme, ils le repliaient et le fourraient dans leur poche. L'opération durait un certain temps même si je l'allonge un peu par le souvenir. Avaient-ils plus la grippe qu'aujourd'hui ?

Récemment, je me suis trouvée dans ma chambre avec ma petite-fille qui a éprouvé une envie urgente de se moucher.

J'ai pris un mouchoir sur une pile que je conserve dans un placard. Pile de mouchoirs récupérés, ceux de mon enfance, ceux de mon père qui n'a jamais pu s'habituer au mouchoir en papier-c'était un cadeau traditionnel le mouchoir brodé à nos initiales et on ne peut dire qu'il nous ravissait. Celui-ci, en photo, est d'une arrière grand-tante. Elle l'a brodé elle-même et il a plus de cent ans. L'ourlet, un très fin roulotté dont on ne voit pas les points, est une merveille.

Je tends donc un mouchoir à ma petite-fille, un joli avec une dentelle au bord, et voilà qu'elle m'interroge :

- Qu'est-ce que c'est ça mamie ?

Moi interloquée.

- C'est un mouchoir ma chérie, tu peux te moucher dedans.

Elle s'exécute puis, l'ayant replié, se dirige vers la poubelle de la salle de bains avec l'intention de l'y jeter. Je rectifie le geste à temps pour l'orienter vers la corbeille à linge sale.

Ouf ! "l'usage unique" a été respecté et ma petite-fille a découvert un objet de patrimoine.

samedi, 10 janvier 2009

Aux Olibrius

à Noelle, Louis-Paul, Alsacop qui ont embarqué sur le bateau de Yves et naviguent entre Vendée-Globe, Histoire cubaine et Utopie.

Bon voyage...il y a encore des places...

 

Le Bateau Ivre


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

 

Arthur Rimbaud

 


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lundi, 05 janvier 2009

Tenir jusqu'à fin janvier

Mais vous, Hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil;
On vous doit bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain
Hiver vous n'êtes qu'un vilain !

Charles d'Orléans

Lyon était désert aujourd'hui, glacial et gris. J'ai regretté les rentrées de janvier où je faisais péter la bise aux collègues. Place carnot, toute nue. Les baraques en couleur du marché de Noël sont parties. Des sapins abandonnés sur les trottoirs. Triste mois de janvier. Et le Dakar qui ne va plus à Dakar. Impossible de se réchauffer dans les dunes de Mauritanie. Des silhouettes noires passent rapidement devant la devanture des Xanthines. Les flics de la PJ d'en face s'engouffrent dans leur voiture banalisée, grise. Même Choubine est absente. Et le régime de dégraissage qui commence aujourd'hui. Janvier trop triste et trop long

Alors pour me réchauffer

plongée en nostalgie.

Vous n'êtes pas encore débarrassés des soixanthuitards car cette année, 40 ans de...

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Les artistes présents...

379.jpg Joe Cocker et Joan Baezbaez.jpg378.jpg
* Joan Baez
* The Band
* Blood, Sweat and Tears
* Canned Heat
* Joe Cocker
* Country Joe McDonald (avec et sans son groupe: The Fish)
* Creedence Clearwater Revival
* Crosby, Stills & Nash
* Grateful Dead
* Arlo Guthrie
* Tim Hardin
* Keef Hartley
* Richie Havens
* Jimi Hendrix
* JBES
* Incredible String Band
* Jefferson Airplane



* Janis Joplin
* Melanie
* Mountain
* Paul Butterfield Blues Band
* Quill
* Santana
* John Sebastian
* Sha Na Na
* Ravi Shankar
* Sly and The Family Stone
* Bert Sommer
* Sweetwater
* Ten Years After
* Johnny Winter
* The Who
Et aujourd'hui...Les mêmes quelques décennies plus tard.
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